De l’évaluation à la sélection de l’information

Les 3 séquences que je propose ici peuvent être menées dans la continuité ou être transposées pour être abordées dans leur unicité selon les objectifs visés et le contexte de l’activité. Dans cette seconde hypothèse, il faudra simplement envisager la constitution, a priori ou par les élèves pendant l’activité, d’un corpus de documents dont le contenu apporte des thèses ou points de vue contradictoires. La version pdf.

Séquence 1 : Projet « Historiae », énigmes historiques… et controverses.

Séquence : J’envisage cette séquence sur une durée de 5 heures qui peuvent être portées à 6h ou 7h selon que l’on y intègre les séquences 2 et 3 (ci-dessous). Elle est pour moi un point de départ pour approfondir la question de l’évaluation de l’information sous l’angle de la fiabilité que l’on prête à une source.

Problématique : Pour échanger régulièrement avec les élèves sur cette question, j’ai pris conscience qu’ils ne supposaient pas l’importance d’une phase d’évaluation avant de prendre pour vraie une réponse à la question qui leur à été posée dans le cadre d’une activité. Or, les contextes de recherche qui privilégient le « retrouvage » ne leur permet pas de s’approprier la valeur des différents critères qui peuvent être pris en compte dans l’évaluation d’une information, avant de lui accorder sa confiance. A cette fin, les énigmes historiques, ainsi que les controverses, portent des contradictions dans leur explication qui sont à même de faire levier pour l’acquisition de nouveaux savoirs info-documentaires.

 

Progression : A l’origine, cette séquence était envisagée en collège pour des élèves de Troisième. Il s’agit alors d’introduire la notion de « doute » dans l’évaluation de l’information. Je l’ai transposée au niveau Seconde avec pour objectif de préparer les élèves au traitement d’une problématique dans le cadre des TPE. Je l’intègre, par ailleurs, sous la forme de modules de 6 à 7 heures, dans une progression de la seconde à la terminale. Il s’agit de travailler l’acquisition, par les élèves, d’un « savoir juger » pour lequel, en seconde, j’insiste sur l’évaluation ; en première sur la déconstruction-réappropriation des médias (type GAFA1) ; en terminale sur l’argumentation comme base du jugement.

1Séquence en cours de réalisation

Niveau concerné :Élèves de Seconde en AP.

 

 

Objectifs d’apprentissage :

 

 

  • Écrire un article de presse qui présente des hypothèses contradictoires.

  • Dégager des critères qui permettent d’évaluer la fiabilité d’une information sur Internet.

  • Argumenter à l’oral ses choix d’une source.

 

 

Déroulement :

 

1er temps (30 mins): Outre la présentation globale de la séquence pendant laquelle je soumets aux élèves les productions attendues (cf : outils didactiques), je profite de ce temps pour évaluer les pratiques des élèves en matière d’évaluation de l’information. Je m’appuie, si ils en proposent, sur les critères qu’ils peuvent déjà proposer pour les guider dans mes attentes au sujet de la fiabilité.

 

2ème temps (entre 3h et 3h30): Ce temps est consacré à la phase de recherche et d’écriture. J’autorise les élèves à utiliser le copier-coller sous forme de document de collecte, comme une étape intermédiaire. Les élèves doivent par ailleurs préparer leur argumentaire au sujet des critères sur lesquels ils se sont appuyés pour retenir les pages et sites web consultés.

 

3ème temps (entre 1h et 1h30) : Ce temps est dédié à la restitution orale. Les groupes présentent leur travail et en particulier les critères qu’ils ont retenus pour considérer que la page ou le site est fiable. Dans la mesure où l’essentiel des groupes a pu travailler à partir de ces mêmes pages ou sites, cela donne lieu à des échanges entre les élèves qui peuvent ne pas être d’accord sur les critères retenus. Je termine alors par une phase de remédiation à l’issue de laquelle je soumets aux élèves une liste de critères (cf : outils didactiques).

 

 

Évaluation : Évaluation formative qui porte essentiellement sur la qualité de l’argumentation, tant au niveau des hypothèses présentées à l’écrit dans l’article, qu’à l’oral lors de la présentation des pages web retenues comme fiables. Je termine la séquence en demandant aux élèves de formuler une proposition pour définir ce qu’est l’évaluation de l’information. Au-delà d’une description qui présente les critères de fiabilité, j’attends des élèves qu’ils introduisent la fonction de l’évaluation.

