Enseigner l’architecture de l’information permet-il d’appréhender le temps de la convergence de l’Education à l’information, aux TIC et aux Médias?

« La question de la convergence entre les éducations à l’information, aux TIC et aux médias est un front de recherche dynamique et émergent 1». Difficile dans ce contexte mouvant d’intégrer dans nos pratiques professionnelles les premiers résultats des recherches en cours. Une évidence toutefois à prendre en compte, d’ores et déjà, consiste à considérer un nouveau cadre pour nos formations, en délimitant dans nos séances ce qui ressort du champs

  • informatique,

  • Informationnel,

  • et médiatique.

Cela permet de ne pas nier la complexité des notions que nous abordons et de mieux circonscrire le champ de nos actions auprès des élèves.

Encore une fois, ce compte rendu de séquence est un essai modeste de mise en œuvre de ce nouveau paradigme. Work in progress donc…

F. Stalder

Coordonnatrice pédagogique de l’ENT de mon établissement depuis octobre 2012, j’ai pour mission de favoriser le développement des usages pédagogiques numériques via ce dispositif. Lors de sa mise en place j’ai donc proposé à une enseignante en secrétariat de travailler sur l’espace public de l’ENT.

Une secrétaire doit savoir accueillir l’usager d’une organisation et le diriger vers le service dont il a besoin. J’ai souhaité passer par une analogie entre une situation réelle et une situation virtuelle pour enseigner aux élèves la fonction et l’objectif d’une page d’accueil d’un site web en leur proposant d’en constituer l’architecture. Le postulat étant que les mettre en posture de création leur permettrait de mieux comprendre, en situation de recherche d’information, le fonctionnement d’une page d’accueil.

Pour cela j’ai étudié le concept d’architecture de l’information. Concept ancien mais renouvelé avec le web. Il fera d’ailleurs l’objet prochainement d’un numéro de la revue Etudes de communication dont l’appel à communication précise « Par analogie avec l’architecture physique des bâtiments construits dans le monde réel, l’architecture de l’information relève des modes d’organisation spatiale et temporelle de l’information, de la structuration et des interactions des différents contenus et du design informationnel. L’architecture de l’information se présente ainsi comme la structure d’organisation sous-jacente à un système de contenu (textes, images, vidéos…). Si le Web est le cadre principal où elle s’inscrit, l’architecture de l’information peut cependant s’appliquer à tout écosystème informationnel complexe, notamment les dispositifs numériques mobiles tels que les smartphones, les livres électroniques, les jeux vidéos ou les serious games. Plus généralement, cette question de l’architecture de l’information se trouve questionnée dans le champ des humanités numériques2 ».

Depuis septembre 2012 un master, dirigé par Jean Michel Salaün3, lui est consacré à l’ENS de Lyon.

Ce concept permet donc d’aborder la notion de page d’accueil d’un site, en tant qu’organisation des contenus d’informations dans un dispositif technique, dans sa dimension translittératique4. Pour ce faire, les élèves doivent acquérir des connaissances en matière informatique (connaître les propriétés du dispositif technique pour savoir ce qu’il est possible d’en faire), en matière informationnel (connaître et organiser un objet informationnel qui a un but de communication), et en matière médiatique (envisager les contraintes et les possibilités qu’offre ce dispositif médiatique qui supporte le document construit).

Cette séquence a été construite sur un temps long. Je tiens à remercier ma collègue d’enseignement professionnel qui m’a fait confiance et a fait preuve d’un grand enthousiasme à l’égard de ce projet. Chaque séance se déroule en classe entière (18 élèves) et dure 2 heures.

Déroulement de la séquence

Pour l’évaluation finale, j’ai demandé aux élèves de rédiger une synthèse de la séquence avec deux contraintes : écrire à la manière d’un récit d’expérience pour s’approprier davantage les activités et les notions abordées, et utiliser le vocabulaire approprié pour prendre conscience d’un champ de connaissances qu’ils avaient abordé.

A part 3 élèves qui ont fait une synthèse a minima, tous les autres ont rédigé un récit structuré en mentionnant des étapes de travail dans un enchaînement logique, et avec mention des productions intermédiaires : la carte des besoins selon les profils d’utilisateurs, le cahier des charges, l’arborescence du site, le questionnaire de retour d’usage. En voici quelques extraits :

« Depuis novembre 2012 on a commencé la création de l’architecture du site Internet de notre lycée. Cela va permettre d’organiser les contenus pour répondre aux questions des utilisateurs (parents, élèves). Énumérer, catégoriser et structurer ce sont trois choses très importantes qui nous permettront de réussir la construction du site (…) . »

« Nous avons dû traiter le rôle d’une page d’accueil d’un site internet, identifier les différents usagers puis les besoins de ces usagers afin de réfléchir à l’architecture du site », « Nous avons établi une stratégie de communication ».

