Pour une éducation à l’image par le Mind Mapping – II. Quel apprentissage ?

On a vu dans une première partie les deux fonctions que remplit l’image : la mémorisation et la réflexion. En transposant à présent ces notions dans un contexte d’apprentissage, il s’agit de voir dans cette seconde partie dans quelle mesure l’enseignant pourrait développer ces qualités chez l’apprenant, dans un dispositif d’éducation à l’image, par le Mind Mapping.

I. La fonction mémorielle de l’image utilisée à des fins pédagogiques et la réflexion sur l’image comme prolongement de la mémoire

Par le développement de qualités mnémoniques, ainsi que nous l’avons présenté dans le précédent article, l’élève qui réalise une carte heuristique non seulement mémorise des concepts, mais les synthétise et les replace mentalement selon une logique, une hiérarchie établies. Celles-ci lui sont propres puisqu’elles répondent à son raisonnement personnel, ce qui facilite la mémorisation. C’est ce que démontre l’exemple finlandais, dont on connaît les résultats brillants lors d’enquêtes d’envergure internationale (1).

On retrouve cette même habileté de l’esprit à la mémorisation par le biais d’une technique datant de l’Antiquité, qui fut principalement étudiée par l’historienne britannique Francis Yates (2) : cette méthode, qui a connu un grand succès chez les orateurs jusqu’à la Renaissance, consiste à transformer en images mentales les objets ou les personnages d’une liste et à les placer mentalement dans les lieux d’un itinéraire connu ou les pièces d’une villa.

Dans un article sur les procédés mnémotechniques (3), Alain Lieury, professeur de psychologie à l’université Rennes II, présente les résultats d’une étude qui utilisait cette méthode : « L’étude a montré que cinq semaines après avoir mémorisé une liste de 25 mots, le groupe-contrôle qui avait appris ‘par cœur’ pouvait se souvenir de 38% des mots dans l’ordre, tandis qu’un autre groupe qui avait appliqué la méthode des lieux obtenait un score de 79%. » (4)

Ainsi, au-delà d’un effort de mémorisation de la part de l’élève, la réflexion de ce dernier est constamment sollicitée lors de l’élaboration de son travail.

II. Le Mind Mapping comme support à l’évaluation formative

Cette réflexion fournie par l’élève peut servir de base à l’évaluation de son travail, que ce soit par lui-même, et par l’enseignant. En effet, il existe plusieurs types d’évaluation : l’évaluation sommative, par exemple, qui s’effectue au terme du travail fourni par l’élève, à la suite de l’apprentissage.

L’évaluation formative, quant à elle, s’effectue au cours de l’apprentissage ; formatrice, elle permet à l’élève de comprendre et de corriger ses erreurs sans se sentir en situation d’échec. Dans le cadre de l’évaluation d’une carte heuristique, il ne s’agit pas de faire produire la même carte par tous les élèves, mais de leur demander de fournir une véritable réflexion personnelle.

Ainsi, l’évaluation formative (en auto-évaluation ou en évaluation croisée) lors du processus du Mind Mapping permet de faire émerger le non-acquis et de le transformer en acquis, dans un véritable souci pédagogique.

La technique du Mind Mapping dans le cadre de l’éducation à l’image permet donc l’acquisition de qualités mémorielles et réflexives non-négligeables. On verra dans un prochain article son utilisation en pluri-, inter- et transdisciplinarité. Pour terminer, une vidéo présentant une expérimentation de la « méthode des lieux », que l’on a rapproché, par son effort de visualisation, à la technique du Mind Mapping :

Notes :

(1) Enquête PISA (acronyme pour « Programme international pour le suivi des Acquis ») réalisée par l’OCDE en 2004 et 2006 ; on peut consulter par exemple cet article de 2004 : http://www.oecd.org/document/18/0,3343,fr_2649_34487_34010578_1_1_1_1,00.html ainsi que l’article d’Olivier Le Deuff issu de son blog « Le Guide des Egarés »

(2) Frances Yates, L’Art de la mémoire, Gallimard, 1975 pour la traduction française

(3) Alain Lieury, « Améliorer sa mémoire : mythes et réalité », in Sciences Humaines, dossier, n°43, octobre 1994

(4) L. D. Groninger, « Mnemonic imagery and forgetting », in Psychonomic Science, n°23, 1971

[illustration : From a series of almost 100 vintage « brain maps » as created by one Dr. Alesha Sivartha in the late 1800’s]

Compte-rendu du Colloque international « Cinquante ans d’histoire du livre », 11-13 décembre 2008

« Cinquante ans d’Histoire du livre. De l’Apparition du livre (1958) à 2008 : bilan et perspectives d’une discipline scientifique » est un colloque international qui a eu lieu à Lyon-Villeurbanne du 11 au 13 décembre 2008, conjointement organisé par l’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (ENSSIB), la Bibliothèque municipale de Lyon et l’Ecole pratique des hautes études (EPHE). Ce colloque se veut un hommage à Lucien Febvre et à Henri-Jean Martin, créateurs, avec leur ouvrage fondateur L’Apparition du livre en 1958, de l’ « école de l’histoire du livre ».