 

Outils didactiques :

 

 

  • Au sujet de l’article de presse, les élèves ont pour consigne d’apporter les éléments suivants (le questionnement Quintilien est à titre indicatif sans nécessairement devoir être suivi) :

    TITRE (Informatif et Accrocheur)

    CHAPEAU en 2-3 lignes (Informatif – Qui ?, Où ?, Quand ?, Quoi ? – Accrocheur)

    CORPS de L’ARTICLE en 15 lignes avec :

    – Informatif (Comment?)

    – Hypothèses contradictoires (Pourquoi?)

 

PHOTO LÉGENDÉE (éventuellement)

 

NB : Je ne donne pas directement aux élèves, mais élabore avec eux, les attendus pour leur production.

 

 

  • Je dresse ci-dessous une liste des critères de fond et de forme qui me semble être pertinents pour des élèves de Troisième et de Seconde. Elle peut bien sûr être adaptée au niveau des élèves.

 

Critères de fond

Critères de forme

Réputation du site (représentativité)

Auteur (autorité)

Mise à jour (actualité)

Source (traçabilité)

Objectif du site (finalité)

Design (esthétique)

Design (mise en forme : articulation des rubriques, présence d’un sommaire)

Syntaxe et Orthographe

 

 

Matériels : Prévoir un PC avec une connexion à Internet par groupe d’élèves.

 

 

Sources :

 

Olivier Le Deuff http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=601 (origine du projet « Historiae » ).

 

 

Séquence 2 : Cartographier une source, qualité et crédibilité de l’information.

 

 

 

Séquence : Dans l’enchaînement des trois séquences je consacre 1 heure à celle-ci. Traitée pour elle-même, je suppose qu’il faudrait y ajouter un minimum de 2 heures pour permettre aux élèves de constituer, ou travailler sur, un corpus de documents, quelle que soit l’énigme historique ou la controverse (temps porté à 3h si un travail d’écriture est envisagé).

 

Il est intéressant de mener cette séquence en lien avec la séquence 3 (ci-dessous) pour aborder l’information par la mise en relation des savoirs relatifs à la qualité, à la crédibilité et à la pertinence.

 

 

Problématique : Travailler avec les élèves sur la fiabilité à partir d’outils (nombreuses grilles d’analyse) qui leur permettent d’évaluer la qualité de l’information n’est qu’une étape intermédiaire dans l’acquisition de savoirs dont va dépendre la confiance qu’ils accordent à telle ou telle source. Si la qualité d’une information fonde en partie leur jugement, celui-ci dépend aussi de la crédibilité d’une source dans un contexte spécifique.

 

 

Progression : Le scénario pédagogique de cette séquence est construit sur la capacité des élèves à distinguer la qualité de la crédibilité de l’information. Elle me semble adaptée pour des élèves de Seconde. Peut être est-il envisageable de la mener en Troisième, sous réserve que les élèves aient déjà acquis des savoirs relatifs à la qualité de l’information.

 

 

Niveau concerné : Élèves de Seconde en AP.

 

 

Objectifs d’apprentissage :

 

 

  • Dresser une typologie qui présente des éléments de qualité de l’information.

  • Distinguer la qualité de la crédibilité de l’information.

  • Comprendre et analyser un paradoxe apparent (savoir conditionnel – méta)

 

Déroulement :

 

 

1er temps (2 à 3 h selon les cas): Ce temps est consacré au travail sur le corpus de documents (voir supra séquence 1-déroulement-temps 2). Je suppose que 2 heures peuvent être suffisantes pour relever les critères de qualité de l’information afin de dresser une typologie (voir supra séquence 1 – Outils didactiques). L’essentiel est ici de proposer aux élèves une énigme historique ou une controverse pour laquelle il doivent relever des hypothèses contradictoires. Ce point est important car ils vont devoir relever une hypothèse en laquelle ils ne croient pas et pour laquelle, pourtant, l’information doit être de qualité. Le temps donné aux élèves pour cette partie peut être plus important si un travail d’écriture est envisagé.

 

2ème temps (quelques minutes): Les élèves, personnellement, placent les sites et pages qu’ils ont choisi dans un graphe (cf : outils didactiques) selon que l’information leur semble de qualité et crédible. Il est préférable d’envisager cette étape à la fin d’une heure de cours afin de pouvoir reporter sur un graphe unique, avant la dernière séance, l’ensemble des graphes rendus par les élèves. En fonction du temps disponible, il peut être demander aux élèves de justifier le positionnement des sites ou pages web sur le graphe.

