Lecture-écriture numérique. Synthèse

Je viens clore la quinzaine d’articles que j’ai écrite sur le thème de la lecture-écriture numérique (ici, ici et ) par un schéma dont j’espère qu’il est lisible alors que le sujet est d’une véritable complexité. Je vous dois à cet effet quelques explications sur une représentation graphique forcément discutable. Je l’ai imaginée comme un « réseau conceptuel » (Britt-Mari Barth) dont la lecture se fait à deux niveaux. L’un horizontal, non hiérarchique, caractérisé, dans l’accomplissement d’une tâche, par les va-et-vient et les interrelations entre des éléments de contexte (en bleu) et des cultures (en vert clair). L’autre vertical, hiérarchique, qui propose une distinction entre des notions organisatrices (en orange) et des notions essentielles (en jaune).

 

 Afin de gagner en simplicité je me suis employé à décomposer ce qui se veut être, dans mon esprit, un modèle opérationnel. En particulier pour la partie haute du schéma qui traduit l’idée d’un cheminement dans l’activité menée par l’élève. Celui-ci est matérialisé par les éléments de « contexte » selon l’intention originale et le dispositif technique (cadre de la lecture-écriture numérique). Mais aussi par les cultures informationnelle, générale et-ou professionnelle qui influencent les stratégies cognitives mises en œuvre par les élèves. Par culture générale et-ou professionnelle je pense au type d’établissement (collège, LGT, LP, LDM) qui peut influer sur le type d’activité proposé aux élèves.

Dans ce travail de simplification, j’ai par ailleurs cherché à matérialiser des liens directs entre les éléments de contexte et de culture avec les notions organisatrices. Pour ce faire, j’ai mis en avant ce qui me semblait être la relation la plus forte. Par exemple, la « navigation hypertexte » peut procéder d’une « intention », mais celle-ci découle des connaissances (générales, professionnelles) que nous avons d’un sujet. Cependant, je ne suppose pas que cette répartition ait une quelconque valeur définitive. Dans la même logique, j’ai privilégié les correspondances uniques des notions organisatrices avec les notions essentielles. De plus, j’ai fait le choix de ne pas multiplier les occurrences pour une même notion essentielle. Il me semble néanmoins que, selon l’approche et le type d’activité, des corrélations existent. L’interrelation forte entre écriture et lecture numérique est en la matière particulièrement féconde.

Je précise, avant de conclure, que ce corpus de notions organisatrices et de notions essentielles est extrait des articles que j’ai rédigés sur le sujet. Or, si je souhaite que ce corpus soit exhaustif, il se peut qu’il soit à compléter.  Quant aux notions « information » et « validation de l’information » dont vous aurez observé qu’elles sont peu développées, je vous renvoie vers cet autre schéma conceptuel où ce à quoi elles se réfèrent est détaillé.

Pour terminer, j’aimerais insister sur les interrelations entre les éléments de contexte, de culture et les notions qui se rapportent à la lecture-écriture numérique. Il me semble que les activités qui pourraient être construites à partir de cet objet, gagneraient à l’être selon une approche analogue aux « milieux associés » imaginés par Gilbert Simondon. Ce serait là se porter sur le terrain fertile d’une complémentarité entre savoirs procéduraux et savoirs déclaratifs. La translittératie, construction intellectuelle émergente, pourrait s’y prêter…

[MàJ 23.10.2013] Un grand merci à Noël Uguen qui m’a fait prendre conscience que la notion organisatrice de « document » n’apparaissait qu’en creux dans le schéma conceptuel. Il m’a semblé pertinent, au regard de la double lecture horizontale et verticale de cette représentation conceptuelle, d’inscrire cette notion dans une dynamique fondée sur la création et la diffusion.

12 réponses sur “Lecture-écriture numérique. Synthèse”

  1. Cet article de synthèse ouvre des perspectives intéressantes par rapport à des séances d’éducation aux médias et à l’information qui convoquent (et non pas s’appuient) sur des aspects scientifiques contemporains issus des SIC.
    Je pense par exemple à des travaux sur des infographies interactives, dans le prolongement des propositions d’Angèle, ici même (excellents objets mettant en évidence la translittératie).
    Jacques

  2. ton schéma est très éclairant et le fait de mettre à plat éléments de contexte et culturel intéressant. en ce moment, je réfléchi beaucoup à la notion de situation (professsionelle, pédagogique, de communciation…) et aux rôles à jouer dans chaque situation et je me demande si on ne peut pas intégrer cela dans ton approche. Il va falloir que je réflechisse à cela