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La première demi-journée fut placée sous le signe de cet « héritage de 1958 », un retour aux sources pour mieux visualiser le chemin parcouru : l’introduction historique par Dominique Varry (1) et Frédéric Barbier (2) a posé les jalons de l’histoire de cet ouvrage qui parle lui-même de l’histoire du livre. Jean-Dominique Mellot (3) a poursuivi le récit en présentant le « moment historiographique » qui sépare la parution de ce premier ouvrage de H-J Martin et L. Febvre d’un second, tout aussi fondamental, rédigé par H-J Martin trente ans plus tard : Histoire et Pouvoirs de l’écrit, en 1988. Henri-Jean Martin, avec cet ouvrage, passe de l’étude du livre à celle de l’écrit, et en étudie non seulement la matérialité et les usages mais également les effets sur les sociétés, ce qui est nouveau. Valérie Tesnière (4), quant à elle, a présenté une étude débutant « en amont » par le contexte scientifique dans lequel  H-J Martin et Febvre ont évolué dans les années trente (XXe siècle), puis présentant l’apport mutuel, en dialogue, de ces visées novatrices qui ont abouti dans leur collaboration, jusqu’à la rédaction, par Henri-Jean Martin seul, de la dernière partie de l’ouvrage intitulée « le livre, ce ferment », qui dégage la voie à la future ouverture pluridisciplinaire des années 1970. L’intervention d’Elmar Mittler (5) a clôturé en toute logique cette première après-midi par la présentation du CERL (Consortium of European Research Libraries), fondé en 1984 par douze grandes bibliothèques européennes pour lutter contre la dispersion de l’héritage livresque européen et voué aujourd’hui à mutualiser les ressources de la recherche sur le livre.

La deuxième demi-journée a pour titre l’un des chapitres de L’Apparition du livre : « le livre, cette marchandise » : de la commercialisation du livre au XVIIIe siècle, présentée par Sabine Juratic (6) dans un exposé détaillé présentant le basculement d’une phase stable à une phase de développement au tournant de 1760, et ce de par la prolifération des ateliers typographiques, on s’est ensuite penché sur la particularité de l’histoire des techniques, issue de l’histoire de l’imprimé grâce à l’intervention d’Alan Marshall (7) ; la révolution numérique s’inscrit dans une trajectoire technologique, celle de la dématérialisation des techniques et des produits graphiques : elle est un processus global. Il s’agit donc d’approfondir nos connaissances de l’évolution de la dématérialisation, et analyser les rapprochements (jusqu’à l’effacement des frontières) avec les médias numériques. Ce fut au tour de Tanguy Habrand (8) de prendre la parole, tout d’abord pour lire la communication de Pascal Durand (8) intitulée « Apparitions, Disparitions. Esquisse en vue d’une histoire des pratiques d’édition en Belgique » et qui retrace les grandes lignes de l’édition belge, puis la sienne qui poursuit la précédente en présentant « les mutations récentes du champ éditorial belge » : d’une édition belge bégayante, présentée par Pascal Durand comme une succession de naissances et de fins au fil des conjonctures socio-économiques et politiques, et très marquée par un âge d’or de la contrefaçon qui a développé dans les esprits un « habitus techniciste », on peut remarquer une véritable accélération ces trente dernières années et un marché florissant bien qu’encore fragile.

