Focus sur « ID Base »

Pour reprendre les termes de son auteur, Pascal Duplessis, le « projet ID Base est né de la volonté de contribuer à la didactique de l’information-documentation en mettant en lumière un axe peu sollicité, celui des séquences pédagogiques expérimentées sur le terrain par les professeurs documentalistes ». Avec 40 notices après 3 semaines d’existence, cette démarche prometteuse donne une lisibilité et des perspectives intéressantes pour qui s’interroge sur ce qui se pratique dans les centres de documentation et d’information (CDI) ou, plus simplement, est en quête de matériau pédagogique pour structurer son propre enseignement.

L’interface, très intuitive, fait le lien entre les notions qui sont abordées, le niveaux des élèves et les méthodes pédagogiques suivies, que le professeur documentaliste enseigne seul ou en interdisciplinarité. L’entrée par les « progressions » est particulièrement intéressante. Elle devrait permettre, à terme, de proposer des pistes de séance par niveau, selon la ou les notions info-documentaires qui sont visées. En l’état, c’est par ailleurs une « photographie indicative » qui donne un aperçu des notions qui sont abordées dans la durée (citation, droit d’auteur, évaluation de l’information,…) quand d’autres semblent davantage « orphelines ». Mais il ne s’agit là que d’un premier récolement qui ne demande qu’à être complété.

Outre le travail de collecte des séances, ID Base apporte une plus-value avec la fiche d’analyse qui peut constituer un cadre réflexif et de pratiques commun aux professeurs documentalistes. Cela semble en tout cas pertinent pour la partie plus descriptive de la situation didactique qui se réfère au modèle du triangle didactique (savoir-enseignement-apprentissage). Il est aussi intéressant de s’arrêter sur la matrice des objectifs d’apprentissage qui propose une distinction entre les « savoirs pratiques » (efficacité), les « savoirs théoriques » (intelligibilité) et les « savoirs éthiques » (responsabilité). En cela, ID Base s’adresse aux professeurs documentalistes avec pour projet d’ « alimenter leur réflexion pédagogique et didactique et [de] construire une culture enseignante commune ».

A cet égard, afin d’étoffer ID Base, il est possible d’adresser à Pascal Duplessis (adresse mail en bas de page d’ID Base) des séances qui répondent aux critères exposés dans l’ « A propos ». Je précise, pour terminer, que Cactus acide peut effectivement être un espace de publication pour la mise en ligne de ces séances.

Focus sur la « Profdocosphère »

J’ai décidé de consacrer l’article de rentrée de Cactus acide à la Profdocosphère dont je découvre avec intérêt que 30 sites y sont aujourd’hui référencés, ce qui n’est pas rien. D’autant que j’ai en mémoire un échange avec Richard Peirano, il y a à peu près deux ans, qui s’étonnait du faible nombre de professeurs documentalistes qui publiaient sur la blogosphère. Ce en quoi il avait raison. Il semble bien que la situation ait évoluée dans le bon sens et si les raisons de ce changement de tendance restent à déterminer, l’initiative de Claire Cassaigne, à l’origine de cette plateforme, est à souligner.

Je ne sais ce qui est à l’origine du nom « Profdocosphère », mot qui doit manifestement constituer un défi pour le référencement… mais est une vraie invitation à la sérendipité. Cette approche est d’ailleurs soulignée sur la page d’accueil du site. La répartition par mots clés a par ailleurs attirée mon attention. Non que je veuille tirer des conclusions trop hâtives sur ce qui n’est qu’une approche professionnelle parmi d’autres, celle des professeurs documentalistes qui publient sur la blogosphère. Je note tout de même que sur ces 30 sites, 22 prennent pour thématique la « pédagogie », ce qui qualifie, manifestement, la représentation qu’a notre profession d’elle-même. A noter que je n’entends pas, par cette réflexion, exclure la gestion (4 occurrences), autre volet important de notre mission, qui se prête sans doute moins à cette forme de publication. Je ne voudrais pas non plus surinterpréter le nombre d’occurrences pour la « Réflexion » (13, soit un peu moins de la moitié), qui pourrait laisser supposer une approche des professeurs documentalistes qui soit davantage centrée sur la description de leurs pratiques plutôt que sur des formes d’analyse. L’une, d’ailleurs, n’exclut pas l’autre.

Quels que soient les contenus de ces sites ou de ces blogs, cette profdocosphère, désormais étoffée, est donc à saluer, en espérant qu’elle continue à se développer. J’observe sur ce point qu’un nouveau site est « en attente » de validation. Peut être le tien, Richard…

Focus sur @BlogPhilo

J’entame avec le blog de Julien Lecomte la rubrique « Focus » de Cactus acide, dans laquelle je consacrerai des articles à des sites que je trouve particulièrement intéressants. J’ai découvert celui-ci courant août au gré de quelques heures abandonnées à la sérendipité. Et si j’en parle seulement aujourd’hui, ce n’est pas dû à son actualité éditoriale (je n’ai pas encore lu ce livre, ni ne touche de commissions sur les ventes) mais plutôt faute d’avoir eu le temps jusqu’à présent, ce qui est désormais le cas.