« Pour réaliser ce projet nous avons fait des groupes afin de repérer les contraintes liées à la création d’un site web. Grâce à ces contraintes nous avons réalisé un cahier des charges », Le cahier des charges constitue la synthèse des contraintes à respecter pour réaliser l’architecture du site. Il comprend : la mission, les contraintes, les conditions de réalisation ».

« Par groupe, on a catégorisé les informations (on les a classé dans des grandes familles) et on a structuré les catégories entre elles dans une arborescence. On a mis en commun les différentes propositions, pour n’en faire qu’une seule, en discutant des différents points de vue », « nous avons fait une proposition d’arborescence du site en hiérarchisant nos rubriques ».

Une proposition de catégorisation des informations d'un groupe d'élèves

Une proposition de catégorisation des informations d’un groupe d’élèves

Voici la proposition d’arborescence des élèves

Et celle décidée en comité de pilotage.

Les élèves ont compris les changements opérés et ont surtout compris qu’il y avait eu là le premier retour usager. Qu’il y en aura d’autres. Et que l’architecture évoluera en fonction des besoins et des nouveaux contenus à organiser.

En guise de conclusion, je voudrais insister sur plusieurs points. Tout comme pour la séquence sur l’infographie, je note : une très grande motivation des élèves qui ont fait preuve d’attention, d’écoute, de curiosité, mais également de créativité. Ensuite, le travail par projet permet d’aborder la complexité d’une notion trop souvent réduite à sa plus simple expression. Or, ces apprentissages se placent dans la complexité de compétences imbriquées. Par ailleurs, la notion de cahier des charges est très importante. Précédemment professeur documentaliste dans un lycée des métiers du bâtiment, j’utilisais cette pratique sociale de référence avec les élèves : en atelier, sur le chantier, le travail est guidé par une feuille de route qui précise les objectifs du travail demandé, le niveau de qualité exigé pour la production finale, les ressources à disposition pour la réaliser (savoirs, outils, etc.). Cadre prescriptif, il permet surtout à l’élève de disposer de tous les éléments pour procéder à une métacognition, indispensable dans une démarche d’apprentissage réflexif. J’aimerais insister aussi sur l’importance du vocabulaire utilisé. Ne pas craindre de nommer les phénomènes, les processus, les techniques. Maîtriser le vocabulaire d’un champ disciplinaire, d’un champ de connaissances, c’est en maîtriser les concepts. Lors de l’évaluation, ce vocabulaire a été restitué de manière appropriée à quelques exceptions près. Lorsque j’ai procédé à l’évaluation finale j’ai voulu conclure par une phrase de Boileau qui me tient à cœur. Au moment de la prononcer j’ai été interrompue par une élève qui voulait la dire car elle l’a connaissait. Ce fut elle qui conclut donc cette séquence « tout ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément ».

Enfin, je voudrais conclure sur l’urgence d’une culture technique pour les élèves. J’ai pu constater, tout comme pour la séquence sur l’infographie, qu’une culture technique permettrait une maîtrise plus importante d’un environnement informationnel numérique complexe ou l’usager élève n’est plus simple récepteur d’une technologie, mais interagit avec elle .

Dans ce contexte : « La convergence étant d’essence technique, il apparaît opportun que la formation le soit également en recherchant le développement d’une « culture technique ». Le philosophe Gilbert Simondon explique son intérêt : « il est nécessaire que l’objet technique soit connu en lui-même pour que la relation de l’homme à la machine devienne stable et valide : d’où la nécessité d’une culture technique ». C’est aussi une manière de rappeler l’importance de la technique dans la constitution de la pensée et de la culture5 ».

 

1F. Chapron, E. Delamotte et V. Liquète (coord.) « Introduction » In Etudes de Communication, n°38, 2012. Dossier : L’éducation à l’information, aux TIC et aux Médias : le temps de la convergence ?

 

2Appel à communication de la Revue Études de communication n° 41 « L’Architecture de l’information : un concept opératoire ? » http://edc.revues.org/3367 <consulté le 1/03/2013>.

 

3Site du Master Architecture de l’information http://archinfo.ens-lyon.fr/ <consulté le 1/03/2013).

 

4J’ai aussi utilisé ce site pour construire cette séquence http://www.ergolab.net/articles/ergonomie-page-accueil.php <consulté le 1/03/2013>.

 

5O. Le Deuff « Littératies informationnelles, médiatiques et numériques : de la concurrence à la convergence ? » In Etudes de Communication, n°38, 2012, p. 131-147.

S’informer et informer avec un nouveau genre de document, l’infographie : une situation pédagogique translittératique ?

