Aborder la notion de document par le mind mapping (1) : cadre épistémologique

Il participe de l’acte d’enseigner que de pouvoir échanger avec ses élèves de sorte qu’au-delà d’une remarque fortuite germe une idée qui donnera corps à un travail à venir. Ce sentiment est d’ailleurs amplifié quand, petite espièglerie d’élève, l’objectif inavoué de cette observation tient en la diminution de la tâche à accomplir. Ce fut le cas en juin dernier lorsqu’en conclusion de la séquence « Publier sur le Web », un élève de seconde émit l’idée d’une carte heuristique en lieu et place de la production écrite initialement envisagée. Et il faut bien reconnaître que cette idée méritait d’être considérée.

Il m’est spontanément venu à l’esprit l’hypothèse d’une comparaison entre les potentialités d’une carte heuristique et d’un schéma conceptuel. Je me suis donc penché sur les exemples (il en existe d’autres) de « Mindomo », évoqué par cet élève, et « CmapTools », que j’avais utilisé par ailleurs. Quoi que ce projet me soit apparu prometteur je l’ai abandonné un temps, ne parvenant pas à déterminer quelles notions info-documentaires pouvaient y être rattachées. Et ce n’est qu’en me replongeant dans le « Dictionnaire des concepts info-documentaires » que l’évidence s’est faite sur le concept de document. Mais il est vrai que par « document » l’on envisage plus spontanément un texte écrit ou une illustration du type image ou photographie. Pourtant la carte heuristique et le schéma conceptuel répondent bien à la double caractéristique de conservation (avec des nuances il est vrai), de par la possibilité d’inscription sur un support, et de potentiel signifiant, avec une structuration qui évolue avec les notions d’architexte et l’hypertexte,  propres au contexte numérique.

Dès lors, aborder le concept de document par le moyen d’une comparaison entre une carte élaborée sur « Mindomo » ou « CmapTools », au-delà du simple fait que cela se justifiait, m’a semblé être particulièrement intéressant. J’ai repris pour ce faire la grille d’analyse proposée par Ivana Ballarini-Santonocito et Pascal Duplessis selon que l’on s’intéresse à la dimension sémantique, matérielle ou structurelle du document; ces trois approches apportant leurs propres savoirs à faire acquérir aux élèves.

Where is my mind? Creative Commons License photo credit : wayneandwax
Where is my mind? Creative Commons License photo credit : wayneandwax

Du point de vue sémantique la distinction, pas toujours évidente selon l’emploi, entre représentation du contenu en arborescence (carte heuristique) et structuration des concepts (carte conceptuelle) me semble difficilement assimilable avant la terminale par des  lycéens. Aussi il me semble plus pertinent d’insister sur l’intention et la part d’inter-subjectivité inhérente à toute forme de communication en distinguant le « documenteur » (disons l’auteur), le document et le « documenté » (disons le lecteur).

Au sujet de la dimension matérielle, ici numérique, un outil comme « Mindomo » peut paraître plus intéressant de par la possibilité d’y associer des liens hypertextes. Mais sur le fond, en terme de support, je suppose que réaliser ces cartes à main levée revient au même (mais il se peut que je sois en retard sur le numéro de la version la plus récente). L’intérêt que revêt cette dimension tient ici davantage à une confrontation des potentialités et contraintes liées au support matériel ou numérique. Sous-jacents l’on peut aborder les contextes de communication, de conservation ou encore de transmission selon le support.

Pour terminer, l’approche structurelle, plutôt qu’une distinction, pose le principe d’une complémentarité sur la logique interne du document, qu’elle soit fondée sur la mise en relation des concepts par des mots (CmapTools) ou sur la construction d’une arborescence prolongée par des liens hypertextes (Mindomo). Pour le premier outil, il est pertinent de s’attarder sur les connecteurs, ou mots, qui donnent sens à la relation entre les concepts. Cela constitue un bon moyen d’aborder les différences entre approche dénotative, constatative (hypothèses) et interprétative. Le second outil (Mindomo) est lui judicieux pour introduire les notions d’unité documentaire et de granularité de l’information (les liens hypertextes renvoient vers d’autres documents « annexés »), ainsi que d’instabilité documentaire, plus spécifique au contexte numérique. Ce qui constitue sans doute une base intéressante pour conduire les élèves à penser le web comme une structure changeante, en mouvement, avec ses créations et ses « disparitions » de documents. Mais aussi à penser l’influence d’un dispositif technologique dans la lecture que l’on a d’un document (architexte, hypertexte).

