Ecriture numérique et publication (1) : cadre théorique et prospective

Je me propose, dans cette série d’articles sur l’écriture numérique et la publication, de clore une réflexion engagée sur le document et prolongée par la lecture numérique. J’entends, pour ce faire, aborder cette notion selon la même méthodologie et commencer par préciser le cadre théorique dans lequel je m’inscris, avant d’envisager des pistes d’exploitation pédagogique. Il me faut préciser, d’emblée, que je n’aborderais pas la question du code, non qu’elle manque d’intérêt, mais parce qu’elle me semble devoir être traitée par des spécialistes. Je regretterais de devoir la cantonner à sa spécificité computationnelle, quand cela n’est pas nécessairement le cas, alors que mon approche de l’écriture numérique cherche à s’affranchir de toute prévalence littéraire, en tant que forme sémiotique, ou technique, de l’ordre des usages, voire des ressources numériques. Je suppose davantage pertinent de concevoir le rapport de l’écrit au support, dont l’écriture numérique est le prolongement, sans doute complexifié, d’une relation plus ancienne, afin d’éviter l’aporie conceptuelle qui résulterait nécessairement d’une approche strictement disciplinaire. C’est par ailleurs ce qui ressort de ma lecture du corpus d’articles « Du document numérique au textiel«  sur lequel je vais m’appuyer.

Je trouve particulièrement opérantes les notions de « texte » et de « signe passeur » développées par Yves Jeanneret et Jean Davallon. Cela me semble une réponse structurante pour qualifier la caractéristique dynamique de l’écriture numérique. Il me semble que ces notions, qui constituent une passerelle entre le concept de « document » et celui de « média », viennent articuler les savoirs qui y sont associés dans ce qui pourrait constituer la progression d’un enseignement. Ce qui suppose, tel que définit par Jean-Michel Salaün, que les éléments constitutifs du document, c’est à dire la « perception » (inscription repérable), l’ « intellect » (texte construit) et le « social » (référence partagée appropriable) soit, oserais-je dire, vu, lu et su par nos élèves. Il est fondamental que ce concept soit stabilisé si nous voulons qu’ils dépassent la condition de simples usagers pour concevoir la dimension culturelle de l’écriture-lecture numérique, entre projet de communication et interprétation contextualisée.

ın-bεtwεεn stochastıc powεrs oƒ εntropy . . Licence Creative Commons photo credit Jef Safi \ 'pictosophizing
ın-bεtwεεn stochastıc powεrs oƒ εntropy . . Licence Creative Commons photo credit Jef Safi \ ‘pictosophizing

Cela suppose aussi que soit abordé le concept de « média » dont la distinction entre média support, média type et média source est loin d’être acquise. D’abord parce que l’écriture numérique, médiation sociale, suppose que l’on sache où l’on se situe, mais aussi afin de distinguer les caractéristiques du dispositif « sémio-technologique » que l’on utilise. Ce qui suppose de tenir, à mon sens, auprès des élèves, un discours distancié sur l’évolution, dans le temps, des dispositifs de lecture ainsi que du rapport socialement construit entre auteur et lecteur. Mais encore de bien avoir à l’esprit que l’écrit est un objet de pouvoir qui, au-delà du discours, affère à des conditions techniques, économiques et réglementaires. Ce faisant, je ne crois pas que cette richesse épistémologique puisse donner lieu à une approche disciplinaire cloisonnée, ce qui, je le rappelle, occasionnerait une aporie conceptuelle.

Il me semble, pour terminer, qu’il faut aborder la question de la publication dont le statut, dans le contexte du Web 2.0, est particulier. Il s’agit moins ici de la considérer du point de vue de l’éditorialisation que selon le principe de « rendu public » qui en découle. Pour commencer à observer cette tendance chez les élèves, je partage le questionnement d’Olivier Ertzscheid sur les pratiques à venir des jeunes en matière de « production consommation » d’écrits. Une étude, si elle n’a pas déjà été faite, serait sans doute à mener sur le rapport symbolique que donnent nos élèves à la valeur d’échange sur le web. En l’occurrence, pour avoir pu aborder cette question avec des élèves, certains me disent concevoir avec difficulté les restrictions d’usage qui résultent du droit dans la mesure où il leur semble naturel, de par leurs pratiques, de déposer ou de prendre du texte ou de l’image. Sans doute l’éducation a-t-elle ici un rôle à jouer.