La troisième demi-journée était consacré au « livre comme objet matériel » : il s’agissait, tout d’abord, de faire le point sur la science qui l’étudie comme tel, la bibliographie matérielle, et c’est non sans un grand nombre de références, en majeure partie anglo-saxonnes, que Dominique Varry (1) a présenté « la renaissance d[e cette] discipline » née au tournant du XIXe siècle. Tout aussi nombreuses et passionnantes furent les références bibliographiques choisies par Laurent Pinon (9) pour parler de « la difficile mise en livre des textes scientifiques » : l’exemple de Tycho Brahé est tout à fait significatif dans la mesure où cet astronome avait décidé de se retirer sur l’île d’Uraniborg pour s’autoéditer…opération qui a démontré les grandes difficultés que pose l’édition d’ouvrage à contenu scientifique (résolues par le numérique ?) : budget, mise à jour constante, illustrations, typographies, format, mise en page…le livre ne se réduit pas à un texte et c’est pourquoi Michel Melot (10) a consacré son intervention à « l’histoire du livre et l’histoire de l’image » : autrefois perçue comme un corps étranger au livre, l’image fut sortie de son carcan par Henri-Jean Martin. Désormais, le texte est vu comme une image. L’image est codée, tout comme le texte. En d’autres termes, la lettre est un code de transcription ; la lettre est elle-même une image ; l’image elle aussi est un code. Tout est lié. La table-ronde qui a suivi réunissait trois penseurs du « document à l’ère du numérique » : Jean-Michel Salaün (11), Yannick Maignien (12) et Alain Pierrot (13). Rebaptisée « la redocumentarisation », cette communication à trois voix présentait en premier lieu (JMS) une définition de ce terme, notamment par le passage d’une première documentarisation = classification / indexation / langage documentaire à la redocumentarisation = web / web sémantique / ontologies ; cette redocumentarisation, qui passe par la numérisation, n’est pas sans soulever de nombreuses questions : pour A. Pierrot, dès qu’on change de lecteur / média / support, on est face à un nouveau document. Y. Maignien va jusqu’à invoquer la dédocumentarisation pour parler de la forte intrusion du numérique. Il s’agit de redocumenter pour rendre lisibles à nouveau ces données. Le numérique est une force de dispersion qu’il faut savoir retourner pour au contraire la faire converger : en réponse à la dédocumentarisation, la mutualisation.

La quatrième demi-journée, dont le thème général était « le livre, ce ferment », fut une invitation au voyage, et surtout à la mutualisation de la recherche scientifique : concernant « le livre dans l’antiquité gréco-romaine », Christian Jacob (14) a présenté les étapes successives de la notion de livre dans l’antiquité, et ce, par des modes de production/réception/circulation multiples. En quelques siècles on assiste à la naissance et au développement d’une culture, où l’écrit prend une place prépondérante jusqu’à la création de la bibliothèque d’Alexandrie. Ce fut au tour de Ludovica Braida (15) de nous présenter une « histoire des genres de large circulation et une histoire de la lecture en Italie ». Il est à noter que contrairement à la France, l’Italie ne suit pas une orientation méthodologique propre en matière d’histoire du livre ; trois spécialistes sont à connaître dans le domaine : Luigi Bassamo, Marino Berengo, et Armando Petrucci. Istvan Monok (16) a donné un aperçu de la recherche sur les « bibliothèques privées et la lecture à l’époque moderne » en Europe depuis la création du livre. Il existe des phénomènes de culture émettrice (qui diffuse des livres) et de culture réceptrice (qui en acquiert) : l’histoire des bibliothèques privées en Hongrie est marquée par la culture réceptrice, contrairement à l’Europe occidentale. Il s’agit donc de reconsidérer, au vu des résultats de la recherche, la notion d’ « espace culturel ». Frédéric Barbier (2) a, lui, démontré dans son exposé (« Du XVe au XXIe siècle : le monde du virtuel ») que le livre, dès l’invention de l’imprimé (à distinguer de l’invention de l’imprimerie), est un ferment, porteur de ces éléments novateurs tels que les étiquettes, les métadonnées, créées pour appréhender la masse d’information dès lors imprimée, et permettre l’interactivité du lecteur avec son support. On note donc que le rôle décisif du médium est repéré dès l’invention de l’imprimerie. La science du livre est la science des sciences, puisqu’elle permet de systématiser l’accès aux connaissances. Avec les « nouveaux médias », le caractère virtuel s’est généralisé…ce qui n’est pas sans dangers.

La cinquième et dernière demi-journée avait pour thème : « Nouvelles approches, nouveaux problèmes ». Que deviennent notamment la figure de l’auteur, la bibliothèque face aux évolutions ? A travers une « Anthropologie de l’auteur de la première modernité », Raphaële Mouren (17) s’est demandé pourquoi on écrit un livre à l’époque moderne et a fait émerger les notions de désauctorialisation, de co-auctorialité, et de décontextualisation de la textualité. Robert Damien (18) a évoqué l’œuvre de Gabriel Naudé, Bibliographie politique (1639), pour présenter les rapports entre la philosophie et les bibliothèques de la sphère politique. L’« Institution de la bibliothèque » possède donc un véritable rôle constitutif dans la raison d’Etat. Et dans son « Anthopologie de la bibliothèque », Anne-Marie Bertrand (19) a rappelé qu’il faut distinguer histoire du livre et histoire des bibliothèques, dans la mesure où l’histoire du livre est un segment scientifique et l’histoire des bibliothèques un objet de recherche scientifique. Anne-Marie Bertrand a également rappelé que de nos jours un certain nombre de questions se posent autours de la médiation en bibliothèque, de l’émergence d’un certain individualisme (l’usager, un client), et de la notion d’artefact (concevoir le texte comme un processus).

