Après avoir envisagé l’éventualité d’une évolution du projet « Historiae », je me propose de développer quelques pistes de réflexion suite à une séquence achevée avec des élèves de seconde. En liminaire je souhaite insister sur le fait qu’il ne s’agira là que d’hypothèses non généralisables, compte-tenu de la seule vingtaine d’élèves concernés. Aussi, si mes observations trouvent quelques échos chez vous ou si, au contraire, elles vous sont lointaines, je vous invite à commenter cet article.
Où l’on reparle du copier-coller
S’il est vrai que l’essentiel des groupes a réalisé un travail satisfaisant je regrette de ne pas pouvoir publier les articles écrits par les élèves. Flagrante ou plus édulcorée, la part de copier-coller y est malheureusement trop systématique pour que cela soit possible. Aussi je reprends l’une des conclusions développées dans un article précédent. Il semble qu’il y ait une difficulté réelle à réécrire, pour certains élèves, avec leurs mots, des contenus. Ce qui peut résulter d’un défaut de compréhension, donc d’appropriation.
Mais il est vrai aussi, et peut être surtout, qu’ils sont peu familiarisés avec cette contrainte d’écriture qu’est le style journalistique. Or si celui-ci a en commun avec le style encyclopédique (rappelons ici le recours méthodologique des élèves à « Wikipédia ») l’importance de la présentation des faits, il n’est en revanche pas neutre. C’est là toute l’influence d’une politique éditoriale selon la source. Il me semble donc, ce que je n’ai manifestement pas suffisamment fait, qu’il serait pertinent d’insister davantage sur la mise en contradiction des différentes thèses défendues. En les cartographiant, par exemple, que les auteurs apportent une explication rationnelle ou irrationnelle aux énigmes historiques traitées par les élèves. Ce faisant, il pourrait ensuite leur être donné pour consigne d’argumenter selon leur propre conscience, de sorte qu’impliqués eux-mêmes, ils soient conduits à se situer dans le débat contradictoire.
Susciter l’esprit de contradiction…
Au-delà du jeu de mot, il est sans doute important de rappeler que les élèves sont peu familiarisés, avant le lycée, avec les notions d’argumentaire et de contradiction. Ce n’est pas là une critique mais le simple constat d’une progression, cohérente du reste, qui voit nos élèves aborder plus systématiquement ces questions en ECJS pour le débat et en TPE pour la problématique. Il me semble cependant, en toute modestie, que ce modèle pourrait gagner à être réactualisé dans la mesure où il est fondé sur un unique contrôle a priori du savoir, aujourd’hui dépassé. Nous savons qu’internet a modifié ce paradigme en introduisant la nécessité d’un examen a posteriori face à la multiplicité de publications qui concourent à la fragilisation du concept d’ « autorité ». Rapporté au projet Historiae, la compétence des professeurs documentalistes se situe probablement à ce niveau, complémentaire de l’attachement des historiens à la recherche des faits, et des professeurs de lettres à la recherche du style.
Vous avez dit critères d’évaluation..?
Une seconde partie du travail demandé aux élèves consistait en la détermination, par eux dans un premier temps, puis avec ma remédiation, de critères d’évaluation qui nous permettent de considérer si les sites qu’ils avaient consultés étaient a priori fiables ou non. Singulièrement, et je suis d’autant moins porté à généraliser que ce cas ne s’était jamais produit, les élèves n’ont pas compris, malgré plusieurs explications sur ce terme, ce que j’entendais par « critères d’évaluation ». Si une première explication peut tenir au fait que je me sois sans doute mal exprimé ou que ma consigne n’était pas claire, la raison est peut-être à trouver ailleurs. La non reconnaissance du mot « critère » par les élèves, dans ce contexte particulier, laisse supposer qu’il n’est pas signifiant, pour eux, dans leur évaluation de l’information. En conséquence, il me semblerait opportun, pour préparer au débat et à la problématique sans doute, mais surtout en soi, d’aborder systématiquement, et non occasionnellement, quand c’est encore le cas, cette question de la fiabilité en collège. C’est un enjeu fondamental.
Les deux groupes qui travaillaient sur l’assassinat de JFK ont été confrontés à une difficulté qu’ils n’ont pas vu. Les élèves se sont appuyés sur un site d’extrême droite pour réaliser leur travail. Il ne s’agit pas ici de blâmer des élèves de seconde qui peuvent ne pas être familiarisés avec la terminologie et la symbolique identitaire. De même que je ne crois pas utile de réagir trop vivement face à un élève qui, piqué au vif dans sa relation quasi matricielle au web, ne voit pas de problème à passer par un site d’extrême droite pour construire son travail. Il en va ici davantage de la responsabilité de l’enseignant à aborder avec les élèves ces infopollutions en les replaçant dans les enjeux politiques et axiologiques qui feront sens progressivement, au collège et au lycée, chez des élèves en quête d’une majorité émancipatrice.
C’est sans doute là faire appel au philosophe, qui recherche la vérité.