 

3ème temps (1h) : Temps d’échange avec les élèves à partir du graphe unique. Selon ce dernier les commentaires portent en général sur les différences de placement d’un même site web (ou d’une même page) sur le graphe. En la matière, il est intéressant pour l’enseignant de s’arrêter sur les explications apportées par les élèves. Soit qu’elles portent sur des désaccords en terme de jugement sur les critères de qualité de l’information, ou sur l’évaluation de la crédibilité qui fait davantage appel à la subjectivité de chacun. Soit qu’elles s’arrêtent sur des contradictions, ce qui peut être le cas pour une source dont la qualité est haute alors que la crédibilité sera basse (ou l’inverse). Ces cas sont intéressants car ils font apparaître les représentations, voire les préjugés, que peuvent avoir les élèves sur telle ou telle source (un cas typique concerne Wikipédia dont la qualité peut être haute et la crédibilité basse).

 

En fin de séance, il est demandé aux élèves de construire une formulation (en une ou quelques phrases) qui fasse la synthèse de ce qui est ressorti des échanges et dans laquelle apparaissent les termes importants. Selon les cas : évaluation de l’information, source, qualité de l’information (auteur, objectif d’un site, …), crédibilité, confiance.

 

 

ÉvaluationÉvaluation formative qui porte, pour la partie orale, sur la lecture du graphe, sur la qualité des échanges entre les élèves et sur la qualité de leur argumentation. Comme pour la séquence 1, j’attends par ailleurs des élèves qu’ils formulent une proposition pour définir ce qu’est l’évaluation de l’information, en intégrant les critères de fiabilité, ainsi que les concepts de qualité et de crédibilité de l’information. En terme de niveau, j’attends des élèves qu’ils fassent apparaître la relation entre qualité et crédibilité.

 

Outils didactiques :

 

  • Un graphe sur lequel les élèves situent les pages ou sites web consultés selon la qualité ou la crédibilité de l’information.

 

 

 

  • Termes attendus dans la proposition de formulation : évaluation de l’information, source, qualité de l’information (cf : séquence 1 – outils didactiques par exemple), crédibilité, confiance.

 

 

 

Matériels : Prévoir un PC avec une connexion à Internet par groupe d’élèves.

 

 

Sources :

 

Jean-François Drouet, Jérôme Dinet, André Tricot, Modèle E.S.T (Evaluation-Sélection-Traitement)

 

Alexandre Serres, Dans le labyrinthe. Évaluer l’information sur internet, C&F éditions, 2012, Caen

 

http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=6724

 

Transposer la cartographie des sources à l’évaluation de l’information, niveau de formulation

 

 

Séquence 3 : Question de pertinences.

 

 

Séquence : Dans l’enchaînement des trois séquences je consacre 1 heure à celle-ci. Traitée pour elle-même, je suppose qu’il faudrait y ajouter un minimum de 2 heures pour permettre aux élèves de constituer, ou travailler sur, un corpus de documents, quelle que soit l’énigme historique ou la controverse (temps porté à 3h si un travail d’écriture est envisagé).

 

Il est intéressant de mener cette séquence en lien avec la séquence 2 (ci-dessus) pour aborder l’information par la mise en relation des savoirs relatifs à la qualité, à la crédibilité et à la pertinence.

 

 

Problématique : Si le besoin d’information est à l’origine d’une recherche, la sélection d’une source suppose l’acquisition de savoirs qui se construisent dans la durée. D’un simple retrouvage (recherche auto-terminative) en passant par les étapes de la recherche documentaire, la compréhension et l’application des différents modèles de pertinence doit finalement permettre aux élèves d’opérer un jugement, une validation, raisonné d’une source.

 

 

Progression : Le scénario pédagogique de cette séquence est construit sur la capacité des élèves à distinguer différentes formes de pertinence dans le double contexte d’une recherche (1) menée dans un dispositif socio-technique (2). Elle me semble plutôt adaptée à des élèves de fin de Seconde ou davantage de Première dans la mesure où elle introduit la question de la subjectivité personnelle.

 

 

Niveau concerné : Élèves de Seconde en AP.

 

Objectifs d’apprentissage :

 

 

  • Distinguer les différentes formes de pertinence (système-utilisateur-thème) et leur influence dans la sélection d’une source et d’une information.

