Présence numérique, la tête dans le nuage

Nuage, mon beau nuage, dis-moi si je suis la plus belle… Pour avoir expérimenté GoogleMii j’ai supposé que cela pouvait faire l’objet d’un scénario pédagogique dans le prolongement des situations-problèmes dont l’objectif est d’anticiper sa traçabilité. Je ne développerai donc pas ici une fiche de préparation pour laquelle on se reportera au lien ci-dessus.

L’intérêt à aborder l’identité numérique sous la forme d’un nuage de tags tient, à mon sens, à la dimension visuelle quasi concrète qu’elle apporte à des élèves qui peuvent être déstabilisés  par une approche trop théorique, non figurative, selon le média. Ce nuage de tags peut se lire telle une peinture dont les coups de pinceaux forment un portrait avec ses traits saillants, ses nuances et ses détails.  Nous ne sommes sans doute là pas trop éloignés de la didactique des arts plastiques lorsqu’il s’agit d’étudier la composition d’un tableau.

Blanche Neige et les sept nains Creative Commons License photo credit : Edokhan
Blanche Neige et les sept nains Creative Commons License photo credit : Edokhan

Au premier plan viennent les évidences lorsqu’il s’agit pour l’élève d’identifier des tags (noms propres ou noms communs) en lien direct avec leurs centres d’intérêt ou leurs activités. Puis le ou les plans intermédiaires et le fond du tableau selon que ces tags deviennent de moins en moins équivoques pour n’être plus que des mots tout à fait décontextualisés. Cette approche peut, en outre, faire l’objet d’une mise en perspective avec la notion d’hypermnésie du web et introduire, éventuellement, selon le niveau des élèves, la question de la conservation des données.

La situation-problème est pertinente à ce niveau où les élèves sont invités à formuler des hypothèses sur ce qui détermine la composition du portrait (ici le nuage de tags) et-ou le procédé technologique (cookies, occurrence,…) mis en œuvre dans la sélection des tags. Ce peut être, par ailleurs, une situation propice pour (dé)montrer aux élèves, qu’à cette heure tout du moins, le référencement est effectué par des machines pour lesquelles les mots n’ont pas de sens. Donc que l’intelligence dans l’exécution de la tâche est d’abord humaine, ce dont les élèves doivent prendre progressivement conscience pour réellement maîtriser les outils.

Il reste que, Dormeur, Simplet, Grincheux ou encore Joyeux, nos élèves ne sont des nains qu’assis sur des épaules de géants; nous, leurs professeurs, et que je m’interroge sur le bien fondé d’une recherche qui les concerne directement, dans leur intimité. Si elle ne l’est pas, cette question est sans doute à trancher et le choix d’une individualité plus neutre, pour exemple de nuage de tags, reste possible.

Transposer le concept de copy party à l’école

Idée originale… et audacieuse, si il en est, le lycée Rabelais reprend le concept de copy party, organisée une première fois à la bibliothèque universitaire de La Roche sur Yon par Lionel Maurel, Silvère Mercier et Olivier Ertzscheid. Je n’insisterai dans cet article ni sur ce qu’est une copy party, vous trouverez tous les détails ici ou ici, ni sur l’importance de cette démarche, vous en comprendrez les raisons . Je me propose plutôt d’insister sur l’intérêt à transposer ce concept dans les CDI des établissements scolaires du second degré. Sans doute plutôt en lycée, il est vrai,tant les notions abordées par les élèves peuvent être complexes.

cc-by-sa Creative Commons License photo credit Ewa Rozkosz
cc-by-sa Creative Commons License photo credit Ewa Rozkosz

 

Avant d’aborder sa mise en œuvre, l’organisation d’une copy party suppose, au niveau des contenus, une approche épistémologique dans le domaine des Sciences de l’information et de la communication (SIC), ainsi qu’une phase de transposition didactique. En l’occurrence, au regard des textes réglementaires en application (en particulier l’article L 122-5 du Code de la Propriété intellectuelle), les questions relatives au droit d’auteur et au droit de l’image auront probablement une place centrale. Mais elles peuvent aussi être envisagées sous l’angle du type de documents concernés (cas particulier des logiciels) ; en fonction des conditions d’utilisation du matériel de copie ; ou encore au regard des « enclosures » (DRM…) ; et selon une dimension plus réflexive liée aux conditions d’accès aux connaissances (avec un prolongement possible vers les « Communs »), ou à la question de la lecture numérique.