Le cadre théorique posé je vais dorénavant m’employer à envisager des pistes de séquences pédagogiques sur l’écriture numérique. J’envisage pour cela la rédaction de quatre article dont le premier portera sur le texte.

Peut-on copier en toute L-égalité ?

A l’instar de ce qui va suivre je dois le titre de cet article à ma collègue Anne Sophie Domenc qui a assuré l’essentiel de la préparation et du suivi de la copy party qui va, comme je vous l’avais annoncé il y a quelques mois, se dérouler au lycée, ce vendredi. J’en profite, par ailleurs, pour remercier, en notre nom, Olivier Ertzscheid, Lionel Maurel et Silvère Mercier pour la disponibilité et l’attention dont ils nous ont fait la sympathie. Nous savons l’intérêt qu’ils portent à cet événement qui constitue tout de même une première et, au delà du clin d’oeil, pour sa dimension pédagogique dans le contexte spécifique d’un lycée. Point sur lequel je vais concentrer l’essentiel de mon propos.

Creative Commons Licence photo credit : Geoffrey Dorne
Creative Commons Licence photo credit : Geoffrey Dorne

Nous avons mis en oeuvre ce projet dans le cadre de l’option littérature et société de seconde avec un groupe de 22 élèves, à raison de 2 heures par semaine sur une séquence de 9 séances. Nous avons choisi pour domaine d’exploration le livre et la littérature numérique que nous avons souhaité aborder sous l’angle des normes appliquées au regard du Code de la propriété intellectuelle. Avec un intérêt particulier pour la loi sur la copie privée, modifiée en décembre 2011 avec notamment l’article L 122-5 qui est à l’origine de la copy party. Par ailleurs, afin de travailler sur le domaine d’exploration « Images et langages », nous avons opté pour des visuels sous forme d’infographie, type de document particulièrement adapté à la lecture numérique. L’idée générale, peut être ambitieuse pour des élèves de seconde, j’en reparlerai dans un compte rendu à venir, étant de partir des usages des élèves pour les inclure dans une série d’enjeux, en particulier sociaux, politiques et sociocognitifs, qui les conduise à des pratiques distanciées dans leur relation au numérique en tant qu’objet médiatique.

Afin de remplir nos objectifs notionnels nous avons, dans un premier temps (6 séances), réparti les thématiques par groupe de deux à trois élèves qui ont travaillé sur le livre numérique, la lecture numérique, la copie privée, le plagiat, Hadopi, la copy party, les licences créatives commons, l’exception pédagogique et les Digital Rights Management (DRM).  Outre la réalisation des infographies, qui constituait l’un de nos objectifs d’apprentissage, une partie des séances était consacrée à un moment de mutualisation de sorte que l’ensemble des élèves conserve une vue d’ensemble sur l’avancée du projet. Dans un second temps (3 séances), nous avons travaillé avec les élèves sur les documents qui seront distribués lors de la copy party : un rappel du texte législatif en vigueur accompagné d’un engagement formel à ne pas s’y soustraire ; un mémo sur l’utilisation technique des appareils (privé) de copie, ce qui constitue notre deuxième objectif d’apprentissage ; un questionnaire à remplir lors des différents ateliers qui seront proposés, et à partir duquel nous évaluerons les élèves.

Sans compter ceux qui, au cours de la journée, peuvent venir sur leur temps libre, environ 90 élèves sont attendus sur un créneau banalisé d’1h30. Ce faisant il nous a semblé préférable de répartir les élèves dans quatre ateliers avec des rotations tous les quarts d’heure. Le premier atelier est l’exposition elle-même, constituée par l’ensemble des infographies réalisées par les élèves ainsi que le texte de présentation ci-dessus. Nous avons par ailleurs souhaité un atelier spécifique pour les Licences Créatives Commons. Pour avoir noté les difficultés que pouvaient avoir nos élèves à comprendre ce qu’elles sont, il nous a semblé pertinent de déléguer quelques élèves « tuteurs » pour en expliquer le principe ainsi que les différentes combinaisons, qu’ils pourront expérimenter en ligne. Un troisième atelier, plus technique, va permettre aux élèves de manipuler une tablette ainsi qu’un graveur de DVD, ou encore de retravailler une photo à partir d’un logiciel d’OCR. C’est aussi lors de cet atelier que les élèves seront invités à signer un document récapitulant les conditions de copie inhérente à la copy party. Le quatrième et dernier atelier, plus réflexif, sera l’occasion d’un échange sur les pratiques des élèves ainsi qu’un espace de débat sur deux questions plus complexes : à propos de l’utilisation pédagogique des smartphones ; et sur le modèle économique de la copie privée, qui pour la culture a généré 191 millions d’euros en 2011, dont un quart finance des actions collectives.