  • savoir évaluer la valeur du contenu d’une source selon le thème d’une recherche (objectif du site, auteur,…).

  • Opérer une validation raisonnée d’une source selon le besoin et le contexte d’une recherche.

 

Déroulement :

 

 

1er temps (2 à 3 h selon les cas): Ce temps est consacré au travail sur le corpus de documents (voir supra séquence 1-déroulement-temps 2). L’essentiel est ici de proposer aux élèves une énigme historique ou une controverse pour laquelle il doivent relever des hypothèses contradictoires. Ce point est important car ils vont devoir relever une hypothèse qui répond à leur besoin d’information et dont la source est cependant de valeur faible. Le temps donné aux élèves pour cette partie peut être plus important si un travail d’écriture est envisagé.

 

 

2ème temps (quelques minutes): Les élèves, personnellement, placent les sites et pages qu’ils ont choisi dans un graphe (cf : outils didactiques) selon que l’information leur semble pertinente selon leur besoin d’information et selon la valeur du contenu en terme de qualité de l’information. Il est préférable d’envisager cette étape à la fin d’une heure de cours, en prévoyant un temps d’explication pour les deux pertinences vues, afin de pouvoir reporter sur un graphe unique, avant la dernière séance, l’ensemble des graphes rendus par les élèves. En fonction du temps disponible, il peut être demander aux élèves de justifier le positionnement des sites ou pages web sur le graphe.

 

 

3ème temps (1h) : Temps d’échange avec les élèves à partir du graphe unique. Selon ce dernier les commentaires portent en général sur les différences de placement d’un même site web (ou d’une même page) sur le graphe. En la matière, il est intéressant pour l’enseignant de s’arrêter sur les explications apportées par les élèves. Soit qu’elles portent sur des désaccords en terme de jugement sur le placement des sites (ou page) web selon le niveau de pertinence accordé, ce qui fait davantage appel à la subjectivité de chacun. Soit qu’elles soulignent une contradiction, dans le cas d’une source dont la pertinence est haute en terme de besoin et faible en terme de valeur du contenu. Ce qui est le cas pour un certain nombre de source (théorie du complot,…) au sujet d’énigmes historiques. Ces cas sont intéressants car ils font apparaître ce qui peut déterminer en priorité le choix d’une source, le besoin d’information. Il ne doit pas être question ici de hiérarchiser ces deux types de pertinence, mais de faire prendre conscience aux élèves de ce qui peut déterminer hâtivement leur sélection (le besoin) et l’attention qu’il est important d’accorder à la valeur du contenu (selon le thème).

 

En fin de séance, il est demandé aux élèves de construire une formulation (en une ou quelques phrases) qui fasse la synthèse de ce qui est ressorti des échanges et dans laquelle apparaissent les termes importants. Selon les cas : pertinence/pertinences, besoin d’information, valeur du contenu, objectif du site (auteur).

 

 

ÉvaluationÉvaluation formative qui porte, pour la partie orale, sur la lecture du graphe, sur la qualité des échanges entre les élèves et sur la qualité de leur argumentation. Comme pour la séquence 1, j’attends par ailleurs des élèves qu’ils formulent une proposition pour définir ce qu’est l’évaluation de l’information, en intégrant les critères de fiabilité, ainsi que la relation à la pertinence dans le choix des documents.

 

 

Outils didactiques :

 

  • Un graphe sur lequel les élèves situent les pages ou sites web consultés selon la pertinence du document, évaluée en fonction du besoin, et la pertinence du document, évaluée en fonction de la valeur de son contenu.

 

 

 

 

  • Termes attendus dans la proposition de formulation : pertinence/pertinences, besoin d’information, valeur du contenu, objectif du site (auteur).

 

 

Matériels : Prévoir un PC avec une connexion à Internet par groupe d’élèves.

