Proposition de progression modulaire pour l’EMI

J’ai souhaité reprendre dans un même article trois séquences sur lesquelles j’ai travaillé et qui forment un tout. Leur articulation est pensée de sorte qu’elles constituent une progression possible, à mettre en œuvre dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information (EMI). Celle-ci restant pour l’essentiel à construire, je me suis appuyé sur le champ des savoirs info-documentaires, que je me suis appliqué à mettre en perspective des prescriptions institutionnelles d’autonomie, de distanciation critique et de citoyenneté. J’en ai extrait ce que j’espère être un ensemble cohérent, qui prend pour objectif général ce que l’on pourrait appeler un « savoir-juger », avec toute la réserve que laisse supposer une telle dénomination.

J’envisage ces trois séquences comme trois étapes successives dont chacune se caractérise par l’acquisition de connaissances et de compétences spécifiques qui restent abordées, à un moindre niveau, dans les deux autres.

Parce que le seul fait d’évaluer une information ou un site web ne fait pas nécessairement sens chez des élèves de seconde à qui l’on n’a pas donné les moyens de se construire, dans la durée, un tel cadre de référence, il m’a semblé pertinent d’en faire l’objet d’une première étape dans l’élaboration de cette progression. Afin que les élèves mesurent la place de l’évaluation dans la sélection de l’information, je favorise une mise en tension entre les notions de « qualité de l’information » et de « crédibilité » qui place l’élève dans une contradiction qui trouve sa résolution dans la compréhension de ce qu’est la pertinence.

Je conçois la nécessité de comprendre ce que signifie « évaluer » comme un préalable pour envisager de faire passer les élèves d’un usage inconscient à une pratique raisonnée des médias. Pour cette seconde séquence que j’aborde avec des élèves de première, je me suis inspiré de l’approche pédagogique de Frédéric Rabat en la combinant avec une démarche de situation-problème simplifiée. Je m’appuie sur les représentations des élèves afin de créer les conditions de leur déconstruction avant qu’ils ne se réapproprient les médias (dans une acception large) en ayant à l’esprit qu’ils ne sont pas des objets neutres.

J’y vois là une condition préalable à la capacité d’argumenter pour interroger le modèle des réseaux sociaux numériques, étendu à une perspective historique de la constitution de l’espace public. Je m’appuie pour ce faire sur le temps long afin d’envisager une approche comparative propice à l’argumentation dans une recherche de confrontation des idées que peut rappeler l’agora antique ou la démocratie participative d’Habermas.

Il ne s’agit là, je le rappelle, que d’une proposition dont la trame évaluer/déconstruire-se réapproprier/argumenter est à éprouver pour en… juger de la pertinence. Il en va de même pour la démarche pédagogique qui s’appuie sur une mise en tension fondée sur le principe de contradiction, tant au niveau des représentations chez les élèves que dans les connaissances en lien avec les sujets proposés.

Pour conclure sur la dimension théorique de cette progression, mon approche renvoie à la translittératie avec pour objectif l’acquisition de savoirs à la convergence des cultures informationnelle, médiatique et informatique. Pour reprendre le mot d’Alexandre Serres, j’y vois la formalisation d’un cadre conceptuel qui favorise le discernement, nouvelle condition préalable au jugement.

Lecture-écriture numérique. Synthèse

Je viens clore la quinzaine d’articles que j’ai écrite sur le thème de la lecture-écriture numérique (ici, ici et ) par un schéma dont j’espère qu’il est lisible alors que le sujet est d’une véritable complexité. Je vous dois à cet effet quelques explications sur une représentation graphique forcément discutable. Je l’ai imaginée comme un « réseau conceptuel » (Britt-Mari Barth) dont la lecture se fait à deux niveaux. L’un horizontal, non hiérarchique, caractérisé, dans l’accomplissement d’une tâche, par les va-et-vient et les interrelations entre des éléments de contexte (en bleu) et des cultures (en vert clair). L’autre vertical, hiérarchique, qui propose une distinction entre des notions organisatrices (en orange) et des notions essentielles (en jaune).