Nous supposons ces quatre ateliers complémentaires dans la répartition des contenus et l’approche pédagogique des savoirs, qu’il s’agisse des notions abordées ou des manipulations proposées aux élèves, mais encore dans l’approche des modèles sociétaux sous-jacents sur lesquels les élèves vont pouvoir commencer à réfléchir. Dans un article à venir la semaine prochaine je vous proposerai une analyse de l’ensemble du dispositif, avec un renvoi vers les documents supports, dont les infographies réalisées par les élèves, ainsi qu’un retour sur le déroulement de cette journée. Mais d’ici là vous pouvez nous suivre vendredi avec le hashtag #copyparty. Nous mettrons pour cela à contribution nos élèves de BTS CGO qui dans le cadre de leur enseignement ont un module « paroles, échanges, conversation et révolution numérique ».

MàJ : Pour un compte-rendu de cette copy party sur Bibliobsession. Puis un retour d’expérience sur Cactus acide. Ou une brève de Docs pour Docs consacrée à ce projet.

Quelle ambition pour les professeurs documentalistes ?

Je me propose de développer dans cet article la conclusion d’un précédent billet en la croisant avec le projet  énoncé par la Fadben dans le Manifeste 2012. Il y est précisé, en introduction aux enjeux posés par le « contexte de l’information numérique », que « la com­pé­tence infor­ma­tion­nelle est […] pré­sentée par l’UNESCO comme indis­pen­sable aux hommes et aux femmes du XXIème siècle ». Principe que nous retrouvons dans les recommandations de l’IFLA sur la Maîtrise de l’information et des médias qui soutiennent, sans s’arrêter sur la délicate traduction d’Information literacy, une expertise dont les professionnels de l’éducation pourraient s’inspirer.

Penser la formation initiale et continue…

Et il faut bien reconnaitre là que de par leur formation les professeurs documentalistes sont à la jonction de ces deux domaines que sont l’information et l’éducation. Aussi me semble t-il évident que la formation initiale doit aller dans le sens d’une prise de responsabilité des professeurs documentalistes, en anticipant les curricula évoqués dans la troisième recommandation. Il s’agit bien là d' »intégrer l’enseignement de la maîtrise de l’information et des médias ». D’aucuns considèrent que cela n’est pas possible tant la technologie numérique évolue vite. Cet argument, si il doit être pris en compte, ne se justifie que si l’on appréhende ces technologies (plateformes, applications,…) sous l’angle procédural. Il est en revanche beaucoup moins pertinent si nous considérons un enseignement par les notions et les modèles, davantage pérennes, sous-tendus par ces technologies.

C’est à cette fin que devraient être davantage travaillés les échanges avec la recherche. Il me semble ici que les interrelations avec le « terrain » seraient bénéfiques entre réflexions et expérimentations. Il est à mon sens erroné de prétendre que seuls savent ceux qui « font ». Ou ce serait alors réduire l’acte à une dimension mécaniste qui ne doit être que celui de la machine. En outre, c’est se couper des approches qui ne sont pas les siennes pour n’échanger qu’avec ceux qui partagent vos propres valeurs. Mais je ne suppose pas qu’il s’agisse là de l’attitude commune, qui serait en contradiction avec la pratique de veille qui fonde en partie notre culture professionnelle. Dans une certaine mesure le champ épistémologique des SIC, déjà exploré, ne demande qu’à être approfondi et complété par des acquis en didactique. La recherche-action, avec la recherche appliquée, dans un contexte de « révolution numérique », peut constituer une approche pertinente fondée sur une démarche de recherche collaborative chercheur/praticien qui soit porteuse de sens sur nos propres pratiques (praxis), ou du moins nous conduise à porter un regard réflexif sur celles-ci de manière à les faire évoluer et, ce faisant, à nous trans-former.

Sans titre Creative Commons License photo credit : caalo10
Sans titre Creative Commons License photo credit : caalo10

…pour élaborer une matrice en information-documentation.

