Le blogueur au cœur de l’histoire

Parfois, il est tentant d’effectuer des projections historiques voire anachroniques. Un peu à l’instar de la célèbre interrogation de Pascal sur la longueur de l’appendice nasale de la reine Cléopâtre, nous pourrions nous demander ce qui serait advenu si le blog avait existé quelques années voire quelques décennies plus tôt.

Entreprise assurément vaine puisque nous ne pouvons pas refaire le passé, mais tellement motivante si nous sommes un tantinet amateur de politique fiction voire des styles d’utopie à rebours. Imaginons-nous donc en train de bloguer quelques années en arrière…en 1995 à une époque où l’Internet et le web existe déjà mais ne touchent encore qu’une infime partie de la population. Imaginons-donc que non seulement le blog existe à cette époque et que l’ensemble des moyens actuels sont à notre disposition pour s’informer, informer et débattre.

La question est dès lors la suivante : le conflit yougoslave aurai-il pu se produire de la même manière ?

Si nous posons la question, c’est évidemment que nous sommes convaincus du contraire. A l’inaction des gouvernements européens de l’époque face à des conflits pourtant frontaliers, nous aurions pu imaginer une réaction en chaine sur le web, dénonçant les méfaits des Vladic et Karadzic et exhortant nos dirigeants à réagir au plus vite. Si nous écrivons ces lignes, c’est qu’à l’époque nous avions ressenti un fort désir d’expression non assouvie si ce n’est par quelques lettres notamment à Amnesty International. Avec le blog, la manifestation de son ressenti ait plus aisée et surtout elle permet plus facilement de s’inscrire dans une chaine de réaction commune, un processus commun qui alerte. Le blog peut être un instrument politique et nous en sommes convaincus. Il constitue un prolongement du dispositif de veille au sens à la fois informationnel puisqu’il s’agit de véhiculer l’information et de la commenter mais également au sens de prendre soin et notamment de l’autre, de celui qui est en difficulté. Il permet de casser l’isolement et forge ainsi un dispositif, à condition que le blog ne soit pas autarcique, de responsabilité individuelle et collective qui permet de réagit face aux abus de pouvoir. Nous pouvons rappeler ici, l’affaire Garfield, l’histoire de ce principal démis de ses fonctions pour des raisons abusives liées à son blog et qui a reçu le soutien de milliers de blogueurs ce qui a permis une reconsidération de la sanction.

S’interroger sur l’existence d’un dispositif technologique actuel en d’autres temps n’aurait pas de sens si nous nous en arrêtions là. Nous pourrions remonter ainsi le cours de l’histoire pour s’interroger sur les pires moments de l’humanité. La question est donc désormais : et maintenant ?

Il ne saurait être utile de vouloir s’inscrire dans une révolte permanente et au final inefficace. Le blog n’est pas le rocher de Sisyphe, ce n’est pas un fardeau mais une inscription au sein d’un processus qui permet d’assumer sa part de veille. C’est un peu participer non pas à une opinion irréfléchie mais à une démarche constructive. Il ne s’agit pas de faire du blogueur un Zola accusateur, tous n’en ont pas le talent et la légitimité mais d’en faire un citoyen pouvant faire état de sa capacité à veiller sur les autres. Le blogueur n’est pas un journaliste, il est plutôt éditorialiste ce qui lui permet de transmettre sa propre analyse d’un phénomène, il n’a pas devoir d’informer même s’il peut le faire, il a principalement le devoir d’alerter. Néanmoins, le blogueur n’a pas l’assurance d’être écouté. Il n’est qu’un prophète parmi d’autres et seule sa capacité à convaincre et à voir relayer ses propos lui permettra d’obtenir un écho favorable. L’acte de bloguer est donc éminemment social et les réseaux sociaux peuvent faciliter ce travail car il ne suffit pas au blogueur d’espérer un jugement favorable au tribunal de l’histoire, il doit s’inscrire dans la continuité du présent.

lee. (2006). not afraid. Retrouvé Septembre 13, 2008, de http://www.flickr.com/photos/leecullivan/151076654/.

3 réponses sur “Le blogueur au cœur de l’histoire”

  1. J’ai du mal à y croire. Après tout, la tchétchénie, la géorgie, la chine etc. ça existe ici et maintenant et quel est l’impact de la blogosphère sur ces questions. Null ! Fondamentalement, je crois que la blogosphère est dépendante de l’actualité et que l’actualité c’est le mainstream qui s’y colle : PPDA hier, Laurence Ferrari aujourd’hui !

  2. Je pense que les phénomènes tchétchènes et géorgiens sont parfois plus difficiles à comprendre et surtout plus éloignés géographiquement tandis que le problème yougoslave s’est produit à nos portes.
    Il s’agit aussi d’une interrogation sur notre rôle désormais qui n’est du seul domaine des journalistes. Si ce domaine doit être celui de Laurence Ferrari, ce serait assez restreint.
    D’autre part, je pense que la blogosphère a quand même de plus en plus d’influence sur les questions politiques, la Chine ne pouvant pas y échapper.

  3. pas vraiment convaincu de votre propos. Les blogueurs, selon moi, sont simplement une couche nouvelle qui s’intercale juste avant le grand public… Par association, on peut penser que, si elle se met à remuer, c’est que l’ensemble de l’opinion publique se sent concernée, une simple chambre d’écho. Je pense à l’exemple du Darfour, c’est google earth qui a démonté le plus efficacement l’ampleur des exactions… le mouvement vient toujours d’en haut… Il est vrai toutefois que les modes d’expression de l’opinion publique changent… Amnesty international a pris un sérieux coup de vieux..

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