Après quelques mois d’attente, aucun repreneur ne s’est décidé en ce qui concerne la possible reprise du projet historiae. Il s’agissait d’un blog basé sur des travaux d’élèves, visant à appliquer concrètement la didactique de l’information et la culture de l’information.
J’ai donc décidé de rapatrier tous les travaux sur cactus acide.
Les travaux d’élèves étant intégré à la partie journal des élèves, la partie méthodologie que j’avais rédigée pour l’occassion se retrouve dans la rubrique didactique.
Je ne peux que déplorer de devoir prendre cette décision mais visiblement, il est difficile de travailler sur des projets ambitieux dans l’Education Nationale.
De la même manière, je pense que le site lilit & circé va subir le même sort dans quelques jours.
La carte heuristique est à la fois écriture et dessin. La technique de sa création s’appuie autant sur l’image que sur l’écrit, et de la même manière que les mots-clés choisis servent à exprimer une idée, les images cherchent à éclairer le cheminement de la pensée, en en faisant émerger des points plus ou moins précis. Ainsi composée de mots-clés et d’images, la carte heuristique permet une vision synoptique. Il s’agit de noter de façon visuelle une réflexion en train de se faire. C’est pourquoi, dans sa définition d’une carte heuristique, David Touvet explique que notre cerveau fonctionne de manière associative : « l’information y est découpée et distribuée, et […] elle est associée à d’autres informations ». (1) Si cette pratique peut amener l’apprenant à développer sa maîtrise de l’information, il serait par conséquent intéressant, et même fort utile de mettre en place des dispositifs pédagogiques d’éducation à l’image qui utiliseraient la technique du Mind Mapping.
Après avoir défini le mot lui-même, on verra l’importance de l’image dans le processus de création d’un Mind Mapping ; dans un prochain billet, il s’agira de montrer l’intérêt pédagogique d’une formation au Mind Mapping dans l’éducation à l’image.
I. définition de l’image
Tout d’abord qu’entend-on par image ? Est-ce le mot le plus approprié dans le cas du Mind Mapping ? Le terme d’image sous-entend diverses significations qu’il convient tout d’abord de détailler :
Le mot français image vient du latin imago utilisé dans le sens de « portrait, simulacre, apparence, ombre, qui prend la place de… ». L’image n’est pas simplement visuelle. Elle peut être auditive, olfactive, verbale. Ou encore mentale – dans ce cas, le cerveau la reconstitue en traitant des informations visuelles, auditives, kinesthésiques. Elle peut également exprimer l’intime d’une chose.
Pour le Petit Robert de la langue française, une image est d’abord un reflet, c’est-à-dire la « reproduction inversée qu’une surface polie donne d’un objet qui s’y réfléchit » ; une image est aussi une « représentation d’un objet par les arts graphiques ou plastiques (dessin, figure) ou par la photographie » ; elle est aussi la « reproduction exacte ou la représentation analogique d’un être, d’une chose », ou « ce qui évoque une réalité en raison d’un rapport de similitude, d’analogie », ou une « comparaison, une métaphore » ; enfin une image est soit une « représentation mentale d’une perception ou impression antérieure », soit une « vision intérieure plus ou moins exacte d’un être ou d’une chose », soit un « produit de l’imagination », soit une « représentation qu’a le public ».
C’est Charles Sanders Peirce (1839-1914), l’un des principaux fondateurs de la science des signes avec le linguiste Ferdinand de Saussure, qui a défini ce que sont une icône, un indice, un symbole – même si tous trois sont des signes et même si une icône peut être également indice et symbole.
1°) une icône est un signe qui se réfère à l’objet qu’il dénote, simplement par la vertu des caractères qui lui sont propres et qu’il possède ; elle présente une certaine ressemblance avec l’objet auquel elle se réfère et qu’elle dénote : notre image dans un miroir, une carte géographique, une maquette de navire, le cri d’un oiseau, l’imitation d’un parfum de luxe.
2°) un indice est un signe qui renvoie à un objet qui l’affecte mais dont il n’est pas la réplique ; il suggère des rapports de cause à effet : la fumée d’une cheminée indiquant l’existence d’un feu, les empreintes de pas révélant la présence de quelqu’un.