Est-ce à dire que les professeurs documentalistes doivent être les seul(e)s à intervenir auprès des élèves..? Il serait ici dommageable de commencer par s’imposer des limites. Selon les objectifs visés et les tâches envisagées, les combinaisons (séance dédiée, en interdisciplinarité,…) sont multiples, ce qui constitue un avantage. Il reste que, de par notre rattachement aux SIC et notre formation, nous sommes spécialistes dans les domaines de l’information et des médias. Aussi il serait extravagant de voir nos collègues de discipline intervenir seuls, ou en qualité de prescripteurs, auprès des élèves, quand ils se savent moins compétents que nous. Conscients de cela, ils tendent d’ailleurs à nous solliciter pour cette raison évidente. C’est là toute la différence entre dire que la culture de l’information est déjà enseignée dans les autres disciplines quand elle n’y est en réalité que présente dans les programmes.

Un équilibre reste à trouver qui aborde l’ensemble des enjeux posés par la culture de l’information. Le recours à un curriculum est à cet effet adapté dans la mesure où ce type de dispositif comporte une dimension culturelle et sociétale. Par ailleurs il prévient, de par son côté dynamique et progressif, de potentielles évolutions technologiques. Enfin il autorise une souplesse dans les méthodes et stratégies envisagées pour transmettre des connaissances fondées sur des notions, des capacités et des attitudes. Les 12 propositions du GRCDI apportent pour cela l’éventualité d’une réponse à l’ambition que nous pourrions avoir pour les professeurs documentalistes ; réponse qui est d’abord celle que nous devons à nos élèves.

Cactus acide, 4 ans d’existence et pleins de promesses pour la semaine de la presse

La semaine de la presse approche et cactus acide sera bien sûr au rendez-vous.

Plusieurs articles et séances  vous sont proposés et le rythme est devenu régulier depuis que Gildas a repris les rênes d’une affaire débutée il y a 4 ans alors que j’exerçais dans le petit collège de Céaucé-Passais.

Je suis satisfait de voir que ce projet continue et prend même de l’essor.  La formation  à l’information et aux médias sera donc à l’honneur durant cette semaine qui  devrait être riche du fait d’une actualité électorale chargée et qui aura le mérite de rappeler la forte dimension citoyenne et critique qui doit être attachée à cette capacité d’évaluation de l’information.

Un contexte politique particulier et l’occasion de rappeler que la liberté de la presse et ses possibilités d’actions sont en recul en France. Eduquer aux médias, c’est aussi montrer que cette liberté n’est jamais totalement acquise et qu’il faut continuer à se battre pour. Les rapports européens et internationaux ne cessent de pointer ces reculs inquiétants.

Mais la liberté de la presse, ce n’est pas que la France.  C’est aussi un combat clef pour la liberté et pour l’accès à l’information, au droit d’être éduqué, au droit d’être citoyen.

C’est donc clairement un objectif que chaque élève puisse être ainsi institué à la citoyenneté sans avoir de directeur de conscience.  Hélas, l’Ecole peine de plus en plus à remplir cette mission. Il est vrai que même les enseignants osent de moins en moins protester de peur de représailles.

La liberté de penser est donc encore à défendre et à construire. L’occasion de redire que la formation à l’information et aux médias ne peut se cantonner à cette seule semaine organisée par le Clemi.

On peut encore faire beaucoup mieux au quotidien.

Merci donc de participer à cette action en lisant et en utilisant les pistes offertes par Cactus Acide.

 

N’hésitez pas à solliciter la rédaction pour toute demande ou question. Vous pouvez également rejoindre l’équipe.

Et longue vie aux cactacées des vieux et des nouveaux médias.

Reprise du projet « Historiae »

Lancé en 2007 par Olivier Le Deuff le projet « Historiae » (voir le pdf) met en activité des élèves qui sont chargés de mener une enquête sur une énigme historique ou une légende urbaine avec pour projet la rédaction d’un article à destination d’un blog.

Ces deux objectifs principaux « Apprendre à rechercher et évaluer l’information sur Internet et parvenir à communiquer une synthèse » et « Développer la culture de l’information des élèves en développant des savoirs opératoires » sont toujours d’actualité. Aussi il m’a semblé qu’il pourrait être pertinent de relancer ce projet.