 

 

Sources :

 

Jean-François Drouet, Jérôme Dinet, André Tricot, Modèle E.S.T (Evaluation-Sélection-Traitement)

 

Alexandre Serres, Dans le labyrinthe. Évaluer l’information sur internet, C&F éditions, 2012, Caen

 

http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=7868

 

http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=7948

 

 

 

Transposer la cartographie des sources à l’évaluation de l’information, question de pertinences

Dans la continuité du travail fourni lors de la précédente séance, j’ai pu consacrer le début de l’heure à un retour sur une formulation qui intégrerait les notions de qualité et de crédibilité de l’information. Après un rappel des apports de la semaine passée et un temps de mise en commun, les élèves sont parvenus à ceci :

« L’évaluation de l’information d’un site web peut se faire selon la qualité de l’information (auteur, source, objectif du site…) et sa crédibilité. »

Parce que ce sont des notions qu’ils découvrent, elles sont encore peu consolidées. Il en résulte une formulation « brute » qui à bien des égards mériterait quelques nuances, notamment dans la relation entre la qualité et la crédibilité. On mesure ici toute la difficulté qu’il peut y avoir à stabiliser des savoirs dès lors que les apprentissages ne se font pas sur le temps long.

D’autant qu’il ne s’agissait pas là de l’objectif de ma séance du jour, pour laquelle je souhaitais, comme j’en ai émis l’hypothèse dans cet autre article, envisager d’enseigner la pertinence. J’ai repris, comme annoncé, le principe d’un graphique sur lequel les élèves seraient invités à positionner le ou les sites web consultés selon leur pertience-utilisateur (ci-dessous, axe des ordonnées) et leur pertinence-sujet (axe des abscisses). Je reprends en cela, pour partie (je n’aborde pas ici la pertinence-système) et en la didactisant, la typologie dressée par Brigitte Simonnot et Sylvie Dalbin, dont j’ai pu prendre connaissance dans le livre d’Alexandre Serres, Dans le labyrinthe.

La séquence « Projet historiae » se prête particulièrement bien à un questionnement sur ce qu’est la pertinence, ou plutôt ce que recouvre les « pertinences ». Je donne en effet pour consigne aux élèves de présenter deux thèses contradictoires dans la rédaction d’un article de presse qui porte sur une controverse historique ou paranormale. De fait, ils sont contraints d’introduire une explication en laquelle ils ne croient pas. C’est par exemple le cas avec ce groupe dont le sujet porte sur la « Zone 51 » et dont l’une des explications sur ce qui s’y passe avance l’hypothèse d’une vie extraterrestre. Les élèves sont donc confrontés à ces deux pertinences, la première répondant à un besoin d’information (pertinence-utilisateur) pour répondre à la consigne de travail, la seconde renvoyant, pour les contenus, à la qualité de l’information, variable selon que l’auteur soit impliqué ou non dans l’ufologie. Je précise que cette « confrontation » des pertinences utilisateur et sujet est aussi vrai pour un autre groupe à qui j’ai donné pour sujet l’assassinat de JFK. L’essentiel est de proposer un sujet qui porte une controverse (historique, scientifique,…).

Afin de rendre ma démarche pédagogique plus claire, j’ai décidé de ne conserver, sur le graphe ci-dessous, que la page Wikipédia consacrée à la « Zone 51 » (en orange) et le site d’un ufologue (en noir). J’ai par ailleurs repris le graphe « qualité-crédibilité », à titre de comparaison.

Au sujet des trois références à Wikipédia, un élève s’est servi de l’encyclopédie en ligne alors qu’il ne la trouve ni de qualité, ni pertinente pour répondre au besoin d’information qui était le sien. Au-delà du paradoxe, j’y vois une invitation à mesurer le nombre d’idées reçues qui circulent sur la nature non fiable de cette source. Un deuxième élève semble avoir été prudent en localisant Wikipédia dans une zone assez proche sur les deux graphes. Le dernier atrouver cette source très pertinente, selon qu’elle réponde à son besoin d’information ou au niveau de la valeur de s contenu en terme de qualité de l’information. Dans la mesure où j’ai évoqué, durant cette heure, la neutralité dans le projet éditorial de Wikipédia, je serais tenté d’être d’accord avec cet élève dans son placement. Surtout, je note qu’il a vraisemblablement fait la distinction entre la crédibilité et la pertinence. Ce qui me semble être très prometteur.