Le colloque s’est terminé par les conclusions de Roger Chartier (20), qui a proposé une synthèse des grandes réflexions qu’ont fait émerger les différents intervenants :

  • Situer l’histoire du livre dans l’ensemble des pratiques, de la production d’une culture écrite :

– Importance maintenue de la production manuscrite à l’âge de l’imprimé

– Imprimer sans rendre public / rendre public sans publier

– Effets du développement de l’imprimerie : développement de l’écriture manuscrite (invitation à l’interactivité dans les livres)

– Autre rapport entre culture écrite et publication de livres : le livre imprimé norme l’écriture manuscrite

– Dans des projets nouveaux, la catégorie de la culture écrite est plus importante que la notion-même d’histoire du livre.

  • De la circulation des textes imprimés :

Rassemblement : processus de réunion de textes dans une œuvre incarnée, un corpus. L’imprimé renforce l’idée de la matérialité d’un objet, son contenu, son nom propre (définition de Kant sur ce qu’est un livre).

– Fragmentation : à des fins didactique/pédagogique (du genre des « morceaux choisis » du XVIIIe siècle) ; mais aussi dans une volonté de conservation, crainte de l’excès, et crainte de la perte. On rêve du livre unique, le livre de tous les livres.

  • Matérialité et Mobilité des textes :

– Mobilité des textes : fixité/standardisation de l’imprimé. Tout accueil fait à une œuvre suppose des rééditions, des variations entre les exemplaires d’une même collection. Il s’agit de suivre l’appropriation d’une œuvre par des lecteurs différents.

– Matérialité des textes : se pose alors la question de l’articulation parole vive/écrit imprimé, suscitant des appropriations différentes. La matérialité du texte est l’attention portée aux modalités d’inscription sur la page, étudiée avec tant de soin par la bibliographie matérielle. Pour McKenzie par exemple, les sens dépendent des formes.

  • Evolution de l’histoire du livre :

– Intervention des « premiers lecteurs » : censeur, éditeur-libraire, correcteur, compositeur. Ces acteurs vont jouer un rôle primordial dans le façonnage du livre. Notion de dessein éditorial.

– Une certaine « frenchness » dans l’histoire du livre sur le plan socio-culturel où l’on établit une parenté entre histoire du livre et histoire des sciences (notamment avec le rapport texte-image, mais au-delà).

– Réflexion sur les nouveaux supports : constat d’une très longue durée de mutation (technique, morphologique, intellectuelle et culturelle), prise de conscience de lien entre ces types de mutation.

En guise de conclusion plus personnelle, il me semble que le colloque « Document numérique et société » (CNAM, 17-18 novembre 2008) complète parfaitement les questions qui ont été soulevées quant à l’avenir du document numérique.

 

Notes :

1. Dominique Varry : Enssib – Villeurbanne
2. Frédéric Barbier : Ecole pratique des hautes études IVe section – Paris
3. Jean-Dominique Mellot : Bibliothèque nationale de France – Paris
4. Valérie Tesnière : Inspection générale des bibliothèques – Paris
5. Elmar Mittler : Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek
6. Sabine Juratic : Institut d’histoire moderne et contemporaine (CNRS/ENS) – Paris
7. Alan Marshall : Directeur du Musée de l’imprimerie – Lyon
8. Tanguy Habrand et Pascal Durand : Université de Liège
9. Laurent Pinon : ENS – Paris
10. Michel Melot : Conservateur général honoraire des bibliothèques
11. Jean-Michel Salaün : EBSI Université de Montréal
12. Yannick Maignien : TGE ADONIS CNRS – Paris
13. Alain Pierrot : I2S – Pessac
14. Christian Jacob : Centre Louis Gernet/INHA – Paris
15. Ludovica Braida : Université de Milan
16. Istvan Monok : Directeur général de la Bibliothèque nationale de Hongrie – Budapest
17. Raphaële Mouren : Enssib
18. Robert Damien : Université de Paris X – Nanterre
19. Anne-Marie Bertrand : Directrice de l’Enssib
20. Roger Chartier : Collège de France – Paris

source image édito :
  1. Riccardo Cuppini, Cursed Book, Janvier 27, 2008, Flickr, http://www.flickr.com/photos/cuppini/2223744169/.