Professeur documentaliste en lycée, le projet » Historiae » prendra désormais pour cadre l’AP, en transdisciplinarité avec deux professeurs d’économie et de lettres. Les articles des élèves viendront alimenter le journal du lycée, ainsi que le présent site.

Je souhaite par ailleurs ouvrir Cactus acide aux contributions. Aussi j’invite celles et ceux qui seraient intéressés à prendre contact avec la rédaction via notre boîte mail : mailcactusacide@gmail.com

Entretien avec « Mesdocsdedoc »

« Cactus acide » : « Mesdocsdedocs » est un blog bien connu par celles et ceux qui comme moi, à l’occasion, viennent y braconner quelques bonnes idées. Pourriez-vous néanmoins nous rappeler vos objectifs et votre démarche ?

« Mesdocsdedoc » : Mon objectif, c’est de participer à une stimulation collective qui nous permette de renouveler nos pratiques. Inventer des situations d’enseignement réalisables facilement, prendre le risque de changer les façons de faire, en se trompant parfois, mais le faire à plusieurs pour limiter la prise de risques. Je souhaite aussi coller à l’actualité de la recherche dans la mesure de mes moyens, saisir les pistes que certains chercheurs nous tendent pour relever le défi, concrètement. C’est de la réflexion  de Nicole Boubée que me vient l’idée de travailler sur document de collecte : directement des préconisations liées à ses travaux de recherche.

Ma démarche de publication sur blog vient d’une envie de mutualisation. Proposer un retour d’expérience pour ceux et celles qui m’ont aidée et offrir des pistes à mon tour. A l’origine, je voulais intégrer à mes pratiques et à ma réflexion les nouveaux outils numériques mais j’avais peur d’une perte de sens. C’est pourquoi j’ai beaucoup creusé cette piste : qu’enseigne-t-on avec ces nouveaux outils ? J’essaie de toujours mettre la question du sens en avant, et dans mes séances et dans ce que j’en publie. Plus personne aujourd’hui ne serait capable d’affirmer qu’il suffit de mettre un élève face à une information pour que celle-ci se transforme pour lui en savoir. La problématique de l’accès à l’information ne se pose plus de la même façon en documentation. Elle relève de notre enseignement mais dans une perspective d’Education aux médias. Reste la question de la construction de savoir. Qu’en fait-on ? Quelle responsabilité nous échoit aujourd’hui ? Et je ne parle pas seulement de nous, professeurs-documentalistes, mais des enseignants en général. Comment est-on censé enseigner dans notre société de l’information pour permettre à tous nos élèves l’exercice futur de leur citoyenneté ? Sur cette question, je crois que nous les prof-docs, sommes plutôt meneurs dans un changement, qui touchera certainement toutes les disciplines.

« Cactus acide » : Pour aller un peu plus avant et aborder la question des contenus et, cette fois, des objectifs pédagogiques pourriez-vous nous présentez les points saillants de votre travail auprès de vos élèves ?

« Mesdocsdedoc » : En matière de recherche documentaire, les élèves qui arrivent en 6ème ont déjà une pratique et tout au long de leur scolarité cette pratique hors école se poursuit. Même si on ne peut pas qualifier nos élèves de chercheurs experts (loin de là) et que l’on remet en cause l’expression de digital native, il n’en reste pas moins que les certains sites leur sont déjà familiers. Ils ont déjà des pratiques informelles semblables à celles des adultes : consultation de « Wikipedia » pour prendre connaissance d’un sujet, utilisation de « Google » systématique, etc.

Ce sont des éléments que nous ne pouvons pas ne pas prendre en compte dans notre enseignement.

Mes objectifs sont :

– En matière d’Education aux médias: comprendre le mode de fonctionnement et de financement des outils qu’on utilise quotidiennement pour leur enlever leur aspect « magique »

– En matière de savoirs info-documentaires, je travaille constamment la notion de source qui permet très souvent de mieux cerner la qualité de l’information lue. J’interroge en 6ème la notion de document à travers l’évolution des supports. Je travaille aussi la notion d’accès à l’information à travers l’utilisation d’outils divers (BBD, moteurs, portails…)

– En matière de méthodologie documentaire, j’essaie de mettre en place des situations d’enseignement qui s’appuient sur des pratiques informelles et qui permettent de les solidifier si elles sont bonnes ou de les remettre en cause si elles sont peu efficaces.