Nous savons, à ce jour, que des élèves de seconde travailleront sur ce projet dans le cadre de l’option « littérature et société ». Il est aussi possible que des élèves de première, en philosophie, soient concernés. Ce qui suppose un travail sur les contenus, selon le niveau des élèves, donc une forme de transposition didactique simplifiée. Par ailleurs, d’un point de vue pédagogique, compte tenu de la nature du dispositif, la pédagogie de projet semble tout indiquée. Elle apporte du moins des conditions suffisamment souples pour ajuster la mise en œuvre de la copy party selon les objectifs et l’échéance… courant décembre.

D’ici là du travail en perspective donc, avec la volonté de préparer nos élèves à relever les enjeux sociaux et politiques inhérents à la question de la copie, car, au delà de la simple reproduction des documents, la copy party constitue un moment privilégié de réflexion sur le numérique, d’émancipation culturelle et de partage des connaissances.

[MàJ : pour en savoir plus sur la Copy party qui s’est déroulée au lycée Rabelais]

 

« Publier sur le Web » : retour d’expérience

Comme annoncé ici je me livre, en cette fin d’année, à un compte rendu de la séquence « Publier sur le web« . En forme d’avant propos il me faut préciser que pour des raisons d’emploi du temps je n’ai pas pu voir autant d’élèves qu’envisagé au départ. Ainsi seuls 4 des 5 groupes d’AP ont suivi la séquence pour un total de 70 élèves.

Y a-t-il une vie après « Facebook » ?

Premier élément significatif, à la question « qu’évoque pour vous publier sur le web ? » les élèves répondent à chaque fois « Facebook ». Ce qui ne surprendra sans doute personne. En revanche, plus curieux, au delà de cette première proposition, il semble falloir leur en suggérer d’autres pour que viennent « Youtube », les blogs ou, plus encore, le droit de l’image par exemple. Si le panel d’élèves n’est pas suffisamment représentatif pour pouvoir être systématique, le temps d’échange avec les élèves, lors du bilan d’activité, apporte un début d’explication.

Il apparaît que les élèves n’ont pas de lecture structurée de ce que sont les réseaux sociaux numériques. Ils utilisent « Facebook » sans faire de distinction entre Internet et le Web, ni différencier la marque de la plateforme. Par ailleurs, bien qu’ils puissent en connaître l’existence, ils éludent complètement les notions (droit d’auteur, identité numérique, …). Aussi il me semble plus que pertinent d’apporter aux élèves des connaissances qui leur permettent d’avoir une conception globale de l’écosystème numérique.

Pour terminer sur ce point je vous invite à prendre le temps de cette vidéo qui aborde les usages des TIC par les lycéens. C’est là une excellente synthèse sur les questions qui, professeurs documentalistes et enseignants-chercheurs, nous occupent.

Y a-t-il des sources après « Wikipédia » ?

Il se trouve en réalité qu’il y a des sources avant « Wikipédia »…, du moins lorsque les élèves utilisent l’objet info-documentaire qu’ils ont à traiter. Dans ce cas ils organisent, a priori, leur présentation selon leur expérience. C’est l’une des deux stratégies observées, la seconde conduisant les élèves directement vers « Wikipédia ». Ensuite, dans les deux cas, les élèves étendent leurs recherches à d’autres sites. L’objectif revient alors à combler les manques, ce qui se fait encore trop souvent aux dépens de l’évaluation des sites. Si dans l’esprit de l’élève le résultat prime sur la méthode, il ne doit pas en être de même dans celui du professeur. Ce qui suppose un travail de longue haleine…

Objectif d’apprentissage inspiré de « Wikipédia » la contribution des élèves à la rédaction du Pad est satisfaisante. Ils se sont vite pris au jeu et sont allés avec intérêt lire les productions des autres groupes. En revanche, souvent par respect ou intimidation, ils sont peu intervenus sur les apports antérieurs de leurs camarades et ont plutôt procédé par ajouts que par corrections. De fait le Pad tient moins d’une mosaïque de couleur que d’une succession de blocs qui sont autant de points abordés par les différents groupes intervenus sur un même sujet.

