L’image animée, un média d’intentions et de projections

Afin de venir compléter les publications dédiées à la Semaine de la presse, Cactus acide vous propose cette séance d’une heure consacrée à la lecture de l’image dans un reportage audiovisuel. Il s’agit cette fois d’aborder l’image animée, dans un premier temps pour elle-même, avant de faire le lien avec les commentaires qui l’accompagnent.

En préalable à une présentation des objectifs et du déroulement, il nous faut aborder la question du droit pour être en règle avec la législation en vigueur. Les derniers accords sectoriels stipulent que pour les œuvres audiovisuelles «  »extraits » s’entend de parties d’œuvres dont la longueur est limitée à six minutes, et ne pouvant en tout état de cause excéder le dixième de la durée totale de l’œuvre intégrale. » L’exception pédagogique n’est donc que partielle, ce que nous ne pouvons que regretter.

Dans le respect des textes, vous trouverez donc ici et , à titre d’exemple, des reportages ou extraits de reportages qui sont des supports didactiques pertinents.

Cette séance peut être envisagée en partenariat avec un enseignant en arts plastiques (collège et LP) pour aborder les notions techniques du tournage  (cadrage, prise de vue, séquence,…) ou, éventuellement, par le professeur documentaliste même (LGT) lors d’une présentation spécifique.

Il doit être possible d’adapter les objectifs aux niveaux concernés, que l’on travaille sur la créativité des élèves avant d’introduire la notion de traitement de l’information (collège), ou que l’on s’appuie sur les indices contextuels du reportage pour insister sur l’acquisition d’une culture générale et d’une culture de l’information à des fins de reconnaissance implicite (inter-subjectivité du journaliste et de l’auditeur)  et explicite (ligne éditoriale) des signes qui constituent le(s) message(s) du reportage (lycée).

Afin de réaliser ces objectifs il sera proposer aux élèves une ou deux projections, sans le son, de l’extrait de reportage choisi. Charge ensuite à eux, en groupe de 3 ou 4 élèves, de donner du sens aux images qu’ils ont vues et de restituer une narration et une information cohérente. Les différentes versions sont ensuite présentées à l’oral au reste de la classe qui va pouvoir évaluer la cohérence de chaque interprétation selon les indices que chaque groupe aura repérés. Cette première phase a pour but de démontrer aux élèves leur part de subjectivité (lycée).

L’extrait du reportage est alors diffusé avec le son et il est alors demandé aux élèves de s’exprimer sur le sens du reportage selon les informations objectives qu’ils auront notées sur une grille (collège). Cette prise de note sera ensuite élargie, avec rediffusion du reportage, aux informations subjectives (lycée). Le professeur documentaliste effectue alors une remédiation en insistant sur la complémentarité image-son et sur la notion de traitement de l’information (collège); sur l’importance des éléments de contexte et de l’interprétation dans la lecture que l’on a d’une médiation informative.

Il est pertinent de récupérer les grilles de lecture des élèves pour évaluer  les indices qu’ils ont relevés lors de la diffusion du reportage. Par ailleurs, selon le temps disponible, à des fins d’évaluation formative, il doit pouvoir être envisagé un même travail sur grille de lecture à partir d’un autre extrait de reportage. Sinon,  un exercice similaire peut être donné à faire à la maison.

En conclusion, il s’agit, lors de cette séance, d’introduire les élèves à la complexité de la lecture de l’information entre approche médiologique et co-relations objectives et subjectives.

Pour une éducation à l’image par le Mind Mapping

La carte heuristique est à la fois écriture et dessin. La technique de sa création s’appuie autant sur l’image que sur l’écrit, et de la même manière que les mots-clés choisis servent à exprimer une idée, les images cherchent à éclairer le cheminement de la pensée, en en faisant émerger des points plus ou moins précis. Ainsi composée de mots-clés et d’images, la carte heuristique permet  une vision synoptique.  Il s’agit de noter de façon visuelle une réflexion en train de se faire. C’est pourquoi, dans sa définition d’une carte heuristique, David Touvet explique que notre cerveau fonctionne de manière associative : « l’information y est découpée et distribuée, et […] elle est associée à d’autres informations ». (1) Si cette pratique peut amener l’apprenant à développer sa maîtrise de l’information, il serait par conséquent intéressant, et même fort utile de mettre en place des dispositifs pédagogiques d’éducation à l’image qui utiliseraient la technique du Mind Mapping.

Après avoir défini le mot lui-même, on verra l’importance de l’image dans le processus de création d’un Mind Mapping ; dans un prochain billet, il s’agira de montrer l’intérêt pédagogique d’une formation au Mind Mapping dans l’éducation à l’image.

I. définition de l’image

Tout d’abord qu’entend-on par image ? Est-ce le mot le plus approprié dans le cas du Mind Mapping ? Le terme d’image sous-entend diverses significations qu’il convient tout d’abord de détailler :

Le mot français image vient du latin imago utilisé dans le sens de « portrait, simulacre, apparence, ombre, qui prend la place de… ». L’image n’est pas simplement visuelle. Elle peut être auditive, olfactive, verbale. Ou encore mentale – dans ce cas, le cerveau la reconstitue en traitant des informations visuelles, auditives, kinesthésiques. Elle peut également exprimer l’intime d’une chose.