 

 Afin de gagner en simplicité je me suis employé à décomposer ce qui se veut être, dans mon esprit, un modèle opérationnel. En particulier pour la partie haute du schéma qui traduit l’idée d’un cheminement dans l’activité menée par l’élève. Celui-ci est matérialisé par les éléments de « contexte » selon l’intention originale et le dispositif technique (cadre de la lecture-écriture numérique). Mais aussi par les cultures informationnelle, générale et-ou professionnelle qui influencent les stratégies cognitives mises en œuvre par les élèves. Par culture générale et-ou professionnelle je pense au type d’établissement (collège, LGT, LP, LDM) qui peut influer sur le type d’activité proposé aux élèves.

Dans ce travail de simplification, j’ai par ailleurs cherché à matérialiser des liens directs entre les éléments de contexte et de culture avec les notions organisatrices. Pour ce faire, j’ai mis en avant ce qui me semblait être la relation la plus forte. Par exemple, la « navigation hypertexte » peut procéder d’une « intention », mais celle-ci découle des connaissances (générales, professionnelles) que nous avons d’un sujet. Cependant, je ne suppose pas que cette répartition ait une quelconque valeur définitive. Dans la même logique, j’ai privilégié les correspondances uniques des notions organisatrices avec les notions essentielles. De plus, j’ai fait le choix de ne pas multiplier les occurrences pour une même notion essentielle. Il me semble néanmoins que, selon l’approche et le type d’activité, des corrélations existent. L’interrelation forte entre écriture et lecture numérique est en la matière particulièrement féconde.

Je précise, avant de conclure, que ce corpus de notions organisatrices et de notions essentielles est extrait des articles que j’ai rédigés sur le sujet. Or, si je souhaite que ce corpus soit exhaustif, il se peut qu’il soit à compléter.  Quant aux notions « information » et « validation de l’information » dont vous aurez observé qu’elles sont peu développées, je vous renvoie vers cet autre schéma conceptuel où ce à quoi elles se réfèrent est détaillé.

Pour terminer, j’aimerais insister sur les interrelations entre les éléments de contexte, de culture et les notions qui se rapportent à la lecture-écriture numérique. Il me semble que les activités qui pourraient être construites à partir de cet objet, gagneraient à l’être selon une approche analogue aux « milieux associés » imaginés par Gilbert Simondon. Ce serait là se porter sur le terrain fertile d’une complémentarité entre savoirs procéduraux et savoirs déclaratifs. La translittératie, construction intellectuelle émergente, pourrait s’y prêter…

[MàJ 23.10.2013] Un grand merci à Noël Uguen qui m’a fait prendre conscience que la notion organisatrice de « document » n’apparaissait qu’en creux dans le schéma conceptuel. Il m’a semblé pertinent, au regard de la double lecture horizontale et verticale de cette représentation conceptuelle, d’inscrire cette notion dans une dynamique fondée sur la création et la diffusion.

S’informer et informer avec un nouveau genre de document, l’infographie : une situation pédagogique translittératique ?

Pour quelles raisons mettre en place une séquence sur l’infographie en première année de CAP vente ? Il y a eu plusieurs Interrogations pédagogiques de départ :

– comment prendre en compte le développement dans la presse du caractère de plus en plus visuel de l’information ? Et comment l’intégrer dans des situations pédagogiques d’EAM, notamment dans le secteur de la documentation professionnelle de la vente où les infographies se développent ? Avec une évidence : il y a des compétences à acquérir en matière de lecture et d’analyse pour que l’apprenant se trouve en mesure de s’informer avec de tels documents ;

– comment prendre en compte le développement des nouveaux outils de communication en magasin pour les clients via les écrans ? Les élèves, lors d’un salon professionnel ont pu appréhender un phénomène émergent dans leur domaine d’activité : l’importance des écrans dans le monde de la vente, de télévision, d’ordinateur, de tablette, mais aussi et surtout de mobile. Or, quand l’élève est en situation d’informer un client sur un produit, il doit acquérir de nouvelles compétences en matière de lecture/écriture des documents mis à disposition de la clientèle via ces écrans ;

– enfin, suite à des lectures récentes et au séminaire qui s’est déroulé à l’ENS Cachan [1] consacrés aux « Translittératies : enjeux de citoyenneté et de créativité », je me suis demandé comment mettre en place des situations pédagogiques prenant en compte ce nouveau paradigme éducationnel de l’ère cybériste où, entre autres caractéristiques, la culture visuelle est dominante ?

Cette séquence est donc une tentative d’aller vers la translittératie [2], en mettant l’élève en situation de lecteur/producteur d’information, tout en lui faisant prendre conscience de l’évolution actuelle de son environnement médiatique professionnel, et en lui faisant acquérir des compétences informatiques.