Nieuwe Media Cultuur in Nederland krant Creative Commons License photo credit : Anne Helmond
Nieuwe Media Cultuur in Nederland krant Creative Commons License photo credit : Anne Helmond

Y a-t-il une vie après le copier-coller ?

Les élèves avaient la possibilité de passer par une phase de copier-coller avec pour consigne de réécrire leur production. La part du copier-coller reste malgré tout importante, bien que l’on puisse observer, dans la présentation, une forme de réappropriation des contenus extraits de la source initiale. C’est par exemple le cas pour « Youtube » dont le sommaire, issu de « Wikipédia », a été modifié pour ne conserver, selon les élèves, que les éléments jugés les plus pertinents.

Compte tenu du déroulement de l’activité, j’apporte à cela 3 raisons. Tout d’abord, comme précisé précédemment, les élèves ont peu retouché ce qui avait été fait antérieurement. Ceci étant, des pans entiers de présentation sont restés en l’état, comportant de larges extraits de copier-coller n’ayant pas été réécrits. Par ailleurs, il semble que des passages jugés importants ont pu être copié sans que le contenu ne soit compris par les élèves. De sorte qu’ils se sont trouvés en difficulté pour ensuite les réécrire. Enfin, certains élèves ont estimé ne pas être en mesure de pouvoir mieux écrire ce qu’ils avaient trouvés.

Il apparaît, a posteriori, qu’au delà d’interventions ponctuelles et d’une remédiation programmée lors de la dernière séance, il faille envisager plus tôt dans la séquence une évaluation de la compréhension globale qu’ont les élèves de leur sujet. Par ailleurs, alors qu’aucune consigne ne portait sur la partie tchat du Pad, il serait vraisemblablement opportun de donner pour consigne aux élèves de l’utiliser pour formuler au groupe des demandes qui concernent des difficultés qu’ils peuvent rencontrer.

En guise de conclusion

En amont des réseaux sociaux numériques, la méconnaissance de ce que sont Internet et le Web, ainsi que des notions qui peuvent y être associées, constitue une lacune pour des élèves qui n’ont pas une lecture structurée d’un environnement dans lequel ils peuvent, par ailleurs, évoluer avec une certaine aisance. Il me semble donc plus qu’urgent de prendre le temps d’aborder ces notions avec eux de sorte qu’au delà de leurs pratiques, dans une mise en perspective médiologique, ils aient une réelle culture technique, médiatique et documentaire.

Enseigner, ou l’art d’aimer. Fantaisie didactique.

Je me livre ici, en cette amorce de fin d’année scolaire, à une petite fantaisie sur ce qu’est, pour moi, enseigner. J’avoue, par ailleurs, chercher à démontrer que les concepts les plus abstraits peuvent donner matière à s’en émouvoir dès lors que l’on s’emploie à les détourner agréablement. Aussi j’espère que Jean Houssaye et Philippe Meirieu ne m’en voudront pas pour cette inspiration iconoclaste. Mais le sujet est des plus sérieux et j’espère répondre à cette exigence de vérité, chère à Philippe Meirieu et en laquelle je crois. On se gardera ainsi, pour la prochaine fois, de me demander de dessiner un mouton.

Enseigner, ou l'art d'aimer. Fantaisie didactique
Enseigner, ou l’art d’aimer. Fantaisie didactique

Les réseaux sociaux numériques, nouvel âge de la polis ?

Troisième volet d’une progression sur le thème des réseaux sociaux numériques, cette séquence est envisagée pour des élèves de terminale. Elle fait suite, en seconde, à la séquence « De l’évaluation à la sélection de l’information » sur les bases remaniées du projet « Historiae », imaginé par Olivier Le Deuff. Puis, en première, à un temps d’apprentissage et de réflexion dédié à l’acquisition de savoirs relatifs aux médias, en tant que dispositifs sociotechniques, à partir de l’exemple des grandes firmes du numériques qui composent le GAFA (séquence en cours de réalisation).