  3. Entrer par les situations, et aller du côté de la didactique professionnelle pour voir ce qui se passe dans l’action, car les connaissances se construisent dans l’action. Penser les relations du couple activité-situation : l’élève a un travail prescrit, mais va effectuer un travail réel, c’est-à-dire adapter sa conduite au contexte en convoquant les ressources nécessaires : savoirs, document, objet physique, etc. Quelles ressources devons-nous donc mettre à sa disposition? Quel rôle dans ces situations pour l’élève? le groupe? l’enseignant?
    En didactique professionnelle on privilégie la situation-problème pour favoriser la connaissance en acte…

    Du beau grain à moudre!

  4. Angèle, Richard
    Je pressens l’éventualité d’une tension dans la dualité « culture générale »-« culture professionnelle » dans le déroulement d’une activité. Il se peut qu’il y ait là matière à un conflit cognitif favorable à l’acquisition de savoirs, entre réalisation de la tâche et conceptualisation des notions. Mais il me semble aussi que, pour cela, les niveaux d’acquisition et de formulation sont à déterminer selon des prérequis stabilisés (en collège notamment dans le système français). Ce serait, sinon, prendre le risque d’une surcharge cognitive qui sape l’ensemble.

  5. Il ne s’agit pas d’une dualité culture générale/culture professionnelle. L’individu appartient à des sphères différentes nombreuses : sphère familiale, sphère professionnelle, sphère sociale, sphère scolaire, etc. dans lesquelles il y a des pratiques sociales singulières. Lors de l’activité, il y a forcément des interactions entre toutes ces pratiques, et non dualité. L’acteur adapte sa conduite selon la situation et pour réaliser l’activité prescrite, en usant des pratiques qui lui semblent les plus appropriées. Dans le couple culture générale/culture professionnelle, je vois plus une richesse qu’une source de tension ou de confusion.

  6. Par dualité culture générale/culture professionnelle je tenais à marquer l’influence du contexte d’établissement. Je suis d’accord avec toi au sujet des autres formes d’interaction qui façonnent la singularité de chacun. En revanche, je n’entends pas par « tension » quelque chose de négatif. Je l’associe à la phase de conflit cognitif, qui est bénéfique. Pour terminer, au sujet de la surcharge cognitive, je m’interroge sur les différents modèles de construction des savoirs (déduction, induction, abduction…) en supposant que les élèves doivent pouvoir s’appuyer sur des prérequis stables pour aller vers des tâches de plus en plus complexes.

  7. Il me semble que c’est un point nodal et transversal d’un enseignement à la culture informationnelle, cet appui sur les pratiques des différentes sphères évoquées (quel statut leur donner…). Et il y a du grain à moudre de ce point de vue, effectivement.
    Il me semble par contre délicat, Angèle, de mêler le « langage des modèles » (activité, couplage…) et la « sémantique ordinaire de l’action » du professeur-documentaliste. Cela peut, selon moi, être porteur d’une certaine confusion pour le lecteur peu connaisseur de cette théorie et/ou familier d’autres systèmes théoriques (la théorie de l’action conjointe en didactique, par exemple).
    Contrat, tâche prescrite, couplage activité/situation….ça n’existe pas dans la vraie vie. Cette petite remarque partagée avec vous l’est dans le but d’essayer d’éviter les commentaires que l’on vu dernièrement sur ce site ou ailleurs (procès concernant le jargon utilisé…). Toute personne ayant (à tort) tendance qualifier ainsi ce qu’il ne comprend pas. La réponse d’Olivier était plus expéditive !
    Ce n’est pas parce que c’est du langage théorique qu’il ne faut pas l’utiliser, mais il me semble prudent de rappeler souvent d’où l’on parle. Enfin, bon, ce n’est juste que ce qui m’apparaît à la lecture.
    Dans la carte, Gildas utilise les couleurs pour passer d’un « niveau » de langage à un autre. dans un texte, c’est plus difficile (de là à escamoter les concepts que l’on maîtrise et qui nous semblent être des des outils efficaces ? Ce serait une solution de facilité, sans doute).
    Bravo à tous les 3, en tout cas, pour cette mise en perspective qui fournit un vrai programme de travail pour l’action auprès des élèves et pour d’éventuelles ingénieries didactiques coopératives plus souvent appelées « recherche-action ».
    Dispositifs qui invitent chacun à prendre successivement différentes postures. Ce qui est un sport tout à fait particulier.
    Jacques

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