Avant de la décrire je voudrais insister sur l’un de mes postulats de départ : écrire et lire sur le web nécessitent des compétences appartenant à des champs différents. Il y a donc eu co-construction entre le professeur documentaliste et le professeur de vente pour faire acquérir aux élèves des compétences documentaires (savoir lire et savoir produire une infographie, produit documentaire répondant à des règles de communication) et des compétences professionnelles (connaître les nouveaux outils et produits de communication à disposition du vendeur). Une collaboration inscrite dans la transversalité pour l’acquisition de savoirs, savoir-faire et savoir-être en matière de lecture/écriture d’un nouveau genre de document sur le web, l’infographie.

* Séance 1 : L’infographie : une nouvelle forme de document ?

o Deux heures classe entière (18 élèves)

o Objectif professeur : établir un diagnostic pour percevoir les acquis en matière de lecture de ce dispositif de communication avec ces codes propres.

o Objectifs élève : prendre conscience d’un environnement médiatique qui évolue avec l’émergence d’une forme nouvelle d’information, très visuelle.

o Description succincte de la séance :

– réflexion collective sur les façons de s’informer dans leur domaine professionnel par l’observation de la presse papier [3] : ils reconnaissent des images vues sur le web (nuages de mots clés et infographies qu’ils appellent des « décorations »). Les élèves ont tous émis une préférence pour cette forme de présentation de l’information qu’ils trouvent « belle » et « plus facile à comprendre parce qu’il y a des dessins ». Je leur pose alors la question de la raison de ce goût pour l’image ? Hypothèse d’un élève : ils préfèrent l’image qui est partout (bande dessinée, jeu vidéo, etc.) car elle est plus facile à comprendre. Interrogation sur les services du web qu’ils utilisent le plus : You tube dans leur grande majorité. Cela conforte l’intuition de départ sur leur goût pour l’image, fixe ou animée. Je propose alors un exercice : lire une infographie pour en extraire les informations principales et voir comment elles sont présentées.

– Les infographies proposées, choisies en lien avec le cours d’économie, sont accessibles via un scoopit construit à cette occasion. La lecture analytique demandée est d’abord individuelle. Puis il y a confrontation de l’analyse avec un autre élève. Enfin il y a mise en commun au sein du binôme avec la rédaction d’un résumé sur le scoopit qui doit comporter les informations principales et décrire comment l’auteur les a mises en scène (pour reprendre l’idée d’un élève d’une « décoration »).

Pourquoi avoir choisi cet outil du Web 2.0 pour constituer la collection d’infographies ? Tout d’abord pour renforcer le côté visuel de cette séquence et ensuite pour co-construire une collection de documents éditorialisés, la co-construction de connaissances, la participation et la contribution de chacun dans un projet commun étant certaines des conditions essentielles de la translittératie évoquées lors du séminaire de Cachan. Par ailleurs, les élèves ont pris conscience de la publication en ligne via un outil web 2.0. Cela les a motivé.

– Devant les formes hétérogènes des résumés, nous avons élaboré un protocole commun de rédaction en déterminant les éléments à faire apparaître impérativement : fonds et forme de l’infographie, nouvelle forme de document sur le web. * Le résultat visible ici :

* Séance 2 : Définition d’une infographie, un produit de communication répondant à des règles de réalisation.

o Séance d’une heure classe entière

o Objectif professeur : parvenir à un niveau d’abstraction, dans la définition de l’infographie, qui intègre les éléments du concept de document selon Pedauque : forme, signe, medium.

o Objectif élève : définir cette nouvelle forme de document comme un produit de communication ayant des règles de réalisation.

o Description succincte de la séance :

A partir de leur travail et de la collection ainsi constituée, a débuté alors un travail de réflexion sur la nature de l’infographie replacée dans un contexte plus général de la communication. Cette séance est donc une étape de construction théorique à partir de leurs connaissances sur la théorie de la communication et de leur expérience de lecture analytique.

Au tableau, nous avons élaboré un schéma de communication très simple : l’infographie est un message émis par un auteur (émetteur) pour un lecteur (destinataire) qui passe par un canal (lecture via un écran). Il y a élaboration d’une stratégie de communication par l’émetteur pour atteindre son objectif de communication auprès du récepteur. Le document est créé ainsi pour être lu dans un but précis et pour un public particulier.

