Pour une éducation à l’image par le Mind Mapping – II. Quel apprentissage ?

On a vu dans une première partie les deux fonctions que remplit l’image : la mémorisation et la réflexion. En transposant à présent ces notions dans un contexte d’apprentissage, il s’agit de voir dans cette seconde partie dans quelle mesure l’enseignant pourrait développer ces qualités chez l’apprenant, dans un dispositif d’éducation à l’image, par le Mind Mapping.

I. La fonction mémorielle de l’image utilisée à des fins pédagogiques et la réflexion sur l’image comme prolongement de la mémoire

Par le développement de qualités mnémoniques, ainsi que nous l’avons présenté dans le précédent article, l’élève qui réalise une carte heuristique non seulement mémorise des concepts, mais les synthétise et les replace mentalement selon une logique, une hiérarchie établies. Celles-ci lui sont propres puisqu’elles répondent à son raisonnement personnel, ce qui facilite la mémorisation. C’est ce que démontre l’exemple finlandais, dont on connaît les résultats brillants lors d’enquêtes d’envergure internationale (1).

On retrouve cette même habileté de l’esprit à la mémorisation par le biais d’une technique datant de l’Antiquité, qui fut principalement étudiée par l’historienne britannique Francis Yates (2) : cette méthode, qui a connu un grand succès chez les orateurs jusqu’à la Renaissance, consiste à transformer en images mentales les objets ou les personnages d’une liste et à les placer mentalement dans les lieux d’un itinéraire connu ou les pièces d’une villa.

Dans un article sur les procédés mnémotechniques (3), Alain Lieury, professeur de psychologie à l’université Rennes II, présente les résultats d’une étude qui utilisait cette méthode : « L’étude a montré que cinq semaines après avoir mémorisé une liste de 25 mots, le groupe-contrôle qui avait appris ‘par cœur’ pouvait se souvenir de 38% des mots dans l’ordre, tandis qu’un autre groupe qui avait appliqué la méthode des lieux obtenait un score de 79%. » (4)

Ainsi, au-delà d’un effort de mémorisation de la part de l’élève, la réflexion de ce dernier est constamment sollicitée lors de l’élaboration de son travail.

II. Le Mind Mapping comme support à l’évaluation formative

Cette réflexion fournie par l’élève peut servir de base à l’évaluation de son travail, que ce soit par lui-même, et par l’enseignant. En effet, il existe plusieurs types d’évaluation : l’évaluation sommative, par exemple, qui s’effectue au terme du travail fourni par l’élève, à la suite de l’apprentissage.

L’évaluation formative, quant à elle, s’effectue au cours de l’apprentissage ; formatrice, elle permet à l’élève de comprendre et de corriger ses erreurs sans se sentir en situation d’échec. Dans le cadre de l’évaluation d’une carte heuristique, il ne s’agit pas de faire produire la même carte par tous les élèves, mais de leur demander de fournir une véritable réflexion personnelle.

Ainsi, l’évaluation formative (en auto-évaluation ou en évaluation croisée) lors du processus du Mind Mapping permet de faire émerger le non-acquis et de le transformer en acquis, dans un véritable souci pédagogique.

La technique du Mind Mapping dans le cadre de l’éducation à l’image permet donc l’acquisition de qualités mémorielles et réflexives non-négligeables. On verra dans un prochain article son utilisation en pluri-, inter- et transdisciplinarité. Pour terminer, une vidéo présentant une expérimentation de la « méthode des lieux », que l’on a rapproché, par son effort de visualisation, à la technique du Mind Mapping :

Notes :

(1) Enquête PISA (acronyme pour « Programme international pour le suivi des Acquis ») réalisée par l’OCDE en 2004 et 2006 ; on peut consulter par exemple cet article de 2004 : http://www.oecd.org/document/18/0,3343,fr_2649_34487_34010578_1_1_1_1,00.html ainsi que l’article d’Olivier Le Deuff issu de son blog « Le Guide des Egarés »