Pour une éducation à l’image par le Mind Mapping

La carte heuristique est à la fois écriture et dessin. La technique de sa création s’appuie autant sur l’image que sur l’écrit, et de la même manière que les mots-clés choisis servent à exprimer une idée, les images cherchent à éclairer le cheminement de la pensée, en en faisant émerger des points plus ou moins précis. Ainsi composée de mots-clés et d’images, la carte heuristique permet  une vision synoptique.  Il s’agit de noter de façon visuelle une réflexion en train de se faire. C’est pourquoi, dans sa définition d’une carte heuristique, David Touvet explique que notre cerveau fonctionne de manière associative : « l’information y est découpée et distribuée, et […] elle est associée à d’autres informations ». (1) Si cette pratique peut amener l’apprenant à développer sa maîtrise de l’information, il serait par conséquent intéressant, et même fort utile de mettre en place des dispositifs pédagogiques d’éducation à l’image qui utiliseraient la technique du Mind Mapping.

Après avoir défini le mot lui-même, on verra l’importance de l’image dans le processus de création d’un Mind Mapping ; dans un prochain billet, il s’agira de montrer l’intérêt pédagogique d’une formation au Mind Mapping dans l’éducation à l’image.

I. définition de l’image

Tout d’abord qu’entend-on par image ? Est-ce le mot le plus approprié dans le cas du Mind Mapping ? Le terme d’image sous-entend diverses significations qu’il convient tout d’abord de détailler :

Le mot français image vient du latin imago utilisé dans le sens de « portrait, simulacre, apparence, ombre, qui prend la place de… ». L’image n’est pas simplement visuelle. Elle peut être auditive, olfactive, verbale. Ou encore mentale – dans ce cas, le cerveau la reconstitue en traitant des informations visuelles, auditives, kinesthésiques. Elle peut également exprimer l’intime d’une chose.

Pour le Petit Robert de la langue française, une image est d’abord un reflet, c’est-à-dire la « reproduction inversée qu’une surface polie donne d’un objet qui s’y réfléchit » ; une image est aussi une « représentation d’un objet par les arts graphiques ou plastiques (dessin, figure) ou par la photographie » ; elle est aussi la « reproduction exacte ou la représentation analogique d’un être, d’une chose », ou « ce qui évoque une réalité en raison d’un rapport de similitude, d’analogie », ou une « comparaison, une métaphore » ; enfin une image est soit une « représentation mentale d’une perception ou impression antérieure », soit une « vision intérieure plus ou moins exacte d’un être ou d’une chose », soit un « produit de l’imagination », soit une « représentation qu’a le public ».

C’est Charles Sanders Peirce (1839-1914), l’un des principaux fondateurs de la science des signes avec le linguiste Ferdinand de Saussure, qui a défini ce que sont une icône, un indice, un symbole – même si tous trois sont des signes et même si une icône peut être également indice et symbole.

1°) une icône est un signe qui se réfère à l’objet qu’il dénote, simplement par la vertu des caractères qui lui sont propres et qu’il possède ; elle présente une certaine ressemblance avec l’objet auquel elle se réfère et qu’elle dénote : notre image dans un miroir, une carte géographique, une maquette de navire, le cri d’un oiseau, l’imitation d’un parfum de luxe.

2°) un indice est un signe qui renvoie à un objet qui l’affecte mais dont il n’est pas la réplique ; il suggère des rapports de cause à effet : la fumée d’une cheminée indiquant l’existence d’un feu, les empreintes de pas révélant la présence de quelqu’un.

3°) un symbole est un signe qui renvoie à un objet par association d’idées ; il est interprété comme se référant à l’objet : le vert pour la « protection de l’environnement », la balance pour la justice.

Il est donc plus opportun d’utiliser le terme générique « signe », même si, dans le cas du Mind Mapping et de l’art de la mémoire, certains signes sont aussi des indices  et parfois peuvent devenir des symboles.

II. Visualiser une idée : une histoire de l’image

Ces signes ont été utilisés depuis toujours pour visualiser les savoirs. On peut prendre pour illustration le dossier du magazine Sciences Humaines intitulé « Entre image et écriture : Le découverte des systèmes graphiques », qui présente un panorama clair et concis des différentes techniques de visualisation des idées, ainsi que des travaux de recherches qui ont été menés sur ce thème. (2)

L’image remplit au moins deux fonctions : l’une dans le processus de mémorisation, l’autre dans celui de la réflexion.