La réalisation de cette séquence résulte de lectures croisées dont en particulier les travaux de Dominique Cardon[2] et Bernard Stiegler[3], mais aussi des ceux de Evelyne Broudoux (autoritativité), Olivier Le Deuff (convergence médiatique) et Olivier Ertzscheid (jardins fermés). L’occasion de rappeler ici l’attachement qui est le mien à m’inspirer de la recherche pour en transposer dans mes cours, lorsque c’est possible, les concepts.

Agora – Creative Commons License photo credit: Fuzzy Gerdes

 

Le rapprochement entre les réseaux sociaux numériques (RSN) et la Grèce archaïque n’a rien de spontané. Pourtant, l’émergence de la polis antique coïncide avec l’apparition d’une vie politique originale fondée sur la parole (débat contradictoire argumenté) et la publicité des débats (divulgation). Dans ce contexte l’écriture devient le ferment d’une culture commune inédite où savoir devient la norme.

La similitude entre les Réseaux Sociaux Numériques et la polis tient de ce modèle de communauté de semblables, libres, tels qu’ont pu le souhaiter les pionniers du web. Cette « utopie » fondatrice ne va pas sans rappeler l’esprit des Lumières animé par Kant lorsqu’il appelle à la transparence dans son Projet de paix perpétuelle. Aspiration qui, reportée au web, trouve une résonance chez un Malesherbes qui considère les âges de l’oralité, de l’écrit et de l’impression. Ages qui, dans la continuité médiatique, sans nous attarder sur la « Galaxie Marconi », nous conduisent vers les potentialités du web2 en terme de publication.

Il ne s’agit plus désormais pour les citoyens que nous sommes d’être associés à la vie de la cité, mais de pouvoir assumer un acte de publication qui engage notre responsabilité dans ce qui est un prolongement de l’espace public. A cet effet, il nous apparait essentiel de développer chez les élèves des « pratiques numériques » conscientes qui les conduisent à se penser en tant qu’acteurs des réseaux sociaux numériques en ce qu’ils forment, potentiellement, un nouvel âge de la polis.

 

[1] Je remercie une nouvelle fois Angèle Stalder pour ses deux contributions qui, destinées à des élèves des lycées professionnels, peuvent être transposées au LGT.

[2] Cardon, Dominique, La démocratie internet. Promesses et limites, Seuil, La république des idées, 2010

[3] Stiegler, Bernard, Prendre soin (T1). De la jeunesse et des générations, Flammarion, La bibliothèque des savoirs, 2008

Comment exercer une présence numérique assumée?

Après la publication d’une séquence en classe de 2nde sur l’Identité numérique il y a quelques semaines, voici une séquence pour la classe de 1ère baccalauréat professionnel qui poursuit l’objectif annoncé :  faire acquérir aux élèves  la notion de  présence numérique. Alors qu’en 2nde l’objectif visé était les deux premiers degrés de la pyramide de Louise Merzeau, en 1ère c’est le haut de la pyramide qui est visé : exercer une présence numérique en déposant des traces d’expression de soi et en anticipant une traçabilité de son activité sur le Web.

En concevant cette séquence, j’ai eu aussi en tête un article d’O. Le Deuff intitulé Le ka documentarisé paru en 2008 et lu il y a quelques temps déjà.  Dans cet article, O. Le Deuff expose comme l’un des objectifs de la  culture informationnelle celui de  former  à la « conscience de ses activités numériques, à l’identification du besoin de communication et au bon usage communicationnel. »

Comment parvenir donc à la gestion de ce double numérique, ainsi nommé Ka, constitué d’une identité passive (la traçabilité aveugle évoquée par Louise Merzeau et vue en classe de 2nde selon la progression ici proposée) et d’une identité active (la traçabilité assumée ou habitée, analysée par Louise Merzeau) ?

