Transposer la cartographie des sources à l’évaluation de l’information, question de pertinences

Dans la continuité du travail fourni lors de la précédente séance, j’ai pu consacrer le début de l’heure à un retour sur une formulation qui intégrerait les notions de qualité et de crédibilité de l’information. Après un rappel des apports de la semaine passée et un temps de mise en commun, les élèves sont parvenus à ceci :

« L’évaluation de l’information d’un site web peut se faire selon la qualité de l’information (auteur, source, objectif du site…) et sa crédibilité. »

Parce que ce sont des notions qu’ils découvrent, elles sont encore peu consolidées. Il en résulte une formulation « brute » qui à bien des égards mériterait quelques nuances, notamment dans la relation entre la qualité et la crédibilité. On mesure ici toute la difficulté qu’il peut y avoir à stabiliser des savoirs dès lors que les apprentissages ne se font pas sur le temps long.

D’autant qu’il ne s’agissait pas là de l’objectif de ma séance du jour, pour laquelle je souhaitais, comme j’en ai émis l’hypothèse dans cet autre article, envisager d’enseigner la pertinence. J’ai repris, comme annoncé, le principe d’un graphique sur lequel les élèves seraient invités à positionner le ou les sites web consultés selon leur pertience-utilisateur (ci-dessous, axe des ordonnées) et leur pertinence-sujet (axe des abscisses). Je reprends en cela, pour partie (je n’aborde pas ici la pertinence-système) et en la didactisant, la typologie dressée par Brigitte Simonnot et Sylvie Dalbin, dont j’ai pu prendre connaissance dans le livre d’Alexandre Serres, Dans le labyrinthe.

La séquence « Projet historiae » se prête particulièrement bien à un questionnement sur ce qu’est la pertinence, ou plutôt ce que recouvre les « pertinences ». Je donne en effet pour consigne aux élèves de présenter deux thèses contradictoires dans la rédaction d’un article de presse qui porte sur une controverse historique ou paranormale. De fait, ils sont contraints d’introduire une explication en laquelle ils ne croient pas. C’est par exemple le cas avec ce groupe dont le sujet porte sur la « Zone 51 » et dont l’une des explications sur ce qui s’y passe avance l’hypothèse d’une vie extraterrestre. Les élèves sont donc confrontés à ces deux pertinences, la première répondant à un besoin d’information (pertinence-utilisateur) pour répondre à la consigne de travail, la seconde renvoyant, pour les contenus, à la qualité de l’information, variable selon que l’auteur soit impliqué ou non dans l’ufologie. Je précise que cette « confrontation » des pertinences utilisateur et sujet est aussi vrai pour un autre groupe à qui j’ai donné pour sujet l’assassinat de JFK. L’essentiel est de proposer un sujet qui porte une controverse (historique, scientifique,…).

Afin de rendre ma démarche pédagogique plus claire, j’ai décidé de ne conserver, sur le graphe ci-dessous, que la page Wikipédia consacrée à la « Zone 51 » (en orange) et le site d’un ufologue (en noir). J’ai par ailleurs repris le graphe « qualité-crédibilité », à titre de comparaison.

Au sujet des trois références à Wikipédia, un élève s’est servi de l’encyclopédie en ligne alors qu’il ne la trouve ni de qualité, ni pertinente pour répondre au besoin d’information qui était le sien. Au-delà du paradoxe, j’y vois une invitation à mesurer le nombre d’idées reçues qui circulent sur la nature non fiable de cette source. Un deuxième élève semble avoir été prudent en localisant Wikipédia dans une zone assez proche sur les deux graphes. Le dernier atrouver cette source très pertinente, selon qu’elle réponde à son besoin d’information ou au niveau de la valeur de s contenu en terme de qualité de l’information. Dans la mesure où j’ai évoqué, durant cette heure, la neutralité dans le projet éditorial de Wikipédia, je serais tenté d’être d’accord avec cet élève dans son placement. Surtout, je note qu’il a vraisemblablement fait la distinction entre la crédibilité et la pertinence. Ce qui me semble être très prometteur.

Il est en revanche plus compliqué d’analyser les résultats au sujet du site web dont l’auteur est un ufologue. Les élèves lui ont accordé, pour les deux types de pertinence, un positionnement qui leur donne une valeur relativement bonne. Au regard de ce que recouvre ces pertinences, on aurait pu s’attendre à ce qu’en terme de réponse au besoin d’information, selon la consigne de travail, la pertinence-utilisateur soit plus haute. Par contre, la pertinence-sujet, dont la valeur des contenus est caractérisée par la qualité de l’information, aurait pu être plus basse, dans la mesure où un ufologue peut paraître moins crédible. Ce « tassement » des positionnements, dans le graphes sur les pertinences, vers des valeurs moyennes par rapport au graphe « qualité-crédibilité », me semble paradoxal, en particulier si l’on confronte les axes de la crédibilité et de la pertinence-sujet. Il est par ailleurs intéressant en ce qu’il pourrait clarifier ce qui détermine le choix de tel ou tel site par les élève, la pertinence-utilisateur, en ce qu’elle répond à un besoin d’information. Hypothèse qui demande à être confirmée.

Il me semble donc, pour conclure, que la pertinence gagnerait à être enseignée pour ce qu’elle est. Cela permettrait manifestement aux élèves d’opérer leurs choix en conscience lorsqu’ils sélectionnent des ressources utiles au traitement du sujet sur lequel ils travaillent. En la matière, choisir des sujets qui demandent une recherche exhaustive et non pas seulement une réponse simple (« auto-terminative ») est plus riche. C’est un apprentissage de la complexité dans la mise en tension de notions (qualité de l’information, crédibilité, pertinence notamment) spécifiques et complémentaires. Mais il faut pour cela s’affranchir du modèle des étapes de la recherche documentaire, trop simpliste et désormais dépassé dans un contexte où l’incertitude et le doute sont moins un obstacle à l’apprentissage qu’un levier vers les savoirs.