3°) un symbole est un signe qui renvoie à un objet par association d’idées ; il est interprété comme se référant à l’objet : le vert pour la « protection de l’environnement », la balance pour la justice.
Il est donc plus opportun d’utiliser le terme générique « signe », même si, dans le cas du Mind Mapping et de l’art de la mémoire, certains signes sont aussi des indices et parfois peuvent devenir des symboles.
II. Visualiser une idée : une histoire de l’image
Ces signes ont été utilisés depuis toujours pour visualiser les savoirs. On peut prendre pour illustration le dossier du magazine Sciences Humaines intitulé « Entre image et écriture : Le découverte des systèmes graphiques », qui présente un panorama clair et concis des différentes techniques de visualisation des idées, ainsi que des travaux de recherches qui ont été menés sur ce thème. (2)
L’image remplit au moins deux fonctions : l’une dans le processus de mémorisation, l’autre dans celui de la réflexion.
L’image comme support mémoriel se manifeste par la création de systèmes graphiques comme celui du topogramme, un aide-mémoire précieux pour les orateurs de l’antiquité : cette méthode consiste à transformer en images mentales les objets ou les personnages d’une liste et à les placer mentalement dans les lieux d’un itinéraire connu, par exemple les pièces d’une villa. Cette méthode a connu un grand succès jusqu’à la Renaissance. Mais le passage au scriptural / pictural est-il si éloigné de cette technique basée sur l’oral ? Si un changement s’est produit, ce n’est pas tant dans la volonté conservatrice d’un savoir que dans un nouveau rapport à la mémoire ainsi qu’au média utilisé. Comme l’explique Nicolas Journet, « le graphisme en général ne représente donc pas un stade primitif de l’écriture, mais une autre façon d’inscrire des récits, des paroles, des idées, des sensations sur un support durable et transmissible. » (3)
On peut également comprendre l’image comme support de réflexion. Par le choix de synthèsequ’elle impose, elle nécessite une compréhension de l’idée à « donner à voir », jusque dans la multitude de ses sens.Pour Jean-François Dortier, le mandala (dessin pris comme support de méditation chez les moines bouddhistes) « met en valeur des idées forces, permet de stocker sous forme d’un schéma simplifié des informations nombreuses et complexes, de les communiquer, etc. » (4) Il en va de même pour les images dans les cartes heuristiques : elles servent à évoquer un maximum d’idées à son auteur. Se pose alors le problème de l’aspect subjectif d’une carte heuristique, si le choix des mots, et des images, renvoie au système de penser d’un individu…A cette interrogation, Tony Buzan, psychologue anglais autoproclamé « créateur de la méthode du Mind Mapping » répond en expliquant que chaque branche se déploie en rameauxet en les formant surgissent de nouvelles idées. L’informatique a offert de nouveaux outils qui reprennent ces mêmes principes. Le processus de création est donc capital, à la fois comme trace mémorielle, mais aussi support de réflexion continue ; la réflexion, par ce processus, apparaît comme une poursuite de la mémoire, un prolongement. Pour illustrer cette idée il suffit de prendre en compte la linéarité temporelle de la création d’une carte, à partir d’une vidéo présentant la « méthode Buzan » :
Suite de l’article « pour une éducation à l’image par le Mind Mapping – possibilités d’enseignement » à paraître…
2 : Sciences Humaines, « Entre image et écriture : Le découverte des systèmes graphiques » dossier coordonné par Nicolas Journet et Régis Meyran ; Les Grands Dossiers, trimestriel n°11, juin-juillet-août 2008
3 : « Quand l’image parle », article de Nicolas Journet pour le numéro spécial de Sciences Humaines sus-cité.
4 : « Dessine-moi une idée… Du mandala aux cartes sémantiques », article de Jean-François Dortier pour le numéro spécial de Sciences Humaines sus-cité.
La fonction idéale d’une bibliothèque est donc un peu semblable à celle du bouquiniste chez qui on fait des trouvailles et seul le libre accès aux rayons le permet.