Mon hypothèse pour tenter de transposer ces théories est d’apprendre aux élèves :

  • à réfléchir à la notion de profil sur un Réseau social numérique professionnel : une forme d’expression de soi,
  • à déposer des traces en vue d’interactions souhaitées en faisant vivre un compte sur un Réseau social numérique professionnel (pour des raisons évidentes de protection de la vie privée des élèves, le compte utilisé est un compte collectif fictif créé pour la situation pédagogique),
  • à prendre conscience des enjeux économiques et sociaux de cet objet numérique qu’est un Réseau social numérique professionnel.

Plus que jamais, la compétence mise en avant dans cette situation d’apprentissage est celle de publication. Lire et écrire dans le contexte du numérique font appel à de nouvelles compétences. Savoir publier est sans aucun doute  la plus importante parce qu’elle permet d’atteindre les 3R de la culture informationnelle ainsi décrite par Alexandre Serres : le R de Réaliser, le R de Réfléchir, et le R de Résister.

 

Écrire une expression de soi sur un réseau social numérique professionnel c’est

  • identifier un besoin de communication,
  • faire usage d’un outil du web choisi en toute connaissance de cause (économie, choix d’architecture et de design du dispositif socio-technique de communication, place sur le marché, etc.),
  •  anticiper la traçabilité de sa présence en déposant des traces assumées.

 

 

 

Wikipédia : une encyclopédie comme les autres ?

http://www.gettyimages.fr

Pour faire suite à la séance sur les encyclopédies collaboratives, voici une nouvelle séance sur Wikipédia réalisée avec des élèves de 5ème dans le cadre d’un IDD. Cette séance peut-être considérée comme un pré-requis au travail poursuivi ensuite en 4ème consistant à rédiger un article sur une encyclopédie collaborative en ligne Wikimini.

Ici, il s’agit de travailler avec les élèves sur l’exemple précis de Wikipédia et de s’interroger sur son fonctionnement, ses intérêts et ses limites pour permettre aux élèves de développer un regard critique sur cette source d’information tant utilisée.

Alors que la séance sur Wikimini insistait  sur la RÉALISATION, cette séance sur Wikipédia fait davantage appel à la RÉFLEXION des élèves quant au fonctionnement et aux enjeux d’une encyclopédie libre et collaborative.

Ces deux séances s’inscrivent donc dans une progression des apprentissages info-documentaires au collège dans le cadre d’IDD et se fonde sur la théorie des 3 « R » développée par Alexandre Serres.

 

La présence numérique : anticiper sa traçabilité

Inspirée de la séquence « Ma présence sur le Web : D’une identité numérique subie à une identité choisie » d’Angèle Stalder, cette séance d’une heure se veut être une alternative pour qui ne dispose pas de six heures pour traiter cette question. Conçue selon le principe d’une situation-problème, il s’agit d’aborder avec les élèves la notion de traces afférentes à nos activités sur le Web.

Japanese garden Artshooter

Les objectifs restent les mêmes, à savoir « aborder l’hypermnésie du Web » (traces intentionnelles ou pas),  « percevoir l’économie du Web » (profilage) et « développer une posture de prudence en publiant sur le Web ». Il va de soi que tel ou tel objectif sera privilégié selon la question-problème qui doit être adaptée au niveau des élèves. Pour reprendre les propositions d’Angèle Stalder, il doit pouvoir être proposé à des collégiens, à partir du cycle central, de formuler des hypothèses sur les propositions d’une célèbre librairie en ligne lorsque je m’y connecte, sur la localisation géographique proche de la ville où j’habite lors d’une requête météo ou encore sur les publicités qui me sont proposées et qui correspondent à des recherches récentes que j’ai pu faire. Exemples que l’on pourra éventuellement reprendre avec des lycéens mais auxquels il peut être préféré un questionnement sur les propositions de « Google » lorsque l’on commence à inscrire une requête dans le formulaire. Ou encore, pour aborder des réseaux familiers aux élèves, sur les « amis » que « Facebook » me propose et sur les suggestions que me fait « Twitter ».

La question-problème posée et les hypothèses d’explication formulées par les élèves, un second temps est consacré à la recherche de la réponse par les élèves réunis par groupe de deux. Afin de les guider, en particulier au collège, il peut être envisagé des ressources présélectionnées. A cet effet des sites comme celui de la CNIL ou Internet sans crainte proposent des contenus adaptés. En revanche les lycéens doivent pouvoir se passer de ces ressources, du moins dans un premier temps.