Transposer la cartographie des sources à l’évaluation de l’information, niveau de formulation

Je me propose d’avancer dans ma réflexion pédagogique sur la cartographie des sources adaptée à l’évaluation de l’information. J’avais émis l’hypothèse de formaliser l’évaluation que pouvait faire les élèves d’une source par une représentation graphique où ils positionneraient la page ou le site consulté selon la qualité et la crédibilité des informations récupérées. Ils ont travaillés cette fois sur la Zone 51, toujours dans le cadre de la séquence « projet historiae » dont les objectifs d’apprentissage visent à développer des savoirs en recherche et évaluation de l’information. Pour ce faire je les ai laissé libres dans le choix des sites qu’ils ont consultés. Afin de suivre la concordance avec le graphique ci-dessous, vous pouvez cliquer sur les liens ci-après en noir, en orange, en vert, en bleu, en mauve et en rose.

Je suppose que la concentration des points dans la partie en haut à droite du graphique, où la qualité et la crédibilité est positive, tient du fait que ce sont les élèves qui ont choisi ces sites. On comprend bien qu’ils puissent avoir du mal à se désavouer. A ce titre, je suppose qu’il pourrait être pertinent de proposer ces mêmes sites à un autre groupe classe, sans que cette fois les élèves n’aient eu la possibilité de choisir. Le jugement qu’ils porteraient alors sur la source pourrait être davantage objectif, l’éventualité d’une implication affective due au choix ayant disparue.

En revanche, je note des différences importantes dans cette partie du graphique, selon les sites qui ont été exploités pendant l’activité. C’est en particulier le cas au sujet de la qualité de l’information dont on peut observer des alignements verticaux (en bleu, mauve et rose). De fait, i y a manifestement des points de convergence au sujet de la crédibilité, mais il faudrait pouvoir disposer de statistiques plus importantes en nombre pour tirer des conclusions davantage systématiques.

Je précise que les élèves m’ont confié ne jamais avoir abordés les savoirs relatifs à la fiabilité ou à l’évaluation de l’information. Par ailleurs, j’ai dû modifier les contenus que je pensais apporter aux élèves à la lecture de la justification suivante dans le choix d’un site :

Nous avons confiance en « Wikipédia car c’est un site très connu. Les informations sont parfois très justes, le site reste très populaire pour chercher des informations sur beaucoup de chose. Peu importe le sujet, « Wikipédia » est là.

Cette formulation est remarquable a plus d’un titre, moins au sujet de Wikipédia dont il ne s’agit pas ici de faire un hypothétique procès, que dans la relation ambigüe d’un « peu importe le sujet » avec « les informations sont parfois très justes ». C’est tout un travail de fond qui est ici à mener, dans la durée. J’avoue, cependant, que dans le temps court de la séance, c’est la notion de « popularité » qui a monopolisée mon attention. J’ai pu mesurer la confusion de sens qu’avaient les élèves des notions de popularité, de notoriété et d’autorité. En l’occurrence, dans l’esprit des élèves, un article populaire est un article crédible en lequel on peut avoir confiance. Ce qui n’est pas nécessairement vrai pour l’encyclopédie Wikipédia dont-on peut débattre de la qualité entre autorité ou popularité. En revanche le problème est posé quand les élèves justifient de la qualité de l’article de Le Point, non pas pour la qualité « réputée » de cet hebdomadaire ou en référence au journaliste Guerric Poncet, mais parce qu’il a été partagé 1000 fois sur Facebook et twitté 100 fois sur Twitter.

Je n’ai pas été en mesure de faire travailler les élèves sur une formulation stabilisée pour qualifier l’autorité, ce qui sera fait la semaine prochaine. Je pense pour cela m’appuyer les travaux d’Olivier Le Deuff et sur le concept d’autorité informationnelle d’Evelyne Broudoux. Ce dernier me semble particulièrement intéressant pour aborder les notions d’auteur, de contenu et de support comme « signes d’autorité » tout en y incluant les idées d’influence et de confiance active. Ce qui pourrait donner, à titre d’exemple, pour un niveau de formulation attendu en seconde :

L’autorité est une forme d’influence admise selon la confiance raisonnée que l’on prête à un auteur, en fonction du support et du contenu d’un document.

Mais cela suppose que les notions d’auteur, de support et de document soient déjà stabilisées chez les élèves, ce qui n’est pas ici le cas. A suivre donc la semaine prochaine…, avec par ailleurs une même captation, sous forme de graphique, de la pertinence que ces élèves prêtent aux sites qu’ils ont consultés. Il sera alors temps de comparer les différents graphiques (crédibilité/qualité de l’information et pertinence) afin de voir si des tendances se dégagent à l’analyse.

 

Lire, écrire et dire une photo de presse : identification et discours

Le projet « raconter une photo de presse » a été proposé par le CRDP de Midi-Pyrénées à l’occasion de la Semaine de la Presse et des Médias 2013.

  • Toutes les classes de 4° ont participé avec les professeurs d’histoire-géographie. 
  • Trois photographies de presse (provenant de la sélection du CRDP de Midi-Pyrénées) ont été choisies en fonction du programme : immigration, guerre .
  • Production : un podcast par groupe de 4 (à 5) élèves de moins de 3′. Le « style » est radiophonique, mais sans introduction ni conclusion. L’enregistrement est brut, sans aucun montage ni sons rajoutés. 
  • La séance avec les fiches-outils .

Rappel du déroulement de la séance (2h) 

Partir de ses émotions, de ce que l’on ressent en voyant la photographie, puis décrire la photographie en tant que représentation de la réalité et création artistique . Réfléchir sur le discours du photographe.