Il est en revanche plus compliqué d’analyser les résultats au sujet du site web dont l’auteur est un ufologue. Les élèves lui ont accordé, pour les deux types de pertinence, un positionnement qui leur donne une valeur relativement bonne. Au regard de ce que recouvre ces pertinences, on aurait pu s’attendre à ce qu’en terme de réponse au besoin d’information, selon la consigne de travail, la pertinence-utilisateur soit plus haute. Par contre, la pertinence-sujet, dont la valeur des contenus est caractérisée par la qualité de l’information, aurait pu être plus basse, dans la mesure où un ufologue peut paraître moins crédible. Ce « tassement » des positionnements, dans le graphes sur les pertinences, vers des valeurs moyennes par rapport au graphe « qualité-crédibilité », me semble paradoxal, en particulier si l’on confronte les axes de la crédibilité et de la pertinence-sujet. Il est par ailleurs intéressant en ce qu’il pourrait clarifier ce qui détermine le choix de tel ou tel site par les élève, la pertinence-utilisateur, en ce qu’elle répond à un besoin d’information. Hypothèse qui demande à être confirmée.

Il me semble donc, pour conclure, que la pertinence gagnerait à être enseignée pour ce qu’elle est. Cela permettrait manifestement aux élèves d’opérer leurs choix en conscience lorsqu’ils sélectionnent des ressources utiles au traitement du sujet sur lequel ils travaillent. En la matière, choisir des sujets qui demandent une recherche exhaustive et non pas seulement une réponse simple (« auto-terminative ») est plus riche. C’est un apprentissage de la complexité dans la mise en tension de notions (qualité de l’information, crédibilité, pertinence notamment) spécifiques et complémentaires. Mais il faut pour cela s’affranchir du modèle des étapes de la recherche documentaire, trop simpliste et désormais dépassé dans un contexte où l’incertitude et le doute sont moins un obstacle à l’apprentissage qu’un levier vers les savoirs.

Enseigner la pertinence, piste didactique

Avec pour objectif d’avancer dans la concrétisation d’une progression dans les apprentissages info-documentaires, j’ai envisagé cette séquence de deux heures qui vise à mener, avec les élèves, un questionnement sur ce que recouvre la notion de pertinence. Je la propose à des élèves de seconde, à la suite de la séquence « projet historiae« , davantage centrée sur la définition de critères qui permettent d’évaluer la fiabilité d’une information. Au terme de cette séquence, je concluais en faisant prendre conscience aux élèves que ce qui déterminait leur choix pour retenir tel site ou page web plutôt que tel, ou telle autre dépendait d’abord de la pertinence qu’ils leur accordaient, selon la tâche qui leur était demandée. Dans ce contexte déterminé par un besoin exprimé dans la consigne, l’attention des élèves est portée, sans qu’ils en aient nécessairement conscience, sur la notion de pertinence-utilisateur. Cela peut se faire aux dépens de la pertinence-sujet, qui suppose un questionnement sur la qualité de l’information et le choix des outils dans la résolution d’une tâche rendue plus complexe. L’une des situations pédagogiques permettant d’y parvenir peut, par exemple, passer par la construction de situations-problèmes dont l’objectif est de créer, avec l’obstacle, les conditions de cette complexité.

J’ai pensé qu’il pouvait aussi être intéressant de confronter directement les élèves à cette distinction entre ces deux formes de pertinence, de sorte qu’ils apprennent ce qu’elles recouvrent et qu’ils soient en mesure d’exercer leur jugement en conscience. Pour ce faire, j’ai repensé le projet historiae imaginé par Olivier Le Deuff pour un déroulement dorénavant en trois temps, dans le contexte de l’AP, sur une séquence de 7 heures :

– Phase d’écriture de l’article sur une énigme historique et réflexion sur les critères de fiabilité (4h)

– Restitution orale des élèves et remédiation du professeur documentaliste sur la définition de ces critères (1h30)

– Échanges et remédiation sur la notion de pertinence (1h30).

Je n’insiste pas sur les deux premiers points que j’ai déjà eu l’occasion de présenter. Pour la phase d’échanges et de remédiation au sujet de la pertinence, j’ai repris l’idée d’une représentation graphique. Dans la mesure où tous les groupes d’élève ont travaillé sur le même sujet, j’ai observé que, régulièrement, ils avaient une, voire plusieurs pages web en commun. Je me concentre donc sur celles-ci (3 pages constituant à mon avis un idéal) en demandant aux élèves, cette fois-ci individuellement, de les placer dans un graphe (ci-dessous) où l’abscisse détermine la pertinence qu’ils accordent aux pages selon les éléments que celle-ci leur apporte en réponse à leur besoin d’information. L’axe des ordonnées exprime quant à lui la pertinence selon la qualité de l’information, au regard des critères qui ont été vus précédemment lors de la phase de définition des critères de fiabilité. Je n’ai volontairement mis qu’un repère, à la base de cette représentation graphique, de sorte que les élèves ne concluent pas que le positionnement dans le graphe est strictement mesurable. Il ne s’agit que d’une évaluation. Afin d’éviter les effets de groupe, je demande aux élèves de placer seuls les 3 pages retenues (au besoin celles-ci peuvent être imposées) sur le graphe. Dans l’intervalle des deux séances qui composent cette petite séquence d’une heure et demie, je restitue sur un graphe unique le positionnement des pages, avec une couleur différente pour chacune d’elles.