La phase de recherche terminée, les élèves sont rassemblés et les groupes (qui le souhaitent) présentent au reste de la classe leurs éléments de réponse qu’ils confrontent à l’hypothèse de départ. Il peut s’en suivre un échange avec les autres élèves, le but étant ici de travailler sur l’oral et la prise de parole argumentée. Pour terminer le professeur documentaliste, accompagné ou non d’un autre enseignant, apporte les compléments ou les rectifications au travail fourni par les élèves.

Au terme de cette séance l’évaluation peut donner lieu à une reformulation écrite sous la forme d’un questionnaire où seront confrontées les pratiques des élèves avant et après cette séance.  L’objectif étant ici, au delà du simple contrôle des acquis, de pousser les élèves à s’interroger sur leurs propres pratiques afin que commence à opérer, dans leur réflexion, une mise à distance.

De l’identité à la présence numérique

Quelles notions enseigner quand on enseigne l’identité numérique ? Comment faire pour, une fois le discours légitime des dangers d’Internet énoncé, aller au-delà et apprendre aux élèves à évoluer dans cet espace médiatique en exerçant une présence numérique assumée ? Comment conduire les élèves à l’acquisition d’une véritable culture informationnelle dont les objectifs sont de réussir à Réaliser, Réfléchir et Résister dans le contexte du numérique ?

La lecture des travaux de Louise Merzeau[1] a été pour moi éclairante. Avec le numérique, l’un des bouleversements majeurs à prendre en compte dans notre enseignement est la mémoire de nos activités sur le web et leurs enjeux sociétaux. Cette mémoire est une mémoire totale au point de pouvoir parler de l’hypermnésie du web. En effet, le web est devenu un vaste entrepôt de données dont beaucoup sont des données personnelles.

Toutes nos activités sur le web laissent  des traces, on parle aussi de traçabilité de l’individu qui est devenu une collection de traces. Certaines de ces traces sont intentionnelles (un mail, un commentaire, etc.), d’autres ne le sont pas. Elles sont techniques, automatiques (IP, cookies, navigation, requêtes) ou proviennent d’un tiers.

Par ailleurs, ces traces sont combinables par les grandes firmes : les données stockées, dupliquées, croisées par elles, forment alors des métadonnées qui permettent de profiler l’individu, on parle de redocumentarisation de l’individu.

Pour exemple, avec la géolocalisation :

  • les  données  sont la  longitude, la latitude, l’horaire et le nom du lieu
  • les métadonnées sont comportementales : quel lieu pour faire quoi ?

Autre exemple, celui  d’une recherche sur Google :

  • la donnée est la requête
  •  la métadonnée produite peut être, entre autres, l’historique de toutes les requêtes

Du fait de l’hypermnésie du web ci-dessus analysée, l’identité numérique doit se comprendre comme l’image de soi, l’expression de soi, qui intègre désormais tous les comportements, tous les usages du numérique qui sont enregistrés. Nous sommes « une collections de traces qu’on ne maîtrise pas », au grand regret de l’ancien président de la CNIL, M. Türk.

Dans ce contexte, il faut alors surveiller son identité, verrouiller la confidentialité des données. Ce que regrette Louise Merzeau qui déplore par ailleurs une dimension individualiste dans ce concept réducteur d’identité numérique, conduisant à une défense de soi, à une défense de la réputation de soi. Or, il faut aller au-delà de la surveillance de son identité numérique et exercer une présence numérique dans un espace public en se réappropriant ses traces. Il faut aller  vers une intelligence mémorielle, passer du stockable au mémorable, bref, anticiper sa traçabilité.

Le document ci-dessous permet de percevoir selon la nature des traces déposées le degré de traçabilité que l’on atteint, le plus haut degré à atteindre étant celui de la présence numérique lorsque nous parvenons à nous réapproprier les traces.