Et peut-être ainsi de conclure sur l’idée qu’il ne s’agit pas de mettre en concurrence les outils mais de déterminer lesquels sont les plus appropriés selon les situations dans une relation de complémentarité, ce qui constitue le gage d’une forme d’autonomie.

Le cadre épistémologique posé dans ce premier article, un second est à venir dans lequel j’apporterai des pistes plus précises pour formaliser une séquence pédagogique.

15 réponses sur “Aborder la notion de document par le mind mapping (1) : cadre épistémologique”

  1. Article très intéressant que je partage avec plaisir. La conclusion que vous faites est je pense la meilleure qui puisse se faire. En effet, le Mind Mapping ou carte heuristique est une technique de représentation arborescente et graphique de ses idées, connaissances est basée sur la pensée irradiante (Buzan) tandis que le Concept Mapping est inspiré des travaux du Dr Novak sur la pensée en réseaux s’inspirant lui même des travaux d’Ausubel sur l’apprentissage significatif. Ces outils ne sont donc en aucun cas en concurrence mais sont malheureusement trop confondus. Le Mind Mapping est l’outil le plus facile à prendre en main pour partir a la découverte de ses idées connaissances (pensée divergente) et également pouvoir les structurer (pensée convergente). L’ajout de caractéristiques à l’information (pas seulement des liens) mais également des images couleurs, formes, mots clés, mouvement va permettre au cerveau de traiter l’information plus rapidement de la mémoriser à plus long terme. Le principe d’association et de connexion qu’à le cerveau pour traiter l’information est le même utilisé par le Mind Mapping. C’est pourquoi nous parlons de nos jours de Bio outils.. Il peut se pratiquer à la main ou aves des logiciels proposant chacun des options différentes dont vous parlez.
    Les règles ne sont pas les mêmes pour l’utiliser individuellement que collaborativement car comme vous le dites une carte faite individuellement va être sujet à interprétation si les liens et les codes ne sont pas expliqués par l’auteur. Collaborativement il va alors s’agir de construire ces codes et règles collectifs pour faire émerger un « cerveau collectiif »…
    Il peut s’apprendre dès le plus jeune âge (6 7 ans). Les systèmes Finlandais ou Suédois l’ont dors et déjà plus qu’adopté. En France bien qu’il soit au programme de l’éducation National depuis 2010 il reste peu développé et surtout mal employé.
    Au plaisir de continuer à échanger et encore bravo pour ce post.

  2. Bonjour
    Merci à vous pour cet article très intéressant qui permet d’aller en profondeur dans la réflexion à propos de l’utilisation des cartes mentales et ou conceptuelles. Pour ma part j’ai pour le moment essentiellement travaillé avec papier et crayons avec mes élèves, au collège:
    http://classemapping.blogspot.com/
    Votre post permet de situer rigoureusement les enjeux de l’utilisation du numérique et son application dans un contexte pédagogique précis.
    Encore merci
    Très cordialement
    Lucas Gruez
    Veille sur l’utilisation des cartes mentales et conceptuelles en éducation:
    http://www.scoop.it/t/classemapping

  3. Je me réjouis de votre commentaire qui, au-delà des remerciements, répond à l’une de mes attentes pour l’article à venir. Professeur documentaliste en lycée, où je connais davantage le niveau des élèves pour adapter les contenus que je peux aborder avec eux, je m’étais mis en quête de séquences montées en collège. Votre blog m’apporte des éléments dans ce domaine, ce dont je vous remercie à mon tour.

  4. Bonsoir
    Merci beaucoup. Je trouve qu’internet permet ce partage et cette mise en réseau des connaissances, pour tendre vers un enrichissement collectif. N’hésitez pas à me contacter par mail, ce sera un plaisir de pouvoir échanger avec vous.
    Très cordialement
    Lucas Gruez

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