De l’évaluation à la sélection de l’information

Les 3 séquences que je propose ici peuvent être menées dans la continuité ou être transposées pour être abordées dans leur unicité selon les objectifs visés et le contexte de l’activité. Dans cette seconde hypothèse, il faudra simplement envisager la constitution, a priori ou par les élèves pendant l’activité, d’un corpus de documents dont le contenu apporte des thèses ou points de vue contradictoires. La version pdf.

Séquence 1 : Projet « Historiae », énigmes historiques… et controverses.

Séquence : J’envisage cette séquence sur une durée de 5 heures qui peuvent être portées à 6h ou 7h selon que l’on y intègre les séquences 2 et 3 (ci-dessous). Elle est pour moi un point de départ pour approfondir la question de l’évaluation de l’information sous l’angle de la fiabilité que l’on prête à une source.

Problématique : Pour échanger régulièrement avec les élèves sur cette question, j’ai pris conscience qu’ils ne supposaient pas l’importance d’une phase d’évaluation avant de prendre pour vraie une réponse à la question qui leur à été posée dans le cadre d’une activité. Or, les contextes de recherche qui privilégient le « retrouvage » ne leur permet pas de s’approprier la valeur des différents critères qui peuvent être pris en compte dans l’évaluation d’une information, avant de lui accorder sa confiance. A cette fin, les énigmes historiques, ainsi que les controverses, portent des contradictions dans leur explication qui sont à même de faire levier pour l’acquisition de nouveaux savoirs info-documentaires.

 

Progression : A l’origine, cette séquence était envisagée en collège pour des élèves de Troisième. Il s’agit alors d’introduire la notion de « doute » dans l’évaluation de l’information. Je l’ai transposée au niveau Seconde avec pour objectif de préparer les élèves au traitement d’une problématique dans le cadre des TPE. Je l’intègre, par ailleurs, sous la forme de modules de 6 à 7 heures, dans une progression de la seconde à la terminale. Il s’agit de travailler l’acquisition, par les élèves, d’un « savoir juger » pour lequel, en seconde, j’insiste sur l’évaluation ; en première sur la déconstruction-réappropriation des médias (type GAFA1) ; en terminale sur l’argumentation comme base du jugement.

1Séquence en cours de réalisation

Niveau concerné :Élèves de Seconde en AP.

 

 

Objectifs d’apprentissage :

 

 

  • Écrire un article de presse qui présente des hypothèses contradictoires.

  • Dégager des critères qui permettent d’évaluer la fiabilité d’une information sur Internet.

  • Argumenter à l’oral ses choix d’une source.

 

 

Déroulement :

 

1er temps (30 mins): Outre la présentation globale de la séquence pendant laquelle je soumets aux élèves les productions attendues (cf : outils didactiques), je profite de ce temps pour évaluer les pratiques des élèves en matière d’évaluation de l’information. Je m’appuie, si ils en proposent, sur les critères qu’ils peuvent déjà proposer pour les guider dans mes attentes au sujet de la fiabilité.

 

2ème temps (entre 3h et 3h30): Ce temps est consacré à la phase de recherche et d’écriture. J’autorise les élèves à utiliser le copier-coller sous forme de document de collecte, comme une étape intermédiaire. Les élèves doivent par ailleurs préparer leur argumentaire au sujet des critères sur lesquels ils se sont appuyés pour retenir les pages et sites web consultés.

 

3ème temps (entre 1h et 1h30) : Ce temps est dédié à la restitution orale. Les groupes présentent leur travail et en particulier les critères qu’ils ont retenus pour considérer que la page ou le site est fiable. Dans la mesure où l’essentiel des groupes a pu travailler à partir de ces mêmes pages ou sites, cela donne lieu à des échanges entre les élèves qui peuvent ne pas être d’accord sur les critères retenus. Je termine alors par une phase de remédiation à l’issue de laquelle je soumets aux élèves une liste de critères (cf : outils didactiques).

 

 

Évaluation : Évaluation formative qui porte essentiellement sur la qualité de l’argumentation, tant au niveau des hypothèses présentées à l’écrit dans l’article, qu’à l’oral lors de la présentation des pages web retenues comme fiables. Je termine la séquence en demandant aux élèves de formuler une proposition pour définir ce qu’est l’évaluation de l’information. Au-delà d’une description qui présente les critères de fiabilité, j’attends des élèves qu’ils introduisent la fonction de l’évaluation.

 

Outils didactiques :

 

 

  • Au sujet de l’article de presse, les élèves ont pour consigne d’apporter les éléments suivants (le questionnement Quintilien est à titre indicatif sans nécessairement devoir être suivi) :

    TITRE (Informatif et Accrocheur)

    CHAPEAU en 2-3 lignes (Informatif – Qui ?, Où ?, Quand ?, Quoi ? – Accrocheur)

    CORPS de L’ARTICLE en 15 lignes avec :

    – Informatif (Comment?)