Pour quelles raisons mettre en place une séquence sur l’infographie en première année de CAP vente ? Il y a eu plusieurs Interrogations pédagogiques de départ :

– comment prendre en compte le développement dans la presse du caractère de plus en plus visuel de l’information ? Et comment l’intégrer dans des situations pédagogiques d’EAM, notamment dans le secteur de la documentation professionnelle de la vente où les infographies se développent ? Avec une évidence : il y a des compétences à acquérir en matière de lecture et d’analyse pour que l’apprenant se trouve en mesure de s’informer avec de tels documents ;

– comment prendre en compte le développement des nouveaux outils de communication en magasin pour les clients via les écrans ? Les élèves, lors d’un salon professionnel ont pu appréhender un phénomène émergent dans leur domaine d’activité : l’importance des écrans dans le monde de la vente, de télévision, d’ordinateur, de tablette, mais aussi et surtout de mobile. Or, quand l’élève est en situation d’informer un client sur un produit, il doit acquérir de nouvelles compétences en matière de lecture/écriture des documents mis à disposition de la clientèle via ces écrans ;

– enfin, suite à des lectures récentes et au séminaire qui s’est déroulé à l’ENS Cachan [1] consacrés aux « Translittératies : enjeux de citoyenneté et de créativité », je me suis demandé comment mettre en place des situations pédagogiques prenant en compte ce nouveau paradigme éducationnel de l’ère cybériste où, entre autres caractéristiques, la culture visuelle est dominante ?

Cette séquence est donc une tentative d’aller vers la translittératie [2], en mettant l’élève en situation de lecteur/producteur d’information, tout en lui faisant prendre conscience de l’évolution actuelle de son environnement médiatique professionnel, et en lui faisant acquérir des compétences informatiques.

Avant de la décrire je voudrais insister sur l’un de mes postulats de départ : écrire et lire sur le web nécessitent des compétences appartenant à des champs différents. Il y a donc eu co-construction entre le professeur documentaliste et le professeur de vente pour faire acquérir aux élèves des compétences documentaires (savoir lire et savoir produire une infographie, produit documentaire répondant à des règles de communication) et des compétences professionnelles (connaître les nouveaux outils et produits de communication à disposition du vendeur). Une collaboration inscrite dans la transversalité pour l’acquisition de savoirs, savoir-faire et savoir-être en matière de lecture/écriture d’un nouveau genre de document sur le web, l’infographie.

* Séance 1 : L’infographie : une nouvelle forme de document ?

o Deux heures classe entière (18 élèves)

o Objectif professeur : établir un diagnostic pour percevoir les acquis en matière de lecture de ce dispositif de communication avec ces codes propres.

o Objectifs élève : prendre conscience d’un environnement médiatique qui évolue avec l’émergence d’une forme nouvelle d’information, très visuelle.

o Description succincte de la séance :

– réflexion collective sur les façons de s’informer dans leur domaine professionnel par l’observation de la presse papier [3] : ils reconnaissent des images vues sur le web (nuages de mots clés et infographies qu’ils appellent des « décorations »). Les élèves ont tous émis une préférence pour cette forme de présentation de l’information qu’ils trouvent « belle » et « plus facile à comprendre parce qu’il y a des dessins ». Je leur pose alors la question de la raison de ce goût pour l’image ? Hypothèse d’un élève : ils préfèrent l’image qui est partout (bande dessinée, jeu vidéo, etc.) car elle est plus facile à comprendre. Interrogation sur les services du web qu’ils utilisent le plus : You tube dans leur grande majorité. Cela conforte l’intuition de départ sur leur goût pour l’image, fixe ou animée. Je propose alors un exercice : lire une infographie pour en extraire les informations principales et voir comment elles sont présentées.

– Les infographies proposées, choisies en lien avec le cours d’économie, sont accessibles via un scoopit construit à cette occasion. La lecture analytique demandée est d’abord individuelle. Puis il y a confrontation de l’analyse avec un autre élève. Enfin il y a mise en commun au sein du binôme avec la rédaction d’un résumé sur le scoopit qui doit comporter les informations principales et décrire comment l’auteur les a mises en scène (pour reprendre l’idée d’un élève d’une « décoration »).

Pourquoi avoir choisi cet outil du Web 2.0 pour constituer la collection d’infographies ? Tout d’abord pour renforcer le côté visuel de cette séquence et ensuite pour co-construire une collection de documents éditorialisés, la co-construction de connaissances, la participation et la contribution de chacun dans un projet commun étant certaines des conditions essentielles de la translittératie évoquées lors du séminaire de Cachan. Par ailleurs, les élèves ont pris conscience de la publication en ligne via un outil web 2.0. Cela les a motivé.

– Devant les formes hétérogènes des résumés, nous avons élaboré un protocole commun de rédaction en déterminant les éléments à faire apparaître impérativement : fonds et forme de l’infographie, nouvelle forme de document sur le web. * Le résultat visible ici :