Avec l’autorisation de l’auteur qui mentionne à son tour la source d’origine qui l’a inspirée : Silvère Mercier « La pyramide d’un projet de médiation numérique » In Bibliossession accessible sur http://www.bibliobsession.net/2011/04/08/la-pyramide-dun-projet-de-mediation-numerique/ <consulté le 29/03/2012>).

 

La question qui se pose alors est comment mettre en œuvre des apprentissages pour exercer cette intelligence mémorielle ? Certainement cela doit-il passer par :

  •  la connaissance des outils : leur histoire, leurs usages, leur économie
  •  la connaissance  de leur fonctionnement pour savoir interpréter leurs résultats
  •  l’acquisition de compétences en matière de lecture et d’écriture de ces outils

A cette fin je teste cette année, dans le cadre des heures d’accompagnement personnalisé et des heures d’enseignement professionnel[2], une progression dans l’établissement où j’exerce depuis septembre, un lycée professionnel tertiaire. Cette première publication sur Cactus acide, qui en appellera une seconde dans quelques semaines, concerne une classe de 2nde avec la séquence « D’une identité numérique subie à une identité choisie » dont l’objectif est la  prise de conscience, par les élèves, des traçabilités aveugle et concédée ainsi que l’amorce d’une réflexion sur la posture à avoir quand on publie sur le web, quand on navigue sur le Web.

L’analyse des différents documents demandés pour l’évaluation, ainsi que les questionnements individuels lors des situations d’apprentissage montrent que les élèves ont bien pris conscience des traces de leurs activités sur Internet. Je regrette cependant que cette prise de conscience porte davantage sur les traces qu’ils publient que sur celles prises par les services du Web utilisés, ou laissées par leurs machines. Peut-être cela montre-t-il la nécessité d’enseigner davantage  les aspects technologiques de ces services en ligne pour parvenir à une véritable culture technique nécessaire à l’acquisition d’une culture informationnelle.

Ces deux séquences m’ont fait prendre conscience d’un autre objectif devenu important dans mes situations d’apprentissage : apprendre aux élèves le concept de publication dans le contexte du numérique, et son corollaire de notions afférentes (auteur, source, chaine éditoriale, économie de la publication, autoritativité, support-logiciel, propriété intellectuelle, etc.).


[1] Louise Merzeau est Maître de Conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense. On trouvera sur son site les axes de ses recherches, notamment l’axe « la question de la mémoire ». http://www.merzeau.net/index.html <consulté le 29/03/2012>. Le support de son intervention au 9e Congrès de la Fadben est en ligne à cette adresse http://www.slideshare.net/louisem/reconstruire-la-mmoire-de-nos-traces-numriques <consulté le 29/03/2012>.

[2] Pour chaque séquence je décris dans les documents joints les objectifs, le déroulement des séances, et les modalités d’évaluations auxquelles j’ai procédé à différents moments des situations pédagogiques construites. La séquence niveau 1ère est moins détaillée puisqu’en cours de réalisation. les éléments d’évaluation sont donc moins nombreux.

 

Les coulisses d’un Live Tweet. Quand des collégiens interviewent un journaliste réfugié politique.