Gorille à Paris Creative Commons Licence photo credit - THEfunkyman
Gorille à Paris Creative Commons Licence photo credit – THEfunkyman

Je vous invite en particulier à lire le dossier « Les apprentis sorciers de l’éducation aux médias » qui aborde, sans concession, cette question tant du point de vue des pratiques et des compétences que de celui des enjeux et de la didactique, pour dégager contenus et méthodes. Par ailleurs la documentographie, pour elle seule, mérite d’être consultée; ce qui est le cas pour l’ensemble des articles du blog, particulièrement bien sourcés. Sur ce point, les articles des rubriques « Enseignement » et « Médias » devraient particulièrement intéresser les professeurs documentalistes, sans pour autant délaisser les sujets consacrés à la philosophie.

Bonne découverte ! Et si vous vous demandiez pourquoi l’on dit que l’homme descend du singe, vous savez désormais pourquoi…

Entretien avec « Mesdocsdedoc »

« Cactus acide » : « Mesdocsdedocs » est un blog bien connu par celles et ceux qui comme moi, à l’occasion, viennent y braconner quelques bonnes idées. Pourriez-vous néanmoins nous rappeler vos objectifs et votre démarche ?

« Mesdocsdedoc » : Mon objectif, c’est de participer à une stimulation collective qui nous permette de renouveler nos pratiques. Inventer des situations d’enseignement réalisables facilement, prendre le risque de changer les façons de faire, en se trompant parfois, mais le faire à plusieurs pour limiter la prise de risques. Je souhaite aussi coller à l’actualité de la recherche dans la mesure de mes moyens, saisir les pistes que certains chercheurs nous tendent pour relever le défi, concrètement. C’est de la réflexion  de Nicole Boubée que me vient l’idée de travailler sur document de collecte : directement des préconisations liées à ses travaux de recherche.

Ma démarche de publication sur blog vient d’une envie de mutualisation. Proposer un retour d’expérience pour ceux et celles qui m’ont aidée et offrir des pistes à mon tour. A l’origine, je voulais intégrer à mes pratiques et à ma réflexion les nouveaux outils numériques mais j’avais peur d’une perte de sens. C’est pourquoi j’ai beaucoup creusé cette piste : qu’enseigne-t-on avec ces nouveaux outils ? J’essaie de toujours mettre la question du sens en avant, et dans mes séances et dans ce que j’en publie. Plus personne aujourd’hui ne serait capable d’affirmer qu’il suffit de mettre un élève face à une information pour que celle-ci se transforme pour lui en savoir. La problématique de l’accès à l’information ne se pose plus de la même façon en documentation. Elle relève de notre enseignement mais dans une perspective d’Education aux médias. Reste la question de la construction de savoir. Qu’en fait-on ? Quelle responsabilité nous échoit aujourd’hui ? Et je ne parle pas seulement de nous, professeurs-documentalistes, mais des enseignants en général. Comment est-on censé enseigner dans notre société de l’information pour permettre à tous nos élèves l’exercice futur de leur citoyenneté ? Sur cette question, je crois que nous les prof-docs, sommes plutôt meneurs dans un changement, qui touchera certainement toutes les disciplines.

« Cactus acide » : Pour aller un peu plus avant et aborder la question des contenus et, cette fois, des objectifs pédagogiques pourriez-vous nous présentez les points saillants de votre travail auprès de vos élèves ?

« Mesdocsdedoc » : En matière de recherche documentaire, les élèves qui arrivent en 6ème ont déjà une pratique et tout au long de leur scolarité cette pratique hors école se poursuit. Même si on ne peut pas qualifier nos élèves de chercheurs experts (loin de là) et que l’on remet en cause l’expression de digital native, il n’en reste pas moins que les certains sites leur sont déjà familiers. Ils ont déjà des pratiques informelles semblables à celles des adultes : consultation de « Wikipedia » pour prendre connaissance d’un sujet, utilisation de « Google » systématique, etc.

Ce sont des éléments que nous ne pouvons pas ne pas prendre en compte dans notre enseignement.

Mes objectifs sont :

– En matière d’Education aux médias: comprendre le mode de fonctionnement et de financement des outils qu’on utilise quotidiennement pour leur enlever leur aspect « magique »

– En matière de savoirs info-documentaires, je travaille constamment la notion de source qui permet très souvent de mieux cerner la qualité de l’information lue. J’interroge en 6ème la notion de document à travers l’évolution des supports. Je travaille aussi la notion d’accès à l’information à travers l’utilisation d’outils divers (BBD, moteurs, portails…)

– En matière de méthodologie documentaire, j’essaie de mettre en place des situations d’enseignement qui s’appuient sur des pratiques informelles et qui permettent de les solidifier si elles sont bonnes ou de les remettre en cause si elles sont peu efficaces.