Pour le Petit Robert de la langue française, une image est d’abord un reflet, c’est-à-dire la « reproduction inversée qu’une surface polie donne d’un objet qui s’y réfléchit » ; une image est aussi une « représentation d’un objet par les arts graphiques ou plastiques (dessin, figure) ou par la photographie » ; elle est aussi la « reproduction exacte ou la représentation analogique d’un être, d’une chose », ou « ce qui évoque une réalité en raison d’un rapport de similitude, d’analogie », ou une « comparaison, une métaphore » ; enfin une image est soit une « représentation mentale d’une perception ou impression antérieure », soit une « vision intérieure plus ou moins exacte d’un être ou d’une chose », soit un « produit de l’imagination », soit une « représentation qu’a le public ».

C’est Charles Sanders Peirce (1839-1914), l’un des principaux fondateurs de la science des signes avec le linguiste Ferdinand de Saussure, qui a défini ce que sont une icône, un indice, un symbole – même si tous trois sont des signes et même si une icône peut être également indice et symbole.

1°) une icône est un signe qui se réfère à l’objet qu’il dénote, simplement par la vertu des caractères qui lui sont propres et qu’il possède ; elle présente une certaine ressemblance avec l’objet auquel elle se réfère et qu’elle dénote : notre image dans un miroir, une carte géographique, une maquette de navire, le cri d’un oiseau, l’imitation d’un parfum de luxe.

2°) un indice est un signe qui renvoie à un objet qui l’affecte mais dont il n’est pas la réplique ; il suggère des rapports de cause à effet : la fumée d’une cheminée indiquant l’existence d’un feu, les empreintes de pas révélant la présence de quelqu’un.

3°) un symbole est un signe qui renvoie à un objet par association d’idées ; il est interprété comme se référant à l’objet : le vert pour la « protection de l’environnement », la balance pour la justice.

Il est donc plus opportun d’utiliser le terme générique « signe », même si, dans le cas du Mind Mapping et de l’art de la mémoire, certains signes sont aussi des indices  et parfois peuvent devenir des symboles.

II. Visualiser une idée : une histoire de l’image

Ces signes ont été utilisés depuis toujours pour visualiser les savoirs. On peut prendre pour illustration le dossier du magazine Sciences Humaines intitulé « Entre image et écriture : Le découverte des systèmes graphiques », qui présente un panorama clair et concis des différentes techniques de visualisation des idées, ainsi que des travaux de recherches qui ont été menés sur ce thème. (2)

L’image remplit au moins deux fonctions : l’une dans le processus de mémorisation, l’autre dans celui de la réflexion.

L’image comme support mémoriel se manifeste par la création de systèmes graphiques comme celui du topogramme, un aide-mémoire précieux pour les orateurs de l’antiquité : cette méthode consiste à transformer en images mentales les objets ou les personnages d’une liste et à les placer mentalement dans les lieux d’un itinéraire connu, par exemple les pièces d’une villa. Cette méthode a connu un grand succès jusqu’à la Renaissance. Mais le passage au scriptural / pictural est-il si éloigné de cette technique basée sur l’oral ? Si un changement s’est produit, ce n’est pas tant dans la volonté conservatrice d’un savoir que dans un nouveau rapport à la mémoire ainsi qu’au média utilisé. Comme l’explique Nicolas Journet, « le graphisme en général ne représente donc pas un stade primitif de l’écriture, mais une autre façon d’inscrire des récits, des paroles, des idées, des sensations sur un support durable et transmissible. » (3)

On peut également comprendre l’image comme support de réflexion. Par le choix de synthèsequ’elle impose, elle nécessite une compréhension de l’idée à « donner à voir », jusque dans la multitude de ses sens.Pour Jean-François Dortier, le mandala (dessin pris comme support de méditation chez les moines bouddhistes) « met en valeur des idées forces, permet de stocker sous forme d’un schéma simplifié des informations nombreuses et complexes, de les communiquer, etc. » (4) Il en va de même pour les images dans les cartes heuristiques : elles servent à évoquer un maximum d’idées à son auteur. Se pose alors le problème de l’aspect subjectif d’une carte heuristique, si le choix des mots, et des images, renvoie au système de penser d’un individu…A cette interrogation, Tony Buzan, psychologue anglais autoproclamé « créateur de la méthode du Mind Mapping » répond en expliquant que chaque branche se déploie en rameauxet en les formant surgissent de nouvelles idées. L’informatique a offert de nouveaux outils qui reprennent ces mêmes principes. Le processus de création est donc capital, à la fois comme trace mémorielle, mais aussi support de réflexion continue ; la réflexion, par ce processus, apparaît comme une poursuite de la mémoire, un prolongement. Pour illustrer cette idée il suffit de prendre en compte la linéarité temporelle de la création d’une carte, à partir d’une vidéo présentant la « méthode Buzan » :

Suite de l’article « pour une éducation à l’image par le Mind Mapping – possibilités d’enseignement » à paraître…

Notes :

1 : David Touvet, « Mind Mapping, définition des cartes heuristiques » [en ligne] article publié le 17.01.06

2 : Sciences Humaines, « Entre image et écriture : Le découverte des systèmes graphiques » dossier coordonné par Nicolas Journet et Régis Meyran ; Les Grands Dossiers, trimestriel n°11, juin-juillet-août 2008

3 : « Quand l’image parle », article de Nicolas Journet pour le numéro spécial de Sciences Humaines sus-cité.

4 : « Dessine-moi une idée… Du mandala aux cartes sémantiques », article de Jean-François Dortier pour le numéro spécial de Sciences Humaines sus-cité.