Les élèves n’ont pas eu de formation en amont sur la composition d’une photographie journalistique. L’idée était de partir de leurs connaissances de la lecture d’image souvent utilisées pour le cinéma, la peinture, la photographie d’art … pour les faire arriver à prendre conscience que l’image n’a pas qu’un but artistique mais aussi informatif. Avant ce projet, les élèves ont eu une séance sur la une de presse avec leur professeur d’histoire-géographie.  Ils ont donc vu comment l’image de presse est utilisée en Une.

Durant la séance de préparation (émotions, lecture et analyse de l’image, rédaction des textes), je passe d’un groupe à l’autre pour les accompagner, les mettre ou les remettre sur la bonne piste et en rassurer certains. En effet, des groupes d’élèves étaient inquiets et s’arrêtaient dans leur réflexion à cause des émotions contradictoires qu’ils ressentaient du fait de la polysémie de l’image. D’autres groupes ne notaient rien car le « rédacteur » n’était pas d’accord avec ce qu’on lui disait, que ce soit pour les émotions ressenties ou l’interprétation de la photographie. Certains élèves considéraient également que leur analyse de l’image était fausse comme s’il s’agissait d’une science exacte comme les mathématiques.

Mes objectifs de départ en terme de compétences en littératie médiatique étaient

* Savoir lire une photographie de presse (LIRE)
* Savoir décrire une photographie à voix haute (DIRE)
* Savoir dégager d’une photographie le discours du photographe (LIRE)
* Savoir s’exprimer à voix haute dans le but d’informer (DIRE)

Au final, les élèves ont également travaillé des compétences en littératie informationnelle: 

* Savoir rédiger un texte descriptif à partir d’une photographie (ÉCRIRE)
* Savoir rédiger un texte informatif à partir de l’interprétation d’une photographie (ÉCRIRE)
* Savoir s’exprimer à voix haute dans le but d’informer en adaptant sa voix selon le type de texte rédigé (informatif, argumentatif ou descriptif) (DIRE)
* Savoir écrire pour l’oral (ÉCRIRE)

J’ai imaginé cette séance à partir de trois idées

* Regarder une photographie, c’est être à la place du photographe ; c’est voir comme lui, notre œil est le sien derrière l’objectif, nous sommes face à face avec les sujets photographiés qui nous renvoient notre regard à travers l’appareil photo du photographe de presse. 
* Réfléchir au discours du photographe, c’est s’imaginer à sa place au moment où il prend la prise de vue (choix du cadrage, de sa composition interne et de ce qu’il laisse hors-champ), au moment où il doit décrire ses choix avec des mots et des émotions, c’est mettre sa propre voix sur la sienne. 
* A partir du moment où il y a prise de vue, il y a point de vue. La photographie n’est qu’une représentation de la réalité, elle n’est pas la réalité.
 

Comment les élèves s’en sont-ils sortis ? 

* Savoir nommer ses émotions : l’image polysémique et l’identification inconsciente au(x) sujet(s) photographiés 

Mettre un mot exact sur une réaction qui se traduit par un sentiment soudain et passager … c’est difficile. Tout d’abord, des élèves sont déstabilisés à l’idée d’écrire ce qu’ils ressentent en voyant l’image. Certains hésitent car ils disent que ce ne sont pas leurs émotions mais celles imaginées des personnes photographiées. Je les rassure, ils ont raison ! Les émotions surgissent car ils s’identifient à ces personnes et imaginent leurs sentiments au moment de la prise de vue.  Dans d’autres groupes, les émotions des élèves sont même contradictoires. Ils hésitent à les écrire car ils ne sont pas d’accord. Je les rassure, c’est normal ! L’image est polysémique. Ce qu’ils ressentent dépend de leur culture, de leurs connaissances du sujet, de leur imaginaire… 

* Savoir lire une photographie : le signifiant et le signifié 

La partie « réalisation de la photo » (couleur, angle de prise de vue, flou …) ne pose pas de problèmes majeurs aux élèves car l’équipe éducative du collège enseigne la lecture d’images à travers plusieurs projets comme collège au cinéma, un atelier vidéo en 5°… sans parler de l’enseignement en arts plastiques et de l’Histoire des Arts. La lecture d’images est une pratique pédagogique transversale et pluridisciplinaire. Ce projet est intégré dans la progression du professeur d’histoire-géographie. Nous avons donc calé les heures de ce projet à la suite de sa séance sur la Une de presse durant laquelle les élèves ont vu comment l’image est utilisée dans la Une. Je dois juste faire une « piqûre de rappel » sur la plongée et contre-plongée et sur l’effet que cela produit sur la représentation du sujet photographié, et donc l’interprétation de l’image. 
Les élèves doivent ensuite aller au-delà de la technique de prise de vue pour accéder à l’interprétation. Certains élèves ont confondu la preuve de ce qu’ils voient et l’intention du photographe au moment de la prise de vue. Dans le tableau 2, je leur demande « pourquoi ce choix ? » à chaque élément constituant la prise de vue. Dans l’exemple d’un plan américain, la réponse a souvent été « parce qu’on ne voit pas les pieds ».  En résumé, les élèves confondent le signifiant (ce qu’ils voient, l’image dénotée) et le signifié (l’interprétation, l’image connotée). 
A cette étape du travail, ils utilisent la légende qui, par la description du contexte de sa prise de vue, atténue fortement la polysémie de l’image. Ils découvrent et comprennent ce qu’ils voient, qui, quand, où, pourquoi. Il s’agit du contexte de la prise de vue. 

* Savoir décrire une photographie : l’image dénotée : « je perçois, je reconnais, je nomme » ( expression provenant de « la petite fabrique de l’image », éditions Magnard, 2003) 

Comment choisir les mots exacts et neutres pour décrire une représentation d’une réalité concrète ? 