En fait, dans une séance de recherche, ces éléments s’entrecroisent constamment. Ce qui est extrêmement difficile pour les élèves c’est de savoir quoi mobiliser comme connaissance ou comme savoir-faire pour arriver à un résultat de recherche efficace. Si on ajoute à cela que ces démarches sont très personnelles, parfois intimes, et qu’elles contiennent des éléments non conscients, on perçoit à quel point tout cela est complexe.

Mon rôle dans ce cadre est de dispenser des savoirs utiles et réutilisables dans des travaux de recherche futurs.

Mon rôle est aussi de proposer des situations de recherches fréquentes et variées. Plus nos élèves chercheront, et dans des contextes disciplinaire différents, plus ils développeront d’aptitudes pour la recherche. C’est pourquoi, à mes yeux il est extrêmement important, en collège, de former les élèves jusqu’à la fin de l’année de 3ème (ce que permet l’Histoire des Arts aujourd’hui). C’est pourquoi aussi je multiplie les activités de recherche courtes, privilégiant la multiplicité et la diversité des activités.

Enfin, ma conviction profonde est qu’il n’existe pas de recherche préétablie. Il faut en finir avec le professeur-documentaliste qui est là en tant que garant d’un bon déroulement de recherche. J’ai pris en horreur la phrase trop souvent répétée «Si tu ne sais pas ce que tu cherches, tu ne peux pas trouver». Elle nie totalement la part de sérendipité qu’inclue l’activité de recherche d’information. Elle a conduit pas mal de documentalistes (moi y compris) à faire poser des questions, voir établir des débuts de plans à des élèves sur des sujets qui leur étaient totalement étrangers. On essayait de faire naître un besoin d’information, mais la démarche était tellement artificielle qu’elle n’était pas réutilisée en autonomie.

Je préfère, après une activité de recherche précise, et le plus souvent courte, mettre les élèves en situation d’analyser leur recherche et leur demander d’évaluer son efficacité. Par exemple je donne la consigne en début d’année de 6ème d’aller chercher l’image d’une œuvre d’Art sur internet. Je leur demande de noter sur une feuille ce qu’ils font. La recherche faite, les élèves m’expliquent comment ils ont fait. Nous échangeons pour essayer de trouver le vocabulaire adapté pour nommer les outils ou les procédures, nous souvenir de ce qui a été fait et nous comparons les résultats dans la classe. L’activité dure dix minutes, pas plus. Mais je crois que cette verbalisation rétrospective est essentielle. Elle met en mots des activités inconscientes, des automatismes et oblige à nommer des outils que les élèves utilisent mais connaissent mal. Je pense qu’elle permet de construire des savoirs utiles pour leurs futures recherches qui s’appuieront (entre autres) sur la sérendipité.

« Cactus acide » à fait de la culture de l’information l’une des clefs de lecture pour aborder le travail des professeurs-documentalistes. Vous même avez développé des séquences sur la culture numérique. Pourriez-vous nous précisez le sens que vous donnez à cette notion ?

« Mesdocsdedoc » : La notion de culture informationnelle est forcément évolutive dans notre société qui intègre chaque jour de nouveaux outils. Mais quelque chose demeure qui est du domaine d’une éducation citoyenne.

Nous prenons en charge des élèves qui ont déjà des pratiques numériques et nous laissons à la sortie de l’école des citoyens qui seront en contact constant avec les outils de la société de l’information.
Dans ce cadre, la question est : de quel bagage nos futurs citoyens ont-ils besoin pour être bien intégrés à la société et être capables de faire des choix en toute connaissance de cause ?
La culture informationnelle serait donc une capacité à mobiliser des connaissances et des habiletés, les mettre en relation à un moment donné pour créer sens et savoirs face à une information.
Pour les modalités, je reviens à ce que je disais : donner des situations de recherche et analyser avec les élèves comment ils y ont répondu, ce qui a été efficace, utile, ou non. Favoriser aussi les situations de production.

Les objectifs que je me donne en matière de culture informationnelle sont :
– développer chez mes élèves le goût de la recherche et de la découverte (favoriser les rapports au numérique chargés d’information par rapport à des pratiques souvent vides sur un plan informationnel)
– développer le sens critique sur les outils ; être prêt à en aborder de nouveaux avec ce même sens critique
– mettre en relation les savoirs et savoir-faire issus de pratiques disciplinaires différentes. Faire appel à la recherche, à la mémoire, faire appel à l’observation et à la déduction sur un même sujet d’étude
– prendre conscience de ses propres pratiques, savoir les confirmer ou les remettre en cause
– ne pas être aveuglé par l’aspect « magique » de notre rapport à l’information. Comprendre ce qu’en tant qu’individu on peut en retirer

– construire un rapport personnel et autonome au savoir

« Cactus acide » : Pour conclure en un mot clé ?

« Mesdocsdedoc » : Si un mot doit être mis en avant en ce moment, c’est celui d’enseignement. Les professeurs-documentalistes sont les enseignants d’une discipline en pleine évolution et en plein essor. Je revendique ma mission d’enseignement, je la juge absolument indispensable aujourd’hui si l’Ecole garde comme objectif la formation des citoyens de demain.