  • Le projet
Depuis le début de l’année scolaire six élèves de 3ème du collège Matisse (76) participent à un atelier « tablettes tactiles » dont le point d’orgue va être la rencontre d’un journaliste réfugié politique.
A l’initiative du dispositif Sophie Bocquet, professeur documentaliste, et Nadya Benyounes, chargée de mission TUIC au CRDP de Haute Normandie, ont souhaité partager leur enthousiasme pour Twitter tout en cheminant aux côtés des élèves sur les réseaux sociaux. Retenu dans le cadre de l’opération « Renvoyé spécial », ce travail s’inscrit dans une perspective d’éducation aux médias, sous le nom [« Je m’informe et j’informe »](http://madmagz.com/fr/magazine/134116#/page/1).
Le projet mis en œuvre répond aux objectifs de la culture informationnelle dont on retrouve les 3R (réaliser, réfléchir et résister) d’Alexandre Serres. Ainsi au cours d’une année riche d’enseignement, les élèves vont pouvoir apprendre à se servir des tablettes pour découvrir Twitter dont l’utilisation est réglementée par une charte pour laquelle ils ont participé à la rédaction. L’utilisation de ce réseau social va leur permettre de communiquer avec le monde journalistique (création d’un réseau) et ainsi de se former sur ce métier et sur la liberté de la presse dans le monde grâce à des échanges riches.
Par ailleurs, en prévision de la venue du journaliste réfugié politique, ils se sont investis dans la préparation tant pour élaborer un dossier de presse sur leur invité que pour s’interroger sur la presse et la liberté d’expression, ou encore afin d’être prêts à assumer leur responsabilité d’ambassadeurs et de médiateurs techniques lors de l’interview.
Un jeu de l’interview auquel nous nous proposons qu’ils se prêtent afin qu’ils entrevoient cet aspect de leur travail.
  • La parole aux élèves
Cactus Acide : Quel est votre sentiment général sur ce projet ?
Stella :   Je suis très heureuse de participer à un projet de ce genre , c’est très instructif et enrichissant. On apprend différentes choses très intéressantes comme par exemple les différentes techniques d’interview .
Aïcha : Pour moi, j’aime beaucoup cette idée de faire découvrir aux élèves le fonctionnement d’une tablette tactile ainsi que de leur donner la possibilité de rencontrer quelques personnes afin de préparer la venue d’un journaliste réfugié politique.
Cactus acide : Avez-vous des réticences à aborder les réseaux sociaux à l’école ?
Stella : Non pas du tout , je vous avoue que cela ne nous dérange pas du tout . Je trouve ça plus intéressant car notre professeur Mme Bocquet  nous rappelle de faire attention.
Aïcha : Non.
Cactus acide : Que ressentez-vous à l’idée d’interviewer un journaliste réfugié politique ?
Stella : Je suis un peu inquiéte quand au comportement des autres élèves puisque les quatrièmes vont pouvoir parler à ce journaliste. Malheureusement ils ne comprennent pas tous l’importances des séquelles qui ont été causée à ce journaliste et par conséquent sa fragilité.
Aïcha : J’aime beaucoup cette idée, mais j’ai peur de ne pas savoir les questions à poser.
Cactus acide : Appréhendez-vous votre responsabilité d’ambassadeurs techniques ?
Stella : Non enfin peut-être un tout petit peu , il va falloir faire le compte rendu de tout ce qui va se passer sur twitter via les tablettes numériques.
Aïcha : Pas vraiment.
Cactus acide : Que pensez-vous de Twitter ?
Stella : Je ne connaissais pas twitter enfin je ne l’utilisais pas. Ce que j’en pense aujourd’hui , c’est qu’il peut être très utiles à des fins professionnels ou autres mais je ne compte pas me créer un compte dessus .
Aïcha : Je connaissais déjà twitter avant l’atelier tablette mais je ne l’utilisais pas beaucoup car ça ne me plaisais pas. Je trouve ce réseau social très utile pour l’atelier.
Cactus acide : Avez-vous ouvert un compte personnel et à quelles fins l’utilisent-ils ?
Stella : Moi , je n’ai pas de compte Twitter seulement un compte sur Facebook. Je l’utilise pour parler à mes amis , pour parfois exprimer ce que je ressens mais surtout pour parler à ma famille qui habite  loin de chez moi .
Aïcha : Avant l’atelier tablette j’avais déjà un compte twitter mais je n’y allais pas, je préfère facebook, au début je ne savais pas vraiment utiliser twitter mais maintenant oui. Twitter est très utile mais lorsqu’il sagit par exemple pour l’atelier, ou pour le travail.
Cactus acide : Pour conclure…
Stella : Participer à un projet de cette envergure est vraiment une chance et un plus pour moi .On peut utiliser les tablettes à des fins pédagogique ce que  j’avais du mal à envisager avant cet atelier. Nous allons  recevoir un réfugié politique et allons lui posés des questions sur sa vie dans son pays , ce qui l’a poussé à partir  etc…C’est dans ce but que nous avons été formé à la technique d’interview .
  • Pour suivre les élèves du collège Matisse sur Twitter @Matistweet (dépêchez vous, la rencontre avec le journaliste est pour bientôt).