Je leur conseille de se mettre à la place de celui qui écoute. La personne doit pouvoir imaginer l’image : les couleurs, le cadre, le ou les personnages et ce qu’ils font, tous les éléments importants composants la photographie. Les élèves s’appuient sur tout ce qu’ils ont écrit en amont : « la représentation de la réalité » et la première colonne de la « création artistique ». Ils ne doivent pas donner d’éléments redondants à ceux de la légende sous la photographie. Ils ne doivent pas non plus donner d’interprétation (sens connoté). Cette partie doit être distanciée.  

* Savoir dégager d’une photographie le discours du photographe : la nécessaire connaissance pour interpréter, l’image connotée 

Le photographe de presse est un journaliste. Il retranscrit l’actualité par une image fixe et non par des mots, des sons ou des images animées. Comme tous les journalistiques, il a un point de vue, un discours. Il créé une prise de vue (image dénotée) dans l’intention d’exprimer son opinion, son discours (image connotée) qui peut émouvoir les individus le recevant (identification du spectateur au sujet photographié). Ce qui explique pourquoi demander aux élèves d’écrire leurs premières émotions avant même qu’ils lisent la légende est important. Leur analyse de l’image puis leur réflexion sur le discours du photographe auraient dénaturé leurs émotions, après coup.

La création du discours par les élèves est plus difficile car il s ‘agit d’argumenter le message du photographe. Les élèves sont souvent « courts » en argument : il a voulu choquer, montrer que c’était triste … « oui mais pourquoi ? », « parce que … » et là, l’élève doit se mettre à la place de la personne photographiée, de ce qu’elle vivait ou allait vivre. Le contexte (légende sous la photographie et leurs connaissances) prend alors toute son importance. L’ enseignant en histoire a privilégié des photographies en lien avec son programme  sur l’immigration. 
Pourtant, les élèves ne mobilisent pas leurs connaissances pour rédiger la partie du discours. Ils cloisonnent. Il faut leur dire de se servir de ce qu’ils savent pour argumenter le discours du photographe. Ce qu’ils savent va les aider à interpréter l’image. En effet, celle-ci est polysémique. La signification que les élèves donnent d’une image dépend de leur culture et de leur connaissances du contexte. 

L’interprétation est aussi aidée par les émotions qu’ils ont écrites au tout début de la séance. «joie, espoir, soulagement … ». 
– Pourquoi avez-vous ressenti ces émotions ? En vous appuyant sur le cadrage de la photo, les couleurs, la disposition des sujets photographiés, comment expliquez-vous que vous ressentiez ces émotions ? 
Et ça débloque la réflexion des élèves. 
– Parce qu’il arrive dans un nouveau pays … 
– On dirait qu’il prie parce que la photo est prise en contre-plongée et que l’homme regarde vers le haut, on dirait aussi qu’il sourit … derrière sa tête, il y a des nuages … 
– Il a la tête dans les nuages 
–  Et qu’est ce que ça veut dire « la tête dans les nuages » ? 
– Il imagine, il rêve, il espère … 
Ils se rendent alors compte que leur interprétation de la photographie et donc du discours du photographe répond aux émotions ressenties et écrites au tout début. 

* Savoir s’exprimer à voix haute dans le but d’informer 
Seule contrainte technique : faire des phrases courtes. Mon objectif n’était pas de réaliser des chroniques avec introduction et conclusion mais de remplacer l’image par des mots. 
* voix 1 : l’image polysémique : Mettre des mots sur des émotions et jouer l’émotion de chaque mot . Peu d’élèves jouent les émotions : timidité, réserve, stress … Je leur demande de poser chaque syllabe bien distinctement. 
* voix 2 : le sens dénoté : ton neutre et objectif 
* voix 3 : le contexte : ton journalistique en accentuant les mots importants et en marquant les fins de phrases. J’avoue que nous avons eu peu de temps pour vraiment travailler le ton journalistique. Je me contente d’une lecture fluide et nuancée. 
* voix 4 : le sens connoté = lecture « théâtralisée. » L’élève doit se mettre à la place du photographe. On ne doit pas sentir qu’il lit un texte, ni qu’il joue un rôle. 
Les élèves se placent dans l’ordre chronologique de lecture.  On fait une seule répétition avant l’enregistrement. 

Fin de la séance

Nous écoutons tous les futurs podcasts dans l’ordre des photographies afin de voter pour les meilleurs podcasts qui seront envoyés au CDDP81. 

Bilan ? 

Trente minutes de plus et c’était l’idéal. 

Les élèves ont tout fait : analyse, écriture puis enregistrement. L’idéal serait de demander aux élèves de dessiner la photo imaginée suite à la description dénotée puis connotée des autres élèves … mais il m’aurait fallu une heure de plus. Je n’ai pas eu le temps de revenir sur l’analyse des images. D’un autre côté, je suis passée voir tous les groupes pour vérifier leur travail et leur donner les clés nécessaires à leur analyse et à leur interprétation. 

Je regrette également de ne pas avoir eu le temps d’aborder avec les élèves les différentes identifications auxquelles ils se sont confrontés lors de ces deux séances. En effet, lorsque je la préparais, j’avais l’intuition que les élèves seraient obligés de s’identifier à plusieurs « personnages » émetteurs et récepteurs de l’information communiquée, selon les étapes du travail (regarder et analyser la photo, rédiger un texte, lire à voix haute) et selon les informations à dégager et communiquer (émotions, description de la photographie, discours du photographe). J’ai donc créé, par curiosité, un tableau afin de visualiser toutes ses identifications nécessaires de l’élève.

Tableau 1 : Identification des élèves aux émetteurs et récepteurs du message selon l’information à dégager et à communiquer, et selon les étapes du travail demandé.

Toujours pas curiosité et par déduction du tableau 1, j’ai créé un autre tableau sur la relation qui existe entre le sens des images, le type de texte à rédiger et la lecture à voix haute.

Tableau 2 : Quelles sont les relations entre le sens des images – le type de texte à rédiger – la lecture à voix haute ?