En fait, dans une séance de recherche, ces éléments s’entrecroisent constamment. Ce qui est extrêmement difficile pour les élèves c’est de savoir quoi mobiliser comme connaissance ou comme savoir-faire pour arriver à un résultat de recherche efficace. Si on ajoute à cela que ces démarches sont très personnelles, parfois intimes, et qu’elles contiennent des éléments non conscients, on perçoit à quel point tout cela est complexe.

Mon rôle dans ce cadre est de dispenser des savoirs utiles et réutilisables dans des travaux de recherche futurs.

Mon rôle est aussi de proposer des situations de recherches fréquentes et variées. Plus nos élèves chercheront, et dans des contextes disciplinaire différents, plus ils développeront d’aptitudes pour la recherche. C’est pourquoi, à mes yeux il est extrêmement important, en collège, de former les élèves jusqu’à la fin de l’année de 3ème (ce que permet l’Histoire des Arts aujourd’hui). C’est pourquoi aussi je multiplie les activités de recherche courtes, privilégiant la multiplicité et la diversité des activités.

Enfin, ma conviction profonde est qu’il n’existe pas de recherche préétablie. Il faut en finir avec le professeur-documentaliste qui est là en tant que garant d’un bon déroulement de recherche. J’ai pris en horreur la phrase trop souvent répétée «Si tu ne sais pas ce que tu cherches, tu ne peux pas trouver». Elle nie totalement la part de sérendipité qu’inclue l’activité de recherche d’information. Elle a conduit pas mal de documentalistes (moi y compris) à faire poser des questions, voir établir des débuts de plans à des élèves sur des sujets qui leur étaient totalement étrangers. On essayait de faire naître un besoin d’information, mais la démarche était tellement artificielle qu’elle n’était pas réutilisée en autonomie.

Je préfère, après une activité de recherche précise, et le plus souvent courte, mettre les élèves en situation d’analyser leur recherche et leur demander d’évaluer son efficacité. Par exemple je donne la consigne en début d’année de 6ème d’aller chercher l’image d’une œuvre d’Art sur internet. Je leur demande de noter sur une feuille ce qu’ils font. La recherche faite, les élèves m’expliquent comment ils ont fait. Nous échangeons pour essayer de trouver le vocabulaire adapté pour nommer les outils ou les procédures, nous souvenir de ce qui a été fait et nous comparons les résultats dans la classe. L’activité dure dix minutes, pas plus. Mais je crois que cette verbalisation rétrospective est essentielle. Elle met en mots des activités inconscientes, des automatismes et oblige à nommer des outils que les élèves utilisent mais connaissent mal. Je pense qu’elle permet de construire des savoirs utiles pour leurs futures recherches qui s’appuieront (entre autres) sur la sérendipité.

« Cactus acide » à fait de la culture de l’information l’une des clefs de lecture pour aborder le travail des professeurs-documentalistes. Vous même avez développé des séquences sur la culture numérique. Pourriez-vous nous précisez le sens que vous donnez à cette notion ?

« Mesdocsdedoc » : La notion de culture informationnelle est forcément évolutive dans notre société qui intègre chaque jour de nouveaux outils. Mais quelque chose demeure qui est du domaine d’une éducation citoyenne.

Nous prenons en charge des élèves qui ont déjà des pratiques numériques et nous laissons à la sortie de l’école des citoyens qui seront en contact constant avec les outils de la société de l’information.
Dans ce cadre, la question est : de quel bagage nos futurs citoyens ont-ils besoin pour être bien intégrés à la société et être capables de faire des choix en toute connaissance de cause ?
La culture informationnelle serait donc une capacité à mobiliser des connaissances et des habiletés, les mettre en relation à un moment donné pour créer sens et savoirs face à une information.
Pour les modalités, je reviens à ce que je disais : donner des situations de recherche et analyser avec les élèves comment ils y ont répondu, ce qui a été efficace, utile, ou non. Favoriser aussi les situations de production.

Les objectifs que je me donne en matière de culture informationnelle sont :
– développer chez mes élèves le goût de la recherche et de la découverte (favoriser les rapports au numérique chargés d’information par rapport à des pratiques souvent vides sur un plan informationnel)
– développer le sens critique sur les outils ; être prêt à en aborder de nouveaux avec ce même sens critique
– mettre en relation les savoirs et savoir-faire issus de pratiques disciplinaires différentes. Faire appel à la recherche, à la mémoire, faire appel à l’observation et à la déduction sur un même sujet d’étude
– prendre conscience de ses propres pratiques, savoir les confirmer ou les remettre en cause
– ne pas être aveuglé par l’aspect « magique » de notre rapport à l’information. Comprendre ce qu’en tant qu’individu on peut en retirer

– construire un rapport personnel et autonome au savoir

« Cactus acide » : Pour conclure en un mot clé ?