L’image comme support mémoriel se manifeste par la création de systèmes graphiques comme celui du topogramme, un aide-mémoire précieux pour les orateurs de l’antiquité : cette méthode consiste à transformer en images mentales les objets ou les personnages d’une liste et à les placer mentalement dans les lieux d’un itinéraire connu, par exemple les pièces d’une villa. Cette méthode a connu un grand succès jusqu’à la Renaissance. Mais le passage au scriptural / pictural est-il si éloigné de cette technique basée sur l’oral ? Si un changement s’est produit, ce n’est pas tant dans la volonté conservatrice d’un savoir que dans un nouveau rapport à la mémoire ainsi qu’au média utilisé. Comme l’explique Nicolas Journet, « le graphisme en général ne représente donc pas un stade primitif de l’écriture, mais une autre façon d’inscrire des récits, des paroles, des idées, des sensations sur un support durable et transmissible. » (3)

On peut également comprendre l’image comme support de réflexion. Par le choix de synthèsequ’elle impose, elle nécessite une compréhension de l’idée à « donner à voir », jusque dans la multitude de ses sens.Pour Jean-François Dortier, le mandala (dessin pris comme support de méditation chez les moines bouddhistes) « met en valeur des idées forces, permet de stocker sous forme d’un schéma simplifié des informations nombreuses et complexes, de les communiquer, etc. » (4) Il en va de même pour les images dans les cartes heuristiques : elles servent à évoquer un maximum d’idées à son auteur. Se pose alors le problème de l’aspect subjectif d’une carte heuristique, si le choix des mots, et des images, renvoie au système de penser d’un individu…A cette interrogation, Tony Buzan, psychologue anglais autoproclamé « créateur de la méthode du Mind Mapping » répond en expliquant que chaque branche se déploie en rameauxet en les formant surgissent de nouvelles idées. L’informatique a offert de nouveaux outils qui reprennent ces mêmes principes. Le processus de création est donc capital, à la fois comme trace mémorielle, mais aussi support de réflexion continue ; la réflexion, par ce processus, apparaît comme une poursuite de la mémoire, un prolongement. Pour illustrer cette idée il suffit de prendre en compte la linéarité temporelle de la création d’une carte, à partir d’une vidéo présentant la « méthode Buzan » :

Suite de l’article « pour une éducation à l’image par le Mind Mapping – possibilités d’enseignement » à paraître…

Notes :

1 : David Touvet, « Mind Mapping, définition des cartes heuristiques » [en ligne] article publié le 17.01.06

2 : Sciences Humaines, « Entre image et écriture : Le découverte des systèmes graphiques » dossier coordonné par Nicolas Journet et Régis Meyran ; Les Grands Dossiers, trimestriel n°11, juin-juillet-août 2008

3 : « Quand l’image parle », article de Nicolas Journet pour le numéro spécial de Sciences Humaines sus-cité.

4 : « Dessine-moi une idée… Du mandala aux cartes sémantiques », article de Jean-François Dortier pour le numéro spécial de Sciences Humaines sus-cité.

Intérêt pour le professeur documentaliste de la carte conceptuelle lors de la veille – II. en tant qu’enseignant

Une utilisation efficace de la technique du Mind Mapping, lors de la veille, peut permettre à l’enseignant qu’est le professeur documentaliste d’optimiser son enseignement et d’initier les élèves à cette prise de notes, active et personnelle :

Tout d’abord qu’entend-on par utilisation efficace ? Et qu’est-ce qu’une « bonne » pratique du Mind Mapping ?
La cartographie conceptuelle possède comme avantage majeur une grande flexibilité : il n’existe pas de carte modèle, chacune est unique et se fonde sur le raisonnement d’un individu et sur ses connaissances propres. D’autre part elle permet, comme nous l’avons vu dans la première partie de cette réflexion, de mettre à plat, et de connecter entre elles des idées issues d’une séance de brainstorming.

Ainsi, la mise en place d’une veille, effectuée avec des élèves (sur la base d’une recherche documentaire, d’un Travail Personnel Encadré par exemple), peut s’appuyer sur une pratique pédagogique utilisant ces deux aspects fondamentaux du Mind Mapping.
On peut imaginer le scénario pédagogique suivant : dans le cadre des TPE, le professeur documentaliste et l’enseignant de discipline interviennent conjointement lors de la première séance qui vise à lancer le projet et surtout à mobiliser des idées sur les thèmes de recherche par les techniques de questionnement du sujet. Le schéma de questionnement, qui est la production traditionnellement attendue [1], peut se faire sous forme de carte conceptuelle. Le résultat n’en sera que plus personnel et mémorisable par l’élève : la forme dessinée de la carte, le choix des couleurs et des symboles permettent une bonne mémorisation grâce à la mémoire visuelle, et par là une plus grande appropriation des idées interconnectées, et ce tout au long de son travail.
Lors de la seconde séance, visant à cerner le sujet par des mots-clefs, recueillir des données et sélectionner des ressources documentaires pertinentes, le travail peut également aboutir à la production de cartes conceptuelles. La première carte peut être « prolongée » par de nouvelles arborescences, ou une nouvelle carte peut être élaborée. Cette fois-ci, on demande de la part de l’élève davantage d’autonomie, puisque la carte n’est plus issue d’un brainstorming collectif ; néanmoins le professeur documentaliste est toujours là si l’élève bute sur une difficulté.