Parfois, il est tentant d’effectuer des projections historiques voire anachroniques. Un peu à l’instar de la célèbre interrogation de Pascal sur la longueur de l’appendice nasale de la reine Cléopâtre, nous pourrions nous demander ce qui serait advenu si le blog avait existé quelques années voire quelques décennies plus tôt.
Entreprise assurément vaine puisque nous ne pouvons pas refaire le passé, mais tellement motivante si nous sommes un tantinet amateur de politique fiction voire des styles d’utopie à rebours. Imaginons-nous donc en train de bloguer quelques années en arrière…en 1995 à une époque où l’Internet et le web existe déjà mais ne touchent encore qu’une infime partie de la population. Imaginons-donc que non seulement le blog existe à cette époque et que l’ensemble des moyens actuels sont à notre disposition pour s’informer, informer et débattre.
La question est dès lors la suivante : le conflit yougoslave aurai-il pu se produire de la même manière ?
Si nous posons la question, c’est évidemment que nous sommes convaincus du contraire. A l’inaction des gouvernements européens de l’époque face à des conflits pourtant frontaliers, nous aurions pu imaginer une réaction en chaine sur le web, dénonçant les méfaits des Vladic et Karadzic et exhortant nos dirigeants à réagir au plus vite. Si nous écrivons ces lignes, c’est qu’à l’époque nous avions ressenti un fort désir d’expression non assouvie si ce n’est par quelques lettres notamment à Amnesty International. Avec le blog, la manifestation de son ressenti ait plus aisée et surtout elle permet plus facilement de s’inscrire dans une chaine de réaction commune, un processus commun qui alerte. Le blog peut être un instrument politique et nous en sommes convaincus. Il constitue un prolongement du dispositif de veille au sens à la fois informationnel puisqu’il s’agit de véhiculer l’information et de la commenter mais également au sens de prendre soin et notamment de l’autre, de celui qui est en difficulté. Il permet de casser l’isolement et forge ainsi un dispositif, à condition que le blog ne soit pas autarcique, de responsabilité individuelle et collective qui permet de réagit face aux abus de pouvoir. Nous pouvons rappeler ici, l’affaire Garfield, l’histoire de ce principal démis de ses fonctions pour des raisons abusives liées à son blog et qui a reçu le soutien de milliers de blogueurs ce qui a permis une reconsidération de la sanction.
S’interroger sur l’existence d’un dispositif technologique actuel en d’autres temps n’aurait pas de sens si nous nous en arrêtions là. Nous pourrions remonter ainsi le cours de l’histoire pour s’interroger sur les pires moments de l’humanité. La question est donc désormais : et maintenant ?
Il ne saurait être utile de vouloir s’inscrire dans une révolte permanente et au final inefficace. Le blog n’est pas le rocher de Sisyphe, ce n’est pas un fardeau mais une inscription au sein d’un processus qui permet d’assumer sa part de veille. C’est un peu participer non pas à une opinion irréfléchie mais à une démarche constructive. Il ne s’agit pas de faire du blogueur un Zola accusateur, tous n’en ont pas le talent et la légitimité mais d’en faire un citoyen pouvant faire état de sa capacité à veiller sur les autres. Le blogueur n’est pas un journaliste, il est plutôt éditorialiste ce qui lui permet de transmettre sa propre analyse d’un phénomène, il n’a pas devoir d’informer même s’il peut le faire, il a principalement le devoir d’alerter. Néanmoins, le blogueur n’a pas l’assurance d’être écouté. Il n’est qu’un prophète parmi d’autres et seule sa capacité à convaincre et à voir relayer ses propos lui permettra d’obtenir un écho favorable. L’acte de bloguer est donc éminemment social et les réseaux sociaux peuvent faciliter ce travail car il ne suffit pas au blogueur d’espérer un jugement favorable au tribunal de l’histoire, il doit s’inscrire dans la continuité du présent.
lee. (2006). not afraid. Retrouvé Septembre 13, 2008, de http://www.flickr.com/photos/leecullivan/151076654/.