 

Bien entendu, les termes « dénoté », « connoté », « signifiant », « signifié » n’ont pas été prononcés devant les élèves une seule fois car ce n’était pas l’objectif. Je les utilise uniquement ici car j’analyse la séance.

 

L’évaluation :

La première évaluation de leur travail a été réalisée par les élèves eux-mêmes. Après écoute, nous leur avons demandé de sélectionner le meilleur podcast pour chacune des photographies. Ces podcasts ont été envoyés au CDDP du Tarn pour être diffusés sur l’audioblog d’Arte Radio.
La deuxième évaluation est effectuée (par moi-même) via le socle commun de connaissances et de compétences : la maîtrise de la langue (lire, écrire et dire), la culture humaniste (mobiliser ses connaissances pour donner du sens à l’actualité, lire une image, être capable de porter un regard critique sur un fait, un document, une œuvre), les compétences sociales et civique (fonctionnement et rôle de différents médias) et l’autonomie et l’initiative (s’intégrer et coopérer dans un projet collectif). Un élève a demandé si c’était noté. Je lui ai répondu que non, l’idée était d’apprendre « quelque chose de nouveau », de travailler différemment d’une séance en histoire … et de se faire plaisir. 

Les podcasts sélectionnés par les élèves sont à découvrir sur l’audioblog d’Arte radio

Transposer la cartographie des sources, le doute levier de progression…

Je me propose ici d’analyser une séquence pédagogique pour laquelle j’ai transposé la cartographie des sources au Projet historiae. Pour ce faire, j’ai travaillé, dans le cadre de l’AP, avec deux groupes de 16 élèves qui ont choisi pour sujet d’article, le « triangle des Bermudes » pour le premier, et « l’énigme du masque de fer » pour le second. Compte tenu du nombre relativement faible d’élèves, je pense me limiter à dégager des tendances qui demanderaient à être approfondies.

La première d’entre elles est une confirmation. J’ai une nouvelle fois pu observer, chez les élèves, une méconnaissance des critères d’évaluation de l’information. Il me semble que l’une des explications pourraient tenir de « mésusages scolaires ». En l’occurrence la réalisation des objectifs disciplinaires se fait aux dépends des objectifs info-documentaires. Ou, pour le dire autrement, l’exigence porte quasi excusivement sur le « trouver » quand le « chercher » est devenu tout aussi essentiel. Afin de palier à cette difficulté, j’ai proposé aux élèves une carte heuristique sur laquelle il se sont appuyés pour cette partie du travail. J’en profite pour remercier Odile Godefroy qui m’a autorisée à reproduire cette carte qu’elle propose, dans l’enseignement agricole, à des élèves de 1ère Bac pro.

Odile Godefroy Validité de l'information site internet
Odile Godefroy Validité de l’information site internet

Dans la mesure où l’essentiel des élèves se sont appuyés sur les mêmes sites, ce qui était l’objectif du choix d’un sujet d’article identique pour tous, le temps d’échange entre et avec les élèves s’est avéré très constructif. Je pars ici du principe que l’étape de verbalisation est un moment essentiel de l’aquisition des savoirs. Il a été aussi pour moi un temps d’évaluation au cours duquel j’ai en particulier noté, chez les élèves, une confusion entre crédibilité d’un site et crédibilité de son contenu. Ce qui est sans doute normal dans la mesure où, depuis le début du secondaire, il est (quasi) exclusivement demandé aux élèves de se concentrer sur la réponse à apporter sans devoir inclure ce travail dans une démarche pensée et comprise.

 La dernière phase de cette séquence s’est révélée, sur ces bases, structurante et déconcertante pour les élèves. L’étape de réflexion sur la crédibilité des sites et pages web qu’ils avaient consultés terminée, je leur ai demandé de placer leurs sources dans un graphe où la qualité de l’information était en abscisse et la crédibilité en ordonnée. J’ai pu observer les désaccords quant à l’emplacement des pages et sites web sur le graphe, certains pouvant se trouver dans des situations opposés selon l’avis des élèves. Pour l’aspect structurant, des cas ont pu être tranchés au regard des critères d’évaluation. Mais d’autres ont dû être laissés en suspend, au regard de la part de subjectivité qui entrait en jeu. De fait certains élèves ont été déconcertés par cette part de doute qui pouvait subsister. Je trouve cela extrêmement positif pour des élèves de seconde qui, en première, dans le cadre des TPE, vont devoir travailler sur une problématique. Je pense, par ailleurs, qu’il serait intéressant de prendre le temps de mettre en oeuvre, selon des modalités à définir, cette séquence en collège et en lycée professionnel.

Anne Cordier, dans un article récent, pose l’éventualité d’enseigner l’incertitude. Au regard de ce que j’ai pu observé lors de cette séquence, cela me semble constituer une perspective à explorer.

[MàJ 28.12.2013] Pour aller plus loin au sujet de cette séquence sur la transposition de la cartographie des sources, voir ces deux billets qui abordent le niveau de formulation et la question de pertinences.

Le memex : travail élève et compte rendu

 Je me propose de publier ici la production élève et le compte rendu de la séquence sur le lien hypertexte, lecture-écriture informationnelle. Une séquence malheureusement tronquée par les aléas des emplois du temps qui m’ont contraints à  repenser pour 3 heures ce que j’avais envisagé pour 5. Suite à la première séance où les élèves avaient un travail d’écriture d’un portrait incluant quelques liens, je leur ai demandé, la deuxième heure, d’écrire un article informatif sur le memex. La troisième heures a été consacrée à la rédaction d’un article commun à partir d’un pad pour lequel ils avaient pour consigne de ne communiquer que par l’intermédiaire du chat. Ce qu’ils ont fait avec sérieux.