(2) Frances Yates, L’Art de la mémoire, Gallimard, 1975 pour la traduction française

(3) Alain Lieury, « Améliorer sa mémoire : mythes et réalité », in Sciences Humaines, dossier, n°43, octobre 1994

(4) L. D. Groninger, « Mnemonic imagery and forgetting », in Psychonomic Science, n°23, 1971

[illustration : From a series of almost 100 vintage « brain maps » as created by one Dr. Alesha Sivartha in the late 1800’s]

Pour une éducation à l’image par le Mind Mapping

La carte heuristique est à la fois écriture et dessin. La technique de sa création s’appuie autant sur l’image que sur l’écrit, et de la même manière que les mots-clés choisis servent à exprimer une idée, les images cherchent à éclairer le cheminement de la pensée, en en faisant émerger des points plus ou moins précis. Ainsi composée de mots-clés et d’images, la carte heuristique permet  une vision synoptique.  Il s’agit de noter de façon visuelle une réflexion en train de se faire. C’est pourquoi, dans sa définition d’une carte heuristique, David Touvet explique que notre cerveau fonctionne de manière associative : « l’information y est découpée et distribuée, et […] elle est associée à d’autres informations ». (1) Si cette pratique peut amener l’apprenant à développer sa maîtrise de l’information, il serait par conséquent intéressant, et même fort utile de mettre en place des dispositifs pédagogiques d’éducation à l’image qui utiliseraient la technique du Mind Mapping.

Après avoir défini le mot lui-même, on verra l’importance de l’image dans le processus de création d’un Mind Mapping ; dans un prochain billet, il s’agira de montrer l’intérêt pédagogique d’une formation au Mind Mapping dans l’éducation à l’image.

I. définition de l’image

Tout d’abord qu’entend-on par image ? Est-ce le mot le plus approprié dans le cas du Mind Mapping ? Le terme d’image sous-entend diverses significations qu’il convient tout d’abord de détailler :

Le mot français image vient du latin imago utilisé dans le sens de « portrait, simulacre, apparence, ombre, qui prend la place de… ». L’image n’est pas simplement visuelle. Elle peut être auditive, olfactive, verbale. Ou encore mentale – dans ce cas, le cerveau la reconstitue en traitant des informations visuelles, auditives, kinesthésiques. Elle peut également exprimer l’intime d’une chose.

Pour le Petit Robert de la langue française, une image est d’abord un reflet, c’est-à-dire la « reproduction inversée qu’une surface polie donne d’un objet qui s’y réfléchit » ; une image est aussi une « représentation d’un objet par les arts graphiques ou plastiques (dessin, figure) ou par la photographie » ; elle est aussi la « reproduction exacte ou la représentation analogique d’un être, d’une chose », ou « ce qui évoque une réalité en raison d’un rapport de similitude, d’analogie », ou une « comparaison, une métaphore » ; enfin une image est soit une « représentation mentale d’une perception ou impression antérieure », soit une « vision intérieure plus ou moins exacte d’un être ou d’une chose », soit un « produit de l’imagination », soit une « représentation qu’a le public ».

C’est Charles Sanders Peirce (1839-1914), l’un des principaux fondateurs de la science des signes avec le linguiste Ferdinand de Saussure, qui a défini ce que sont une icône, un indice, un symbole – même si tous trois sont des signes et même si une icône peut être également indice et symbole.

1°) une icône est un signe qui se réfère à l’objet qu’il dénote, simplement par la vertu des caractères qui lui sont propres et qu’il possède ; elle présente une certaine ressemblance avec l’objet auquel elle se réfère et qu’elle dénote : notre image dans un miroir, une carte géographique, une maquette de navire, le cri d’un oiseau, l’imitation d’un parfum de luxe.

2°) un indice est un signe qui renvoie à un objet qui l’affecte mais dont il n’est pas la réplique ; il suggère des rapports de cause à effet : la fumée d’une cheminée indiquant l’existence d’un feu, les empreintes de pas révélant la présence de quelqu’un.