« Mesdocsdedoc » : Si un mot doit être mis en avant en ce moment, c’est celui d’enseignement. Les professeurs-documentalistes sont les enseignants d’une discipline en pleine évolution et en plein essor. Je revendique ma mission d’enseignement, je la juge absolument indispensable aujourd’hui si l’Ecole garde comme objectif la formation des citoyens de demain.

Publier sur le Web

Pour répondre à l’un de nos objectifs premiers  je vous propose cette séquence publier sur le Web à proposer à des élèves de 2d ou 1ère. Dans le contexte de l’A.P,  le volume horaire est modulable d’une unique session de 6h à cinq sessions pour une trentaine d’heures en tout. Nous l’expérimentons cette année « seuls » avec ma collègue Anne Sophie Domenc, mais elle pourrait donner lieu à une approche en interdisciplinarité.

Eyes – black and white. Creative Commons License photo credit: kaibara87

Je profite de cette reprise d’activité sur « Cactus acide » pour vous proposer, disons… un jeu concours. Vous trouverez dans la rubrique « Outils didactiques » de cette séquence des exemples (liste non-exhaustive à compléter..?) de notions et d’objets info-documentaires que je souhaitais exprimer sous la forme d’une carte conceptuelle. Je vous propose de vous y risquer, Olivier Le Deuff  se chargeant de retenir les productions qui pourraient être, avec votre accord, publiées dans la rubrique « Mind Mapping » du site. Vous trouverez, pour ce faire, la boîte mail de « Cactus acide » ici en voulant bien préciser vos nom et prénom (à moins que vous n’optiez pour un pseudo).

En espérant de nombreuses contributions…

 

Cactus acide : des changements à venir

Cactus acide va sur ses 4 ans. Le rythme s’est ralenti. Les objectifs initiaux sont loin d’être remplis. Il est grand temps d’impulser un changement, un nouveau départ.  Je reste à bord mais plutôt dans la partie technique même si je continuerai à publier de temps en temps.

Un nouveau rédacteur en chef arrive, un professeur-documentaliste. Je souhaitais que ce soit un professeur-documentaliste qui reste le maître à bord de cactus acide car il faut une empreinte réelle et avisée sur le terrain.

Une nouvelle équipe se forme… Dans quelques jours, le nouveau rédacteur en chef impulsera une nouvelle ligne piquante et efficace.

Merci de nous faire confiance et de continuer à nous suivre.

Mise à jour de l’univers de la presse

L’univers de la presse mis en place en 2008 et qui avait été mis en place avec l’aide de Françoise Banes et de Richard Peirano mérite d’évoluer.

SI vous avez donc des suggestions de sources ou d’autres éléments, je suis preneur d’autant qu’il continue à être utilisé et mentionné comme récemment encore par le café pédagogique.

Il peut être aussi intéressant de nous faire part de vos stratégies et pistes pédagogiques autour de l’univers.

Wolfram Alpha : beau comme la rencontre du Quid et d’une calculatrice

Ça y est : Wolfram Alfa (http://www.wolframalpha.com) peut être interrogé (en anglais, faut-il le dire ?) par chaque internaute.

Wolfram Alpha, c’est quoi au juste ?

Wolfram Alpha n’est pas un moteur de recherche : ce n’est pas un point d’accès à des pages web préalablement indexées.

Wolfram Alpha n’est pas une encyclopédie : il ne propose pas un article ou une liste d’articles préalablement rédigés.

En réponse à la requête de l’internaute, Wolfram Alpha, donc, ne propose pas un ou des documents déjà existants mais produit un document (document utilisable aux conditions décrites ici (http://www.wolframalpha.com) et téléchargeable au format pdf ).

Ni moteur de recherche, ni encyclopédie, Wolfram Alpha s’apparente plutôt à une base universelle de données, à laquelle peuvent être soumises des requêtes simples ou complexes.