A partir de ce schéma, les élèves ont dû conduire une réflexion individuelle sur l’infographie en s’appuyant sur le schéma construit ensemble et en répondant à cette question simple : quelle est la stratégie de communication pour un émetteur qui réalise une infographie ? Quels sont les éléments à prendre en compte pour atteindre l’objectif visé?

La mise en commun a été très riche. Le schéma en appui a facilité la réflexion qui a conduit à une conceptualisation de l’infographie comme document numérique visuel. Je reproduis ici leurs phrases de synthèse :

Une infographie c’est :

* un message visuel à transmettre. Il faut indiquer les informations principales avec un fil conducteur (marqué par le titre) ;

* un message à mettre en forme et à structurer grâce aux moyens mis à disposition par le logiciel. D’où l’importance du choix des éléments à utiliser pour présenter les informations de façon la plus symbolique possible pour une compréhension rapide au premier coup d’œil via un écran : un graphique, une couleur, un dessin doivent être choisis pour leur valeur symbolique auprès du lecteur.

* Un message qui a des effets attendus : faire réagir, faire joli, faire comprendre

Tous ces points évoqués constituent des éléments de la définition d’une infographie et montrent aussi que les élèves ont saisi la dimension sociale du document : il est produit pour un public cible, dans un contexte singulier, pour un usage déterminé.

The picture that supports the texte Creative Commons Licence photo credit : National Library NZ on The CommonsThe picture that supports the texte Creative Commons Licence photo credit : National Library NZ on The Commons

* Séance 3 : Production d’une infographie selon les règles établies

* Séance de deux heures, classe entière (18 élèves)

* Objectif professeur : faire prendre conscience de l’influence de l’outil sur le sens et la forme du message. La maitrise de l’outil peut renforcer le pouvoir de celui qui construit le document : sa stratégie de communication sera d’autant plus efficace.

* Objectif élève : en posture de scripteur, prendre conscience des codes sémiotiques de l’infographie.

* Description succincte de la séance :

* A partir d’un texte court avec des données chiffrées (tirées de l’INSEE sur les usages d’internet, la vente en ligne, etc.), produire une infographie pour rendre compte des informations principales en tenant compte des caractéristiques observées lors de la première séance dans la production du document : structure, composition, couleurs, formes, dessins, fil conducteur, etc. Choix du service en ligne « infogr.am ».

* Rappel : l’infographie est une écriture à part entière du document. Si on calque un modèle existant, on perd les caractéristiques propres de ce document : les dessins, couleurs, tableaux, ne sont pas là pour illustrer les informations, mais constituent les informations elles-mêmes. Elaborer avant tout une stratégie de communication.

* En conclusion : peu d’infographies achevées du fait d’une difficile prise en main de l’outil. Très vite les élèves ont été confrontés à des difficultés liées.

o A des compétences computationnelles non maitrisées : le tableur intégré pour la composition de graphiques par exemple.

o A la difficulté de ne pas « décorer » leur document. Je reprends là leur expression car, pour eux, elle a été le déclencheur de la compréhension de ce qu’est l’infographie : non pas une façon d’illustrer les informations, mais une façon d’écrire des informations, de façon visuelle, en utilisant des codes sémiotiques qui ne sont pas encore maitrisés.

Conclusion de la séquence : deux questions posées aux élèves.

Tout d’abord, trouvent-ils toujours qu’un document visuel est plus facile à comprendre qu’un document où le texte est plus présent ? Les avis ont été divergents. Je note que les élèves qui ont éprouvé le moins de difficulté à comprendre les infographies et à en produire, sont ceux qui éprouvent le moins de difficultés à comprendre un document où le texte est très présent. Cela venant confirmer le triste adage « les riches s’enrichissent » très utilisé lors du séminaire sur les Transittératies de Cachan.

Pourquoi, d’après eux, on retrouve cette forme de document dans la presse papier (nuages de mots clés par exemple) ? Réponse unanime : pour « faire moderne », pour « faire comme Internet », pour « attirer les lecteurs du web sur leurs journaux papier », pour « attirer des jeunes qui ne lisent que sur Internet ».

Pour terminer sur ce constat au sujet de notre environnement informationnel : si au début d’internet, le document en ligne prenait son modèle dans les formes connues tirées du support papier, désormais, Internet crée ses propres modèles de documents qui a leur tour influencent les documents sur support papier.