Bien entendu le travail ne se limite pas à la conception d’une carte, il n’est qu’une étape préliminaire à la recherche documentaire, mais par son intérêt pour la veille, il peut être un excellent outil de conceptualisation du travail, qui a toute sa place dans un carnet de bord de TPE.
A l’heure de la didactisation des savoirs info-documentaires [2], il s’agit d’utiliser des outils attractifs et efficaces. L’usage du Mind Mapping, fort de sa flexibilité, de sa bonne visualisation et par là-même de sa bonne mémorisation, peut s’avérer très enrichissant pour la veille. La pratique du Mind Mapping est à la portée de chacun : elle ne nécessite pas obligatoirement l’utilisation d’un logiciel et sa création se base sur la réflexion propre à chacun. Ainsi, le professeur documentaliste forme les élèves à la recherche documentaire et leur apprend simultanément un mode de questionnement qui pourra leur servir tout au long de leur scolarité.

NOTES :

[1] elle est par exemple mentionnée dans « Travaux croisés, personnels, encadrés… et les autres », un document élaboré par la Fadben pour la revue Mediadoc de septembre 2000 et sur lequel le présent scénario se base.

[2] cf. “les savoirs scolaires en information-documentation” par I. Ballarini-Santonocito, A. Serres, P. Duplessis. Fadben 2007

[photo : « impossible colors » par edo40ode. URL (FlickR) : http://www.flickr.com/photos/27986036@N00/192579706/in/set-72157600339084174/]

Intérêt pour le professeur documentaliste de la carte conceptuelle lors de la veille – I. en tant que documentaliste

La veille suscite l’intérêt pour la veille.

Tout est parti de La Bibliothèque numérique de l’Enssib, qui propose le flux rss de ses nouvelles acquisitions, et parmi les plus récentes, un chapitre du prochain ouvrage collectif (prévu pour septembre 2008 aux éditions Hermès) coordonné par Jérôme Dinet, intitulé « Usages, usagers et compétences informationnelles au XXIème siècle ». Ce chapitre, qui nous est offert en avant-première par l’Enssib, s’intitule « Veille et nouveaux outils d’information » et a été écrit par Elisabeth Noël. Ainsi c’est à la lecture de ce document que j’ai réalisé l’intérêt véritable de la carte conceptuelle dans la démarche de veille.

Elisabeth Noël est l’auteur d’articles fort intéressants sur le web et l’information literacy, comme par exemple Les outils de traitement et d’exploitation de l’information : un préambule, qui est également consultable sur le site de la Bibliothèque numérique de l’Enssib. Dans « Veille et nouveaux outils d’information », elle évoque justement le Mind Mapping : les cartes heuristiques sont décrites comme des outils très utiles, dans la mesure où elles « permettent de noter des relations, d’associer des concepts ». Leur utilité est présentée comme particulièrement grande dans la première phase du cycle de la veille, la « phase amont », également appelée phase de ciblage , correspondant à une « définition précise du sujet de la veille : après avoir défini le domaine et les axes de recherche sur lesquels la veille doit être menée (aspects financiers, juridiques, techniques…) ; il s’agit de choisir les mots-clés pertinents qui en permettront la surveillance, mais aussi les sources à observer […], tout cela en fonction des objectifs précis associés à la veille ».

Il me semble alors tout à fait intéressant d’imaginer une démarche semblable en tant que professeur-documentaliste, tant pour le travail de « professeur » que celui de « documentaliste ».

Nous allons voir son intérêt pour le « documentaliste », et celui pour le « professeur » sera abordé dans le prochain article.

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En tant que « documentaliste », c’est-à-dire en tant que gestionnaire d’un centre de ressources à adapter au public qui le fréquente, aux programmes et thème de recherche de l’année, mais aussi à renouveler en fonction de l’actualité : la veille basée sur le Mind Mapping (de nombreux logiciels, dont certains sont utilisables directement en ligne, ne nécessitant aucun téléchargement, sont disponibles sur internet) permet la constitution d’un document, d’une carte réunissant et classant les thématiques de veille et affinant les domaines de veille au fil des ramifications ; cette « mise à plat » permet une bonne visualisation générale, et pour favoriser cette clarté et cette visibilité des idées, les logiciels proposent généralement le choix des couleurs pour chaque ramification, l’ajout d’icônes, l’insertion de liens hypertextes voire d’éléments multimédias.