Wolfram Alpha se présente ou se définit comme un computational knowledge engine. Quel mot ou quelle expression concise et évocatrice pourraient convenir pour dire en français ce qu’est Wolfram Alpha ? Je suis personnellement tenté par des expressions telles que calculateur d’information, calculateur de réponse, moteur de réponse ou synthétiseur d’informations.

En fait, Wolfram Alpha répond par des résultats d’opérations mathématiques, des graphiques, des cartes, des frises chronologiques (timelines)… obtenus par des calculs ou des rapprochements utilisant des données initialement issues non pas d’une mais de plusieurs bases de données.

Des exemples pour mieux comprendre ? Vous en trouverez beaucoup ici (http://www.wolframalpha.com/examples/) et vous découvrirez l’essentiel dans cette introduction (http://www.wolframalpha.com/screencast/introducingwolframalpha.html), introduction qui me semble indispensable pour découvrir les possibilités offertes par l’outil et s’initier à son utilisation. En effet, si Wolfram Alpha répond bien lorsqu’on lui soumet des requêtes conformes aux exemples proposés, il n’en va pas forcément de même lorsqu’on risque certaines formulations pourtant simples. Ainsi, pour avoir l’heure, devrez-vous dire « now » et non pas « what time is it ? ». En revanche, WA « comprend » bien la question « When was born Kundera ? » (le 01er avril 1929). Mais demandez-lui « Who was born in 1929 ? » dans l’espoir d’obtenir une liste de personnalités et vous obtiendrez pour réponse : « 80 ans » !

D’autres résultats sont plus impressionants. Si on lui soumet la requête « france fish production vs. poland » Wolfram Alpha produit un graphique montrant comment les quantités de poissons pêchés en France et en Pologne ont évolué depuis les années 80. De même, il peut proposer une courbe montrant comment le PIB français a évolué par rapport au PIB italien depuis les années 70 si on lui soumet la requête « what is the gdp of france / italy ».
On comprend mieux avec de tels exemples quel intérêt on peut trouver à utiliser Wolfram Alpha mais on peut craindre aussi que la puissance du calculateur ne produise alors un effet d’éblouissement qui fasse oublier de s’interroger sur l’origine des données sur la base desquelles sont effectués les calculs.

D’où viennent les données utilisées pour les calculs ?

Peut-on connaître leur origine ? Oui (oui plutôt, ai-je envie, pour l’instant, de nuancer). Sous chaque réponse est proposé un lien Source information. Permet-il de savoir à quelle(s) source(s) ont été prises les données mises en jeu pour la conception de cette réponse en particulier ?

Il semble que ce soit parfois le cas mais que plus souvent la liste des sources citées soit une liste type : il s’agit vraisemblablement d’une liste des sources utilisées pour toute requête concernant tel ou tel champ du savoir (démographie, biographies etc.). Dans ce cas, toutes les sources citées n’ont pas forcément été utilisées et elles sont nombreuses : on peut être tenté alors d’en rester là, à la fois parce que la nature des sources citées peut inspirer confiance et parce que leur nombre peut décourager de s’y reporter !

Cependant,  au bas de la liste, un lien here semble devoir permettre de connaître les sources particulièrement utilisées pour la conception d’une réponse mais (à l’heure où j’écris) je n’obtiens rien en cliquant sur ce lien !

Quelle est la nature des sources utilisées ? Les quelques essais que j’ai effectués  font notamment apparaître des sources institutionnelles (surtout états-uniennes ou internationales (Nations Unies) mais aussi européennes) et des sources encyclopédiques (Encyclopedia Britannica, Wikipédia).

Un concurrent pour Google ou Wikipédia ?

Bien sûr, une partie des requêtes jusqu’alors adressées à Google ou à Wikipédia pourront désormais l’être à Wolfram Alpha. Mais on peut remarquer que celui-ci propose, pour complément à certaines réponses, des  Related links vers les articles de Wikipédia (articles anglophones évidemment)  et qu’une fonction Search the Web permet de transmettre la requête à Google, Yahoo ou Live Search : signes que son concepteur lui-même ne voit pas dans Wolfram Alpha (pour l’instant du moins !) une ressource susceptible de se substituer complètement à l’encyclopédie ou au moteur de recherche. A suivre (éventuellement depuis cette page : http://www.netvibes.com/philippe-martin#WolframAlpha).

Philippe Martin,  Texte sous contrat de licence CC BY-ND (http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/)