 En guise de conclusion j’aimerais préciser encore quelques points.

Pour cette séquence, j’ai essayé de mettre en lien des travaux en didactique et des travaux de recherche en Sciences de l’information et de la communication.

* penser la tâche et l’intention didactique pour élaborer cette séquence (P. Duplessis).

* utiliser la taxonomie de Bloom pour déterminer les tâches et les consignes.

* intégrer les éléments de définition du document numérique selon Pedauque pour aborder la notion d’infographie (forme, signe, medium).

* équilibrer temps de prescription et temps de médiation dans la situation pédagogique, ne pas faire comme si les élèves ne savaient rien, ne pas freiner leur créativité et le caractère nécessairement exploratoire de certaines tâches (A. Cordier).

* tenter d’intégrer des éléments de la translittératie : déterminer la part des champs translittératiques à explorer pour mieux les prendre en compte et favoriser l’acquisition de nouvelles compétences en matière de lecture/écriture numérique.

A l’issue de cette expérimentation je garde :

Une conviction :

* le travail par projet est nécessaire, car ces situations pédagogiques nécessitent un temps long.

* Il faut une collaboration authentique pour donner du sens, certes ; pour mettre en réalité le participatif si revendiqué du monde digital certes encore ; mais surtout parce que ces situations nécessitent des compétences diverses et complémentaires de tous les enseignants.

* Pour cela, il faut bien circonscrire les champs d’action de chacun. Pour ma part : faire prendre conscience d’une mutation de l’environnement médiatique personnel et professionnel avec une forme de document qui se développe avec ses caractéristiques propres, en partie dues aux moyens techniques de sa réalisation et de sa diffusion.

Un doute :

Connaître les travaux en SIC et en Sciences de l’Education pertinents et savoir les intégrer dans une pratique professionnelle en constante évolution.

Des attentes :

Des avis ! Des échanges !

Notes :

[1] Organisé par l’ENS Cachan et Crew, les 7, 8 et 9 novembre 2012 avec la présence notamment de A. Liu et Sue Thomas.

[2] Selon la définition désormais entendue de S. Thomas la translittératie peut se définir ainsi : « l’habileté à lire, écrire et interagir par le biais d’une variété de plateformes, d’outils et de moyens de communication, de l’iconographie à l’oralité en passant par l’écriture manuscrite, l’édition, la télé, la radio et le cinéma, jusqu’aux réseaux sociaux ».

[3] Par exemple le HS n° 94 d’Alternatives Economiques, 4e trimestre 2012, p. 8 « Les chiffres clés : les chiffres de l’économie 2013 ». Ou encore, Terra Eco, n°42, décembre 2012, p.52 : « Critique n° 5 : ça vient de loin, le bio, et ça ne crée pas de vrais emplois ».

Dans le labyrinthe : l’évaluation de l’information sur internet – Le livre

A l’heure des conseils de lecture pour les vacances je m’apprêtais à vous parler, une fois terminé, du livre d’Alexandre Serres, Dans le labyrinthe : l’évaluation de l’information sur internet, mais l’auteur en effectuant lui-même une présentation, je vous invite à en découvrir ci-dessous la vidéo.

Cliquer sur l’image

Couverture du livre "Dans le</p><br /><br /><br /><p>                    labyrinthe"Vidéo de présentation par Alexandre Serres
Dans le labyrinthe : l’évaluation de l’information sur internet – Alexandre Serres

A celles et ceux, et je peux les comprendre, que ce choix de lecture pour l’été plongerait dans un profond désarroi quand ils aspirent à prendre de la distance avec le travail, je vous assure de son côté plaisant et vais jusqu’à dire qu’il peut se lire comme ces meilleurs romans policiers dont on attend avec impatience… l’issue ; ou, pour moi, la résolution d’une énigme dans le choix du titre : Pourquoi un labyrinthe et non pas un dédale..?