Je trouve intéressante leur stratégie de travail. Ils ont fait le choix d’importer leurs textes, dans lesquels ils sont aller ensuite puiser des contenus pour leur production finale. Il est sans doute important de préciser ici qu’il s’agissait d’un groupe  d’élèves dont le niveau semble homogène. Il serait sans doute pertinent de reproduire ce contexte de travail pour un groupe hétérogène afin de voir si la stratégie serait la même. Quoi qu’il en soi, pour le peu de temps que j’ai pu consacrer à cette séquence, je trouve le résultat, ci-dessous, très encourageant :

« Le memex est un ordinateur analogique fictif, imaginé par le scientifique Vannevar Bush. Il est le précurseur des premiers ordinateurs personnels qui seront développés à partir des années 1970. Il fut décrit pour la première fois dans un article paru en 1945, intitulé « As we may think ». Le nom est la contraction du mot anglais « memory extender » qui signifie « gonfleur de mémoire ». Le memex ne ressemble pas à un ordinateur d’aujourd’hui, il est conçu à partir de plusieurs appareils électroniques ( caméra …). La machine est une combinaison d’éléments électromécaniques, de caméras et de microfilms, intégré dans un bureau. A l’époque, il était très lent, c’est un système qui préfigure les liens hypertextes. »

Cependant, je note, au sujet des hyperliens, que la tendance que j’avais observé lors de la première séance, le choix d’images et de pages de « Wikipédia », se confirme. Sur ce texte qui comporte 4 liens, 3 renvoient vers « Wikipédia » et un vers une image. Il est vrai que, par manque de temps, nous n’avons pas pu travailler comme je le souhaitais sur le choix des liens hypertextes. Ce qui semble aussi pouvoir traduire ce que sont les pratiques spontanées de nos élèves. L’examen mériterait d’être approfondi.

Quoi qu’il en soit je suppose tout à fait pertinent ce travail de lecture-écriture hypertextuelle. C’est de toute évidence une situation pédagogique qui conduit nos élèves à réfléchir sur le sens de leurs pratiques avant de leur proposer d’en construire de nouvelles. En cela, le lien hypertexte est manifestement un objet « translittératique » à explorer, en ce qu’il permet une re-lecture et une ré-écriture fondées sur une distanciation-appropriation, chez l’élève, entre le texte et le dispositif technique.

Peut-on copier en toute L-égalité ? Retour d’expérience

Ce vendredi 7 décembre s’est déroulé au lycée ce qui restera comme étant la première copy party organisée dans un établissement scolaire. Au-delà du caractère sympathique de cette manifestation originale, je me propose de revenir sur ce qui a retenu mon attention, en complément de ces premiers éléments.

Creative Commons Licence : L&S Lycée RabelaisCreative Commons Licence : L&S Lycée Rabelais

Pour présenter quelques données statistiques, 88 élèves (dont 21 « tuteurs ») et 5 enseignants ont été concernés par cette journée banalisée. Les rotations sur les quatre ateliers, voir présentation ici, répartis sur le CDI et 2 salles attenantes ont permis de limiter la concentration des élèves sur un même lieu. Disposition d’autant plus importante pour l’atelier réflexif où les élèves ont pu « se poser » lors de ce temps d’échange. Pour l’essentiel cette copy party s’est donc déroulée agréablement, les élèves « tuteurs » prenant de l’assurance au fur et à mesure des rotations. Il reste que pour être critique, quelques aspects peuvent être améliorés.

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Des infographies… pas tout à fait

Nous avions demandé aux élèves de réaliser une infographie sur le sujet qui était le leur. L’idée était ici de sortir du traditionnel panneau d’exposé tout en évitant un recours trop systématique au copier-coller pour la réalisation de documents que nous espérions pouvoir publier à titre d’exemple pour le « kit pédagogique de la copy party ». La comparaison des deux infographies ci-dessous révèle une difficulté que nous avons manifestement sous estimée. Les élèves, peu familiarisés avec ce type de production, ont eu de réelles difficultés pour les réaliser. La rhétorique structurelle de ce type de document ne semble pas leur être spontanément accessible. Ce qui se conçoit pour des élèves auxquels il a été régulièrement demandé de travailler sur la réalisation de panneaux d’exposé. Ce que l’on observe avec l’infographie sur la copy party (ci-dessous) qui n’en est pas vraiment une mais davantage le type de panneau qu’ils ont eu l’habitude de réaliser jusqu’à présent.

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Cette autre infographie est davantage aboutie, en particulier dans sa partie supérieure. Mais il n’en reste pas moins que l’élaboration de ce type de document n’est pas spontanée pour les élèves et qu’ils ont eu des problèmes pour se dégager des textes qu’ils ont consulté et qu’il leur a fallu condenser pour arriver à ce résultat. Sans doute l’approche des cartes ou schémas conceptuels est intéressante pour aborder les différentes formes rhétorique du document. Cela préparerait les élèves à penser la structure formelle des infographies, qui devraient être étudiées pour elle-même, en ce qu’elles constituent un document à part entière, avec ses propres caractéristiques .
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Stabiliser les savoirs dans la durée

Le temps d’échange, fondé sur les représentations des élèves, dans une démarche bottom-up, a laissé apparaître de grandes disparités au niveau des connaissances qu’ils peuvent avoir du numérique. Sans doute cela provient-il, pour les tablettes et les liseuses du moins, de la faiblesse du taux d’équipement pour ce type de matériel qui peut rester inaccessible financièrement. Mais, plus globalement, j’y vois la conséquence d’apprentissages trop éparses pour être tout à fait stabilisés. Aussi il me semble, mais je sais la réflexion en cours, qu’il pourrait être pertinent de systématiser un temps régulier d’enseignement-apprentissage qui s’inscrive dans la durée. Du moins, au fil des séances, j’ai apprécié l’avancée des travaux des élèves lorsqu’ils ont été en mesure de situer leur sujet (plagiat, lecture numérique, droit d’auteur,…) dans un contexte plus global.