 La phase de restitution est envisagée à partir de la représentation graphique globale qui doit permettre à chacun de se situer selon la dominante des emplacements des points colorés. L’emplacement de ces pages (exprimées par des points colorés) caractérise la relation qu’ont les élèves à la pertinence selon qu’ils privilégient, s’ils les privilégient, le besoin ou la qualité de l’information. Il est par ailleurs intéressant, à ce niveau, de comparer les deux représentations graphiques (celle fondée sur la relation crédibilité/qualité et celle-ci sur la pertinence utilisateur/sujet). Les divergences qui peuvent apparaître sont autant de question à soulever pour construire ces savoirs info-documentaires. Elles sont aussi la marque de la part de subjectivité qui caractérise l’évaluation, au-delà des critères concrets sur lesquels les élèves peuvent se référer. Si, au niveau des objectifs notionnels, je me limite à la pertinence-utilisateur et à la pertinence-sujet sans évoquer la pertinence-système (qualité de l’indexation), celle-ci doit pouvoir faire l’objet d’une séquence spécifique ultérieure, où soit aussi menée une réflexion sur le choix des outils. Ces deux aspects me semblent devoir être abordés conjointement.

Il me semble, au terme de la présentation de cette séquence, que la dimension métacognitive de cette approche pédagogique doit permettre aux élèves d’appréhender la complexité d’une recherche d’information, au-delà de la simple résolution d’un besoin exprimé par une question élémentaire. C’est en tout cas, pour des élèves de seconde, un apprentissage préparatoire important pour des élèves qui en première, pour les TPE, ne seront plus dans une logique d’exposé, mais de résolution d’une problématique, en grande partie fondée sur le doute et la mise en débat des arguments.

Travail en cours. A suivre ici et ici.

 Variante :

Dans la mesure où il ne serait pas possible d’inclure ce temps dans une séquence de 7 heures, il doit être possible de construire une séquence de 3 heures en faisant travailler les élèves sur une thématique, ou controverse spécifique. Selon le niveau des élèves, ou en fonction du temps qui pourrait être plus court, une sélection de pages web sur lesquelles les élèves travaillent, peut avoir été effectuée en amont par le professeur documentaliste. D’ailleurs, celles-ci peuvent avoir été choisies selon leur faible ou forte pertinence par rapport au sujet général.

La validation de l’information : schéma conceptuel

Je vous soumets ce schéma conceptuel qui constitue la trame d’une formation dont l’intitulé est « l’information numérique- production, recherche, évaluation et production ». Je ne prétends donc pas à l’exhaustivité de son contenu, sa formalisation tenant de l’objectif initial, mais du moins a t-il l’intérêt de présenter une hiérarchie de concepts et d’objets info-documentaires qui peuvent constituer autant de savoirs à aborder avec les élèves.

A cette fin l’approche peut privilégier la formation à la recherche d’informations, la médiation info-documentaire ou l’enseignement à l’information-documentation selon les objectifs que l’on s’est donnés. Les interactions, visibles sur le schéma, privilégient néanmoins une lecture globale du concept de « validation de l’information » qui investit concomitamment  des connaissances, des capacités et des attitudes.

MàJ juin 2013

Pour avoir de nouveau mené cette formation, je vous soumets cette nouvelle version du schéma conceptuel sur lequel je me suis appuyé. Par souci de clarté j’y ai ajouté de la couleur afin de distinguer les relations qui tiennent de l’objectif général (violet), des notions (vert) et du contexte (bleu).

Compte tenu de la rapidité des évolutions sur la web, je m’attendais à des modifications plus importantes, mais il semble qu’un certain nombre de « nœuds conceptuels » stables puissent articuler ce schéma dans la durée. C’est particulièrement le cas pour les notions liées à l’évaluation de l’information qui constituent des repères opérants pour l’analyse. Pour aller plus loin sur ces notions, je vous renvoie à mon support de formation.