Transposer le concept de copy party à l’école

Idée originale… et audacieuse, si il en est, le lycée Rabelais reprend le concept de copy party, organisée une première fois à la bibliothèque universitaire de La Roche sur Yon par Lionel Maurel, Silvère Mercier et Olivier Ertzscheid. Je n’insisterai dans cet article ni sur ce qu’est une copy party, vous trouverez tous les détails ici ou ici, ni sur l’importance de cette démarche, vous en comprendrez les raisons . Je me propose plutôt d’insister sur l’intérêt à transposer ce concept dans les CDI des établissements scolaires du second degré. Sans doute plutôt en lycée, il est vrai,tant les notions abordées par les élèves peuvent être complexes.

cc-by-sa Creative Commons License photo credit Ewa Rozkosz
cc-by-sa Creative Commons License photo credit Ewa Rozkosz

 

Avant d’aborder sa mise en œuvre, l’organisation d’une copy party suppose, au niveau des contenus, une approche épistémologique dans le domaine des Sciences de l’information et de la communication (SIC), ainsi qu’une phase de transposition didactique. En l’occurrence, au regard des textes réglementaires en application (en particulier l’article L 122-5 du Code de la Propriété intellectuelle), les questions relatives au droit d’auteur et au droit de l’image auront probablement une place centrale. Mais elles peuvent aussi être envisagées sous l’angle du type de documents concernés (cas particulier des logiciels) ; en fonction des conditions d’utilisation du matériel de copie ; ou encore au regard des « enclosures » (DRM…) ; et selon une dimension plus réflexive liée aux conditions d’accès aux connaissances (avec un prolongement possible vers les « Communs »), ou à la question de la lecture numérique.

Nous savons, à ce jour, que des élèves de seconde travailleront sur ce projet dans le cadre de l’option « littérature et société ». Il est aussi possible que des élèves de première, en philosophie, soient concernés. Ce qui suppose un travail sur les contenus, selon le niveau des élèves, donc une forme de transposition didactique simplifiée. Par ailleurs, d’un point de vue pédagogique, compte tenu de la nature du dispositif, la pédagogie de projet semble tout indiquée. Elle apporte du moins des conditions suffisamment souples pour ajuster la mise en œuvre de la copy party selon les objectifs et l’échéance… courant décembre.

D’ici là du travail en perspective donc, avec la volonté de préparer nos élèves à relever les enjeux sociaux et politiques inhérents à la question de la copie, car, au delà de la simple reproduction des documents, la copy party constitue un moment privilégié de réflexion sur le numérique, d’émancipation culturelle et de partage des connaissances.

[MàJ : pour en savoir plus sur la Copy party qui s’est déroulée au lycée Rabelais]

 

Quelle ambition pour les professeurs documentalistes ?

Je me propose de développer dans cet article la conclusion d’un précédent billet en la croisant avec le projet  énoncé par la Fadben dans le Manifeste 2012. Il y est précisé, en introduction aux enjeux posés par le « contexte de l’information numérique », que « la com­pé­tence infor­ma­tion­nelle est […] pré­sentée par l’UNESCO comme indis­pen­sable aux hommes et aux femmes du XXIème siècle ». Principe que nous retrouvons dans les recommandations de l’IFLA sur la Maîtrise de l’information et des médias qui soutiennent, sans s’arrêter sur la délicate traduction d’Information literacy, une expertise dont les professionnels de l’éducation pourraient s’inspirer.

Penser la formation initiale et continue…

Et il faut bien reconnaitre là que de par leur formation les professeurs documentalistes sont à la jonction de ces deux domaines que sont l’information et l’éducation. Aussi me semble t-il évident que la formation initiale doit aller dans le sens d’une prise de responsabilité des professeurs documentalistes, en anticipant les curricula évoqués dans la troisième recommandation. Il s’agit bien là d' »intégrer l’enseignement de la maîtrise de l’information et des médias ». D’aucuns considèrent que cela n’est pas possible tant la technologie numérique évolue vite. Cet argument, si il doit être pris en compte, ne se justifie que si l’on appréhende ces technologies (plateformes, applications,…) sous l’angle procédural. Il est en revanche beaucoup moins pertinent si nous considérons un enseignement par les notions et les modèles, davantage pérennes, sous-tendus par ces technologies.