Un projet à mener avec des élèves de 1ère ?

Il reste que ce projet est sans doute davantage à mener avec des élèves de première, plus en capacité d’évaluer la complexité des enjeux et les controverses qu’ils peuvent susciter. D’autant que si les élèves qui ont pris part à l’élaboration du projet arrivent avec des références, ceux qui participent aux ateliers sont souvent démunis. Il me semble donc que ce projet pourrait être mené dans le cadre de l’Accompagnement personnalisé, en première, dans une approche de la complexité qui privilégie l’argumentation et la progression dans le raisonnement, en écho à la méthodologie de la problématique travaillé en TPE.

Je souhaite, pour terminer, que ce projet soit repris par d’autres établissements. A cet effet, pour celles et ceux qui seraient intéressés, vous pouvez consulter ce kit pédagogique de la copy party. Par ailleurs, Anne Sophie Domenc et moi-même nous tenons disponibles si vous voulez en savoir davantage.

Projet « Historiae » : pistes de réflexion

Après avoir envisagé l’éventualité d’une évolution du projet « Historiae », je me propose de développer quelques pistes de réflexion suite à une séquence achevée avec des élèves de seconde. En liminaire je souhaite insister sur le fait qu’il ne s’agira là que d’hypothèses non généralisables, compte-tenu de la seule vingtaine d’élèves concernés. Aussi, si mes observations trouvent quelques échos chez vous ou si, au contraire, elles vous sont lointaines, je vous invite à commenter cet article.

Où l’on reparle du copier-coller

S’il est vrai que l’essentiel des groupes a réalisé un travail satisfaisant je regrette de ne pas pouvoir publier les articles écrits par les élèves. Flagrante ou plus édulcorée, la part de copier-coller y est malheureusement trop systématique pour que cela soit possible. Aussi je reprends l’une des conclusions développées dans un article précédent. Il semble qu’il y ait une difficulté réelle à réécrire, pour certains élèves, avec leurs mots, des contenus. Ce qui peut résulter d’un défaut de compréhension, donc d’appropriation.

Mais il est vrai aussi, et peut être surtout, qu’ils sont peu familiarisés avec cette contrainte d’écriture qu’est le style journalistique. Or si celui-ci a en commun avec le style encyclopédique (rappelons ici le recours méthodologique des élèves à « Wikipédia ») l’importance de la présentation des faits, il n’est en revanche pas neutre. C’est là toute l’influence d’une politique éditoriale selon la source. Il me semble donc, ce que je n’ai manifestement pas suffisamment fait, qu’il serait pertinent d’insister davantage sur la mise en contradiction des différentes thèses défendues. En les cartographiant, par exemple, que les auteurs apportent une explication rationnelle ou irrationnelle aux énigmes historiques traitées par les élèves. Ce faisant, il pourrait ensuite leur être donné pour consigne d’argumenter selon leur propre conscience, de sorte qu’impliqués eux-mêmes, ils soient conduits à se situer dans le débat contradictoire.

Contradiction Creative Commons licence photo credit : topastrodfogna
Contradiction Creative Commons licence photo credit : topastrodfogna

Susciter l’esprit de contradiction…

Au-delà du jeu de mot, il est sans doute important de rappeler que les élèves sont peu familiarisés, avant le lycée, avec les notions d’argumentaire et de contradiction. Ce n’est pas là une critique mais le simple constat d’une progression, cohérente du reste, qui voit nos élèves aborder plus systématiquement ces questions en ECJS pour le débat et en TPE pour la problématique. Il me semble cependant, en toute modestie, que ce modèle pourrait gagner à être réactualisé dans la mesure où il est fondé sur un unique contrôle a priori du savoir, aujourd’hui dépassé. Nous savons qu’internet a modifié ce paradigme en introduisant la nécessité d’un examen a posteriori face à la multiplicité de publications qui concourent à la fragilisation du concept d’ « autorité ». Rapporté au projet Historiae, la compétence des professeurs documentalistes se situe probablement à ce niveau, complémentaire de l’attachement des historiens à la recherche des faits, et des professeurs de lettres à la recherche du style.

Open source water Creative Commons licence photo credit : Schoschie
Open source water Creative Commons licence photo credit : Schoschie

Vous avez dit critères d’évaluation..?

Une seconde partie du travail demandé aux élèves consistait en la détermination, par eux dans un premier temps, puis avec ma remédiation, de critères d’évaluation qui nous permettent de considérer si les sites qu’ils avaient consultés étaient a priori fiables ou non. Singulièrement, et je suis d’autant moins porté à généraliser que ce cas ne s’était jamais produit, les élèves n’ont pas compris, malgré plusieurs explications sur ce terme, ce que j’entendais par « critères d’évaluation ». Si une première explication peut tenir au fait que je me sois sans doute mal exprimé ou que ma consigne n’était pas claire, la raison est peut-être à trouver ailleurs. La non reconnaissance du mot « critère » par les élèves, dans ce contexte particulier, laisse supposer qu’il n’est pas signifiant, pour eux, dans leur évaluation de l’information. En conséquence, il me semblerait opportun, pour préparer au débat et à la problématique sans doute, mais surtout en soi, d’aborder systématiquement, et non occasionnellement, quand c’est encore le cas, cette question de la fiabilité en collège. C’est un  enjeu fondamental.

Les deux groupes qui travaillaient sur l’assassinat de JFK ont été confrontés à une difficulté qu’ils n’ont pas vu. Les élèves se sont appuyés sur un site d’extrême droite pour réaliser leur travail. Il ne s’agit pas ici de blâmer des élèves de seconde qui peuvent ne pas être familiarisés avec la terminologie et la symbolique identitaire. De même que je ne crois pas utile de réagir trop vivement face à un élève qui, piqué au vif dans sa relation quasi matricielle au web, ne voit pas de problème à passer par un site d’extrême droite pour construire son travail. Il en va ici davantage de la responsabilité de l’enseignant à aborder avec les élèves ces infopollutions en les replaçant dans les enjeux politiques et axiologiques qui feront sens progressivement, au collège et au lycée, chez des élèves en quête d’une majorité émancipatrice.

