Transposer la cartographie des sources à l’évaluation de l’information, question de pertinences

Dans la continuité du travail fourni lors de la précédente séance, j’ai pu consacrer le début de l’heure à un retour sur une formulation qui intégrerait les notions de qualité et de crédibilité de l’information. Après un rappel des apports de la semaine passée et un temps de mise en commun, les élèves sont parvenus à ceci :

« L’évaluation de l’information d’un site web peut se faire selon la qualité de l’information (auteur, source, objectif du site…) et sa crédibilité. »

Parce que ce sont des notions qu’ils découvrent, elles sont encore peu consolidées. Il en résulte une formulation « brute » qui à bien des égards mériterait quelques nuances, notamment dans la relation entre la qualité et la crédibilité. On mesure ici toute la difficulté qu’il peut y avoir à stabiliser des savoirs dès lors que les apprentissages ne se font pas sur le temps long.

D’autant qu’il ne s’agissait pas là de l’objectif de ma séance du jour, pour laquelle je souhaitais, comme j’en ai émis l’hypothèse dans cet autre article, envisager d’enseigner la pertinence. J’ai repris, comme annoncé, le principe d’un graphique sur lequel les élèves seraient invités à positionner le ou les sites web consultés selon leur pertience-utilisateur (ci-dessous, axe des ordonnées) et leur pertinence-sujet (axe des abscisses). Je reprends en cela, pour partie (je n’aborde pas ici la pertinence-système) et en la didactisant, la typologie dressée par Brigitte Simonnot et Sylvie Dalbin, dont j’ai pu prendre connaissance dans le livre d’Alexandre Serres, Dans le labyrinthe.

La séquence « Projet historiae » se prête particulièrement bien à un questionnement sur ce qu’est la pertinence, ou plutôt ce que recouvre les « pertinences ». Je donne en effet pour consigne aux élèves de présenter deux thèses contradictoires dans la rédaction d’un article de presse qui porte sur une controverse historique ou paranormale. De fait, ils sont contraints d’introduire une explication en laquelle ils ne croient pas. C’est par exemple le cas avec ce groupe dont le sujet porte sur la « Zone 51 » et dont l’une des explications sur ce qui s’y passe avance l’hypothèse d’une vie extraterrestre. Les élèves sont donc confrontés à ces deux pertinences, la première répondant à un besoin d’information (pertinence-utilisateur) pour répondre à la consigne de travail, la seconde renvoyant, pour les contenus, à la qualité de l’information, variable selon que l’auteur soit impliqué ou non dans l’ufologie. Je précise que cette « confrontation » des pertinences utilisateur et sujet est aussi vrai pour un autre groupe à qui j’ai donné pour sujet l’assassinat de JFK. L’essentiel est de proposer un sujet qui porte une controverse (historique, scientifique,…).

Afin de rendre ma démarche pédagogique plus claire, j’ai décidé de ne conserver, sur le graphe ci-dessous, que la page Wikipédia consacrée à la « Zone 51 » (en orange) et le site d’un ufologue (en noir). J’ai par ailleurs repris le graphe « qualité-crédibilité », à titre de comparaison.

Au sujet des trois références à Wikipédia, un élève s’est servi de l’encyclopédie en ligne alors qu’il ne la trouve ni de qualité, ni pertinente pour répondre au besoin d’information qui était le sien. Au-delà du paradoxe, j’y vois une invitation à mesurer le nombre d’idées reçues qui circulent sur la nature non fiable de cette source. Un deuxième élève semble avoir été prudent en localisant Wikipédia dans une zone assez proche sur les deux graphes. Le dernier atrouver cette source très pertinente, selon qu’elle réponde à son besoin d’information ou au niveau de la valeur de s contenu en terme de qualité de l’information. Dans la mesure où j’ai évoqué, durant cette heure, la neutralité dans le projet éditorial de Wikipédia, je serais tenté d’être d’accord avec cet élève dans son placement. Surtout, je note qu’il a vraisemblablement fait la distinction entre la crédibilité et la pertinence. Ce qui me semble être très prometteur.

Il est en revanche plus compliqué d’analyser les résultats au sujet du site web dont l’auteur est un ufologue. Les élèves lui ont accordé, pour les deux types de pertinence, un positionnement qui leur donne une valeur relativement bonne. Au regard de ce que recouvre ces pertinences, on aurait pu s’attendre à ce qu’en terme de réponse au besoin d’information, selon la consigne de travail, la pertinence-utilisateur soit plus haute. Par contre, la pertinence-sujet, dont la valeur des contenus est caractérisée par la qualité de l’information, aurait pu être plus basse, dans la mesure où un ufologue peut paraître moins crédible. Ce « tassement » des positionnements, dans le graphes sur les pertinences, vers des valeurs moyennes par rapport au graphe « qualité-crédibilité », me semble paradoxal, en particulier si l’on confronte les axes de la crédibilité et de la pertinence-sujet. Il est par ailleurs intéressant en ce qu’il pourrait clarifier ce qui détermine le choix de tel ou tel site par les élève, la pertinence-utilisateur, en ce qu’elle répond à un besoin d’information. Hypothèse qui demande à être confirmée.

Il me semble donc, pour conclure, que la pertinence gagnerait à être enseignée pour ce qu’elle est. Cela permettrait manifestement aux élèves d’opérer leurs choix en conscience lorsqu’ils sélectionnent des ressources utiles au traitement du sujet sur lequel ils travaillent. En la matière, choisir des sujets qui demandent une recherche exhaustive et non pas seulement une réponse simple (« auto-terminative ») est plus riche. C’est un apprentissage de la complexité dans la mise en tension de notions (qualité de l’information, crédibilité, pertinence notamment) spécifiques et complémentaires. Mais il faut pour cela s’affranchir du modèle des étapes de la recherche documentaire, trop simpliste et désormais dépassé dans un contexte où l’incertitude et le doute sont moins un obstacle à l’apprentissage qu’un levier vers les savoirs.

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