C’est à cette fin que devraient être davantage travaillés les échanges avec la recherche. Il me semble ici que les interrelations avec le « terrain » seraient bénéfiques entre réflexions et expérimentations. Il est à mon sens erroné de prétendre que seuls savent ceux qui « font ». Ou ce serait alors réduire l’acte à une dimension mécaniste qui ne doit être que celui de la machine. En outre, c’est se couper des approches qui ne sont pas les siennes pour n’échanger qu’avec ceux qui partagent vos propres valeurs. Mais je ne suppose pas qu’il s’agisse là de l’attitude commune, qui serait en contradiction avec la pratique de veille qui fonde en partie notre culture professionnelle. Dans une certaine mesure le champ épistémologique des SIC, déjà exploré, ne demande qu’à être approfondi et complété par des acquis en didactique. La recherche-action, avec la recherche appliquée, dans un contexte de « révolution numérique », peut constituer une approche pertinente fondée sur une démarche de recherche collaborative chercheur/praticien qui soit porteuse de sens sur nos propres pratiques (praxis), ou du moins nous conduise à porter un regard réflexif sur celles-ci de manière à les faire évoluer et, ce faisant, à nous trans-former.

Sans titre Creative Commons License photo credit : caalo10
Sans titre Creative Commons License photo credit : caalo10

…pour élaborer une matrice en information-documentation.

Est-ce à dire que les professeurs documentalistes doivent être les seul(e)s à intervenir auprès des élèves..? Il serait ici dommageable de commencer par s’imposer des limites. Selon les objectifs visés et les tâches envisagées, les combinaisons (séance dédiée, en interdisciplinarité,…) sont multiples, ce qui constitue un avantage. Il reste que, de par notre rattachement aux SIC et notre formation, nous sommes spécialistes dans les domaines de l’information et des médias. Aussi il serait extravagant de voir nos collègues de discipline intervenir seuls, ou en qualité de prescripteurs, auprès des élèves, quand ils se savent moins compétents que nous. Conscients de cela, ils tendent d’ailleurs à nous solliciter pour cette raison évidente. C’est là toute la différence entre dire que la culture de l’information est déjà enseignée dans les autres disciplines quand elle n’y est en réalité que présente dans les programmes.

Un équilibre reste à trouver qui aborde l’ensemble des enjeux posés par la culture de l’information. Le recours à un curriculum est à cet effet adapté dans la mesure où ce type de dispositif comporte une dimension culturelle et sociétale. Par ailleurs il prévient, de par son côté dynamique et progressif, de potentielles évolutions technologiques. Enfin il autorise une souplesse dans les méthodes et stratégies envisagées pour transmettre des connaissances fondées sur des notions, des capacités et des attitudes. Les 12 propositions du GRCDI apportent pour cela l’éventualité d’une réponse à l’ambition que nous pourrions avoir pour les professeurs documentalistes ; réponse qui est d’abord celle que nous devons à nos élèves.

Les réseaux sociaux numériques, nouvel âge de la polis ?

Troisième volet d’une progression sur le thème des réseaux sociaux numériques, cette séquence est envisagée pour des élèves de terminale. Elle fait suite, en seconde, à la séquence « De l’évaluation à la sélection de l’information » sur les bases remaniées du projet « Historiae », imaginé par Olivier Le Deuff. Puis, en première, à un temps d’apprentissage et de réflexion dédié à l’acquisition de savoirs relatifs aux médias, en tant que dispositifs sociotechniques, à partir de l’exemple des grandes firmes du numériques qui composent le GAFA (séquence en cours de réalisation).

La réalisation de cette séquence résulte de lectures croisées dont en particulier les travaux de Dominique Cardon[2] et Bernard Stiegler[3], mais aussi des ceux de Evelyne Broudoux (autoritativité), Olivier Le Deuff (convergence médiatique) et Olivier Ertzscheid (jardins fermés). L’occasion de rappeler ici l’attachement qui est le mien à m’inspirer de la recherche pour en transposer dans mes cours, lorsque c’est possible, les concepts.

Agora – Creative Commons License photo credit: Fuzzy Gerdes

 

Le rapprochement entre les réseaux sociaux numériques (RSN) et la Grèce archaïque n’a rien de spontané. Pourtant, l’émergence de la polis antique coïncide avec l’apparition d’une vie politique originale fondée sur la parole (débat contradictoire argumenté) et la publicité des débats (divulgation). Dans ce contexte l’écriture devient le ferment d’une culture commune inédite où savoir devient la norme.