C’est sans doute là faire appel au philosophe, qui recherche la vérité.

« Publier sur le Web » : retour d’expérience

Comme annoncé ici je me livre, en cette fin d’année, à un compte rendu de la séquence « Publier sur le web« . En forme d’avant propos il me faut préciser que pour des raisons d’emploi du temps je n’ai pas pu voir autant d’élèves qu’envisagé au départ. Ainsi seuls 4 des 5 groupes d’AP ont suivi la séquence pour un total de 70 élèves.

Y a-t-il une vie après « Facebook » ?

Premier élément significatif, à la question « qu’évoque pour vous publier sur le web ? » les élèves répondent à chaque fois « Facebook ». Ce qui ne surprendra sans doute personne. En revanche, plus curieux, au delà de cette première proposition, il semble falloir leur en suggérer d’autres pour que viennent « Youtube », les blogs ou, plus encore, le droit de l’image par exemple. Si le panel d’élèves n’est pas suffisamment représentatif pour pouvoir être systématique, le temps d’échange avec les élèves, lors du bilan d’activité, apporte un début d’explication.

Il apparaît que les élèves n’ont pas de lecture structurée de ce que sont les réseaux sociaux numériques. Ils utilisent « Facebook » sans faire de distinction entre Internet et le Web, ni différencier la marque de la plateforme. Par ailleurs, bien qu’ils puissent en connaître l’existence, ils éludent complètement les notions (droit d’auteur, identité numérique, …). Aussi il me semble plus que pertinent d’apporter aux élèves des connaissances qui leur permettent d’avoir une conception globale de l’écosystème numérique.

Pour terminer sur ce point je vous invite à prendre le temps de cette vidéo qui aborde les usages des TIC par les lycéens. C’est là une excellente synthèse sur les questions qui, professeurs documentalistes et enseignants-chercheurs, nous occupent.

Y a-t-il des sources après « Wikipédia » ?

Il se trouve en réalité qu’il y a des sources avant « Wikipédia »…, du moins lorsque les élèves utilisent l’objet info-documentaire qu’ils ont à traiter. Dans ce cas ils organisent, a priori, leur présentation selon leur expérience. C’est l’une des deux stratégies observées, la seconde conduisant les élèves directement vers « Wikipédia ». Ensuite, dans les deux cas, les élèves étendent leurs recherches à d’autres sites. L’objectif revient alors à combler les manques, ce qui se fait encore trop souvent aux dépens de l’évaluation des sites. Si dans l’esprit de l’élève le résultat prime sur la méthode, il ne doit pas en être de même dans celui du professeur. Ce qui suppose un travail de longue haleine…

Objectif d’apprentissage inspiré de « Wikipédia » la contribution des élèves à la rédaction du Pad est satisfaisante. Ils se sont vite pris au jeu et sont allés avec intérêt lire les productions des autres groupes. En revanche, souvent par respect ou intimidation, ils sont peu intervenus sur les apports antérieurs de leurs camarades et ont plutôt procédé par ajouts que par corrections. De fait le Pad tient moins d’une mosaïque de couleur que d’une succession de blocs qui sont autant de points abordés par les différents groupes intervenus sur un même sujet.

Nieuwe Media Cultuur in Nederland krant Creative Commons License photo credit : Anne Helmond
Nieuwe Media Cultuur in Nederland krant Creative Commons License photo credit : Anne Helmond

Y a-t-il une vie après le copier-coller ?

Les élèves avaient la possibilité de passer par une phase de copier-coller avec pour consigne de réécrire leur production. La part du copier-coller reste malgré tout importante, bien que l’on puisse observer, dans la présentation, une forme de réappropriation des contenus extraits de la source initiale. C’est par exemple le cas pour « Youtube » dont le sommaire, issu de « Wikipédia », a été modifié pour ne conserver, selon les élèves, que les éléments jugés les plus pertinents.

Compte tenu du déroulement de l’activité, j’apporte à cela 3 raisons. Tout d’abord, comme précisé précédemment, les élèves ont peu retouché ce qui avait été fait antérieurement. Ceci étant, des pans entiers de présentation sont restés en l’état, comportant de larges extraits de copier-coller n’ayant pas été réécrits. Par ailleurs, il semble que des passages jugés importants ont pu être copié sans que le contenu ne soit compris par les élèves. De sorte qu’ils se sont trouvés en difficulté pour ensuite les réécrire. Enfin, certains élèves ont estimé ne pas être en mesure de pouvoir mieux écrire ce qu’ils avaient trouvés.

Il apparaît, a posteriori, qu’au delà d’interventions ponctuelles et d’une remédiation programmée lors de la dernière séance, il faille envisager plus tôt dans la séquence une évaluation de la compréhension globale qu’ont les élèves de leur sujet. Par ailleurs, alors qu’aucune consigne ne portait sur la partie tchat du Pad, il serait vraisemblablement opportun de donner pour consigne aux élèves de l’utiliser pour formuler au groupe des demandes qui concernent des difficultés qu’ils peuvent rencontrer.

En guise de conclusion

En amont des réseaux sociaux numériques, la méconnaissance de ce que sont Internet et le Web, ainsi que des notions qui peuvent y être associées, constitue une lacune pour des élèves qui n’ont pas une lecture structurée d’un environnement dans lequel ils peuvent, par ailleurs, évoluer avec une certaine aisance. Il me semble donc plus qu’urgent de prendre le temps d’aborder ces notions avec eux de sorte qu’au delà de leurs pratiques, dans une mise en perspective médiologique, ils aient une réelle culture technique, médiatique et documentaire.