3°) un symbole est un signe qui renvoie à un objet par association d’idées ; il est interprété comme se référant à l’objet : le vert pour la « protection de l’environnement », la balance pour la justice.

Il est donc plus opportun d’utiliser le terme générique « signe », même si, dans le cas du Mind Mapping et de l’art de la mémoire, certains signes sont aussi des indices  et parfois peuvent devenir des symboles.

II. Visualiser une idée : une histoire de l’image

Ces signes ont été utilisés depuis toujours pour visualiser les savoirs. On peut prendre pour illustration le dossier du magazine Sciences Humaines intitulé « Entre image et écriture : Le découverte des systèmes graphiques », qui présente un panorama clair et concis des différentes techniques de visualisation des idées, ainsi que des travaux de recherches qui ont été menés sur ce thème. (2)

L’image remplit au moins deux fonctions : l’une dans le processus de mémorisation, l’autre dans celui de la réflexion.

L’image comme support mémoriel se manifeste par la création de systèmes graphiques comme celui du topogramme, un aide-mémoire précieux pour les orateurs de l’antiquité : cette méthode consiste à transformer en images mentales les objets ou les personnages d’une liste et à les placer mentalement dans les lieux d’un itinéraire connu, par exemple les pièces d’une villa. Cette méthode a connu un grand succès jusqu’à la Renaissance. Mais le passage au scriptural / pictural est-il si éloigné de cette technique basée sur l’oral ? Si un changement s’est produit, ce n’est pas tant dans la volonté conservatrice d’un savoir que dans un nouveau rapport à la mémoire ainsi qu’au média utilisé. Comme l’explique Nicolas Journet, « le graphisme en général ne représente donc pas un stade primitif de l’écriture, mais une autre façon d’inscrire des récits, des paroles, des idées, des sensations sur un support durable et transmissible. » (3)

On peut également comprendre l’image comme support de réflexion. Par le choix de synthèsequ’elle impose, elle nécessite une compréhension de l’idée à « donner à voir », jusque dans la multitude de ses sens.Pour Jean-François Dortier, le mandala (dessin pris comme support de méditation chez les moines bouddhistes) « met en valeur des idées forces, permet de stocker sous forme d’un schéma simplifié des informations nombreuses et complexes, de les communiquer, etc. » (4) Il en va de même pour les images dans les cartes heuristiques : elles servent à évoquer un maximum d’idées à son auteur. Se pose alors le problème de l’aspect subjectif d’une carte heuristique, si le choix des mots, et des images, renvoie au système de penser d’un individu…A cette interrogation, Tony Buzan, psychologue anglais autoproclamé « créateur de la méthode du Mind Mapping » répond en expliquant que chaque branche se déploie en rameauxet en les formant surgissent de nouvelles idées. L’informatique a offert de nouveaux outils qui reprennent ces mêmes principes. Le processus de création est donc capital, à la fois comme trace mémorielle, mais aussi support de réflexion continue ; la réflexion, par ce processus, apparaît comme une poursuite de la mémoire, un prolongement. Pour illustrer cette idée il suffit de prendre en compte la linéarité temporelle de la création d’une carte, à partir d’une vidéo présentant la « méthode Buzan » :

Suite de l’article « pour une éducation à l’image par le Mind Mapping – possibilités d’enseignement » à paraître…

Notes :

1 : David Touvet, « Mind Mapping, définition des cartes heuristiques » [en ligne] article publié le 17.01.06

2 : Sciences Humaines, « Entre image et écriture : Le découverte des systèmes graphiques » dossier coordonné par Nicolas Journet et Régis Meyran ; Les Grands Dossiers, trimestriel n°11, juin-juillet-août 2008

3 : « Quand l’image parle », article de Nicolas Journet pour le numéro spécial de Sciences Humaines sus-cité.

4 : « Dessine-moi une idée… Du mandala aux cartes sémantiques », article de Jean-François Dortier pour le numéro spécial de Sciences Humaines sus-cité.