Ce travail de veille peut donc s’avérer très utile pour la gestion du cdi, et le professeur-documentaliste peut également proposer à ses collègues de mettre ses compétences à leur service en leur proposant un outil de veille sur leur discipline. La constitution d’une carte conceptuelle en ligne permettant de cibler les besoins peut alors être envisagée de manière collaborative.

Suite de l’article : « Intérêt pour le professeur documentaliste de la carte conceptuelle lors de la veille – II : en tant que professeur » à paraître…

[illustration : image publique FlickR – auteur : k0a1a.net]

Exploiter le Mind Mapping en classe : un exemple en Finlande

Présentation de l’outil Mind Map comme technique d’enseignement à part entière, dans une école de Finlande. Comme le rappelle le début du reportage, la Finlande est le pays où le niveau scolaire des élèves est le plus élevé, selon une étude comparative réalisée dans 41 pays. Le Mind Mapping, ou carte mentale, explique le journaliste, montre aux enfants comment apprendre par soi-même. Tandis que dans le système français on commence par recopier le cours dicté, puis on le mémorise, en Finlande c’est lors de la prise de note que la réflexion personnelle de l’élève est suscitée : le travail d’appropriation et de mémorisation se fait en amont et directement en classe, et le professeur peut s’assurer instantanément que tout est bien compris.

On pourrait d’ailleurs imaginer ce scénario sans la présence du professeur : ainsi, lors d’une recherche au cdi, une restitution demandée sous forme de carte heuristique ne serait-elle pas un excellent moyen d’éviter le copier-coller(-voler) qui pose souvent problème ? Par exemple, au lieu de copier tout un paragraphe, l’élève doit en tirer l’idée principale, l’insérer judicieusement dans son arborescence et peut alors mettre l’article en hyperlien. Le travail de structuration de son exposé, effectué en amont, aura nécessité d’une part une véritable lecture de ses documents-ressources (lecture active à la recherche des idées principales), d’autre part une reformulation en mots-clés, enfin un effort de logique quant à la mise en place de ses idées-clés dans son arborescence.

Le travail scolaire au moyen de cartes heuristiques est encore peu développé (car peu maîtrisé par les enseignants eux-mêmes…à quand une formation des maîtres en IUFM ?), mais est promis à un bel avenir. Grâce à cette technique de prise de notes, où les élèves mettent en valeur des idées et peuvent les articuler entre elles, leur travail est le reflet de leur propre pensée. Le savoir-apprendre est aussi important que le savoir : on apprend véritablement à penser par soi-même.

Carto 2.0, la cartographie en colloque.

Signalés via liste de diffusion par Richard Peirano, les actes du colloque Carto 2.0, journée dédiée à la cartographie de l’information et au Mindmapping qui a eu lieu le 3 avril 2008, sont en ligne !
Face à la quantité d’information sans cesse croissante que les organisations sont contraintes de gérer, leur mise en scène au travers de représentations graphiques permet de mieux les appréhender et les valoriser. Intelligence économique, gestion des connaissances, apprentissage, réseaux sociaux, aide à la décision sont autant de domaines où la cartographie de l’information est de plus en plus populaire car elle permet en amont d’organiser et d’appréhender des données, puis en aval d’évaluer et de communiquer les résultats obtenus. Cette journée fut donc l’occasion de mettre en valeur le rôle majeur que peux jouer la cartographie (cartographie heuristique, cartographie mentale, cartographie conceptuelle, cartographie des connaissances etc.) dans nos sociétés dites de l’information…mais nous allons voir que ces constructions cartographiques ne résultent pas d’une invention récente.
Je vous invite par là-même à visiter Serial Mapper, le blog de Claude Aschenbrenner, membre du Conseil scientifique et pédagogique du MS. ISTE (Mastère en Intelligence Scientifique, Technique et Economique) et architecte en système d’information. J’ai particulièrement apprécié son intervention lors du colloque (« Cartographie de l’information : les meilleurs pratiques du XIIeme siècle au Web 2.0 », page 148), en ce sens qu’elle démontre que le Mindmapping, sous ses abords techno-modernistes liés à l’informatique et au Web 2.0, repose sur une conception mentale bien évidemment plus ancienne. La preuve par l’image : Claude Aschenbrenner met en regard, par exemple, la Carte des communautés en ligne, une cartographie fort récente donc…avec la Carte de Tendre, cartographie du parcours de l’Amant du XVIIe, réalisée en 1654 !

map of online communitiescarte

J’ai trouvé par conséquent le point de vue de Claude Aschenbrenner particulièrement intéressant. C’est pour ma part la première fois que je découvre une telle approche, mettant en valeur la relation intrinsèque entre conceptions mentales du passé et d’aujourd’hui.