La similitude entre les Réseaux Sociaux Numériques et la polis tient de ce modèle de communauté de semblables, libres, tels qu’ont pu le souhaiter les pionniers du web. Cette « utopie » fondatrice ne va pas sans rappeler l’esprit des Lumières animé par Kant lorsqu’il appelle à la transparence dans son Projet de paix perpétuelle. Aspiration qui, reportée au web, trouve une résonance chez un Malesherbes qui considère les âges de l’oralité, de l’écrit et de l’impression. Ages qui, dans la continuité médiatique, sans nous attarder sur la « Galaxie Marconi », nous conduisent vers les potentialités du web2 en terme de publication.

Il ne s’agit plus désormais pour les citoyens que nous sommes d’être associés à la vie de la cité, mais de pouvoir assumer un acte de publication qui engage notre responsabilité dans ce qui est un prolongement de l’espace public. A cet effet, il nous apparait essentiel de développer chez les élèves des « pratiques numériques » conscientes qui les conduisent à se penser en tant qu’acteurs des réseaux sociaux numériques en ce qu’ils forment, potentiellement, un nouvel âge de la polis.

 

[1] Je remercie une nouvelle fois Angèle Stalder pour ses deux contributions qui, destinées à des élèves des lycées professionnels, peuvent être transposées au LGT.

[2] Cardon, Dominique, La démocratie internet. Promesses et limites, Seuil, La république des idées, 2010

[3] Stiegler, Bernard, Prendre soin (T1). De la jeunesse et des générations, Flammarion, La bibliothèque des savoirs, 2008

Congrès de la Fadben : Perspectives…

Une semaine après la fin  du 9ème Congrès de la Fadben je me propose de vous faire partager mon sentiment sur ce qui en constitue, à mon sens, la grande réussite. Il ne s’agit pas d’en faire le compte rendu des interventions, ce qui a été fait ici, ici ou encore , mais plutôt de revenir sur l’esprit qui a animé les débats.

Au delà du programme qui réunissait ce qui doit se faire de mieux, nonobstant l’absence de chercheurs étrangers, pour aborder la problématique « Objets documentaires numériques : nouvel enseignement ? », les débats laissent augurer la naissance d’un lien réel entre la « recherche » et le « terrain ». Du moins l’appel à soutenir le Manifeste 2012 est-il relayé et signé par tous.

Pillar Perspective. Benjamin Asmussen

C’est de toute évidence là un nouvel élément prometteur dont il faut s’emparer pour entretenir un dialogue jusqu’alors parfois incertain mais toujours constructif. Il en va de notre aptitude à faire évoluer nos pratiques et à revendiquer des moyens pour cela.

A cette fin, Cactus acide va s’attacher à publier des séquences et des documents de travail qui entretiennent ces échanges. Ce qui fut du reste une première fois le cas avec cette carte conceptuelle largement inspirée, entre autres, des travaux d’Alexandre Serres, Olivier Ertzscheid, Olivier Le Deuff et Dominique Cardon.

L’objectif est ici de transposer des concepts issus de la recherche pour en extraire des contenus info-documentaires qui puissent être abordés en classe avec les élèves selon des scénarii pédagogiques à suivre en l’état ou à réinventer en fonction du cadre pratique de la séance.

C’est reprendre en somme les exhortations de Divina Frau-Meig, grand témoin du congrès, lorsqu’elle nous invite à une recherche-action dont la construction des savoirs scolaires est fondée sur la convergence des littératies médiatique, informatique et informationnelle.

Les enjeux sont de taille, à nous de nous en emparer !

 

La formation aux cultures numériques – le livre

Olivier Le Deuff a compilé ses travaux de recherche et son expérience de professeur-documentaliste pour les réunir dans un livre qui aborde [« La formation aux cultures numériques. Une nouvelle pédagogie pour une culture de l’information à l’heure du numérique »](http://www.guidedesegares.info/2011/11/16/la-formation-aux-cultures-numeriques-le-livre/). La culture de l’information en forme l’unité, intégrant les enjeux du numérique et dépassant les mythes de la « société de l’information » et des « digital natives », pour introduire la pertinence du modèle des translittératies. Il en va du dépassement des simples usages pour conquérir un état de majorité fondé sur la compréhension « des écritures sous-jacentes et des mutations des objets numériques » et entraînant une sur-veillance en tant qu’attention portées les uns aux autres. Le projet est de former des individus à une culture technique dont l’entendement sera le garant du libre arbitre de chacun pour qu’opère « les métamorphoses numériques ».

Un livre à lire donc pour enrichir notre culture tant professionnelle que personnelle.