    – Hypothèses contradictoires (Pourquoi?)

 

PHOTO LÉGENDÉE (éventuellement)

 

NB : Je ne donne pas directement aux élèves, mais élabore avec eux, les attendus pour leur production.

 

 

  • Je dresse ci-dessous une liste des critères de fond et de forme qui me semble être pertinents pour des élèves de Troisième et de Seconde. Elle peut bien sûr être adaptée au niveau des élèves.

 

Critères de fond

Critères de forme

Réputation du site (représentativité)

Auteur (autorité)

Mise à jour (actualité)

Source (traçabilité)

Objectif du site (finalité)

Design (esthétique)

Design (mise en forme : articulation des rubriques, présence d’un sommaire)

Syntaxe et Orthographe

 

 

Matériels : Prévoir un PC avec une connexion à Internet par groupe d’élèves.

 

 

Sources :

 

Olivier Le Deuff http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=601 (origine du projet « Historiae » ).

 

 

Séquence 2 : Cartographier une source, qualité et crédibilité de l’information.

 

 

 

Séquence : Dans l’enchaînement des trois séquences je consacre 1 heure à celle-ci. Traitée pour elle-même, je suppose qu’il faudrait y ajouter un minimum de 2 heures pour permettre aux élèves de constituer, ou travailler sur, un corpus de documents, quelle que soit l’énigme historique ou la controverse (temps porté à 3h si un travail d’écriture est envisagé).

 

Il est intéressant de mener cette séquence en lien avec la séquence 3 (ci-dessous) pour aborder l’information par la mise en relation des savoirs relatifs à la qualité, à la crédibilité et à la pertinence.

 

 

Problématique : Travailler avec les élèves sur la fiabilité à partir d’outils (nombreuses grilles d’analyse) qui leur permettent d’évaluer la qualité de l’information n’est qu’une étape intermédiaire dans l’acquisition de savoirs dont va dépendre la confiance qu’ils accordent à telle ou telle source. Si la qualité d’une information fonde en partie leur jugement, celui-ci dépend aussi de la crédibilité d’une source dans un contexte spécifique.

 

 

Progression : Le scénario pédagogique de cette séquence est construit sur la capacité des élèves à distinguer la qualité de la crédibilité de l’information. Elle me semble adaptée pour des élèves de Seconde. Peut être est-il envisageable de la mener en Troisième, sous réserve que les élèves aient déjà acquis des savoirs relatifs à la qualité de l’information.

 

 

Niveau concerné : Élèves de Seconde en AP.

 

 

Objectifs d’apprentissage :

 

 

  • Dresser une typologie qui présente des éléments de qualité de l’information.

  • Distinguer la qualité de la crédibilité de l’information.

  • Comprendre et analyser un paradoxe apparent (savoir conditionnel – méta)

 

Déroulement :

 

 

1er temps (2 à 3 h selon les cas): Ce temps est consacré au travail sur le corpus de documents (voir supra séquence 1-déroulement-temps 2). Je suppose que 2 heures peuvent être suffisantes pour relever les critères de qualité de l’information afin de dresser une typologie (voir supra séquence 1 – Outils didactiques). L’essentiel est ici de proposer aux élèves une énigme historique ou une controverse pour laquelle il doivent relever des hypothèses contradictoires. Ce point est important car ils vont devoir relever une hypothèse en laquelle ils ne croient pas et pour laquelle, pourtant, l’information doit être de qualité. Le temps donné aux élèves pour cette partie peut être plus important si un travail d’écriture est envisagé.

 

2ème temps (quelques minutes): Les élèves, personnellement, placent les sites et pages qu’ils ont choisi dans un graphe (cf : outils didactiques) selon que l’information leur semble de qualité et crédible. Il est préférable d’envisager cette étape à la fin d’une heure de cours afin de pouvoir reporter sur un graphe unique, avant la dernière séance, l’ensemble des graphes rendus par les élèves. En fonction du temps disponible, il peut être demander aux élèves de justifier le positionnement des sites ou pages web sur le graphe.

 

3ème temps (1h) : Temps d’échange avec les élèves à partir du graphe unique. Selon ce dernier les commentaires portent en général sur les différences de placement d’un même site web (ou d’une même page) sur le graphe. En la matière, il est intéressant pour l’enseignant de s’arrêter sur les explications apportées par les élèves. Soit qu’elles portent sur des désaccords en terme de jugement sur les critères de qualité de l’information, ou sur l’évaluation de la crédibilité qui fait davantage appel à la subjectivité de chacun. Soit qu’elles s’arrêtent sur des contradictions, ce qui peut être le cas pour une source dont la qualité est haute alors que la crédibilité sera basse (ou l’inverse). Ces cas sont intéressants car ils font apparaître les représentations, voire les préjugés, que peuvent avoir les élèves sur telle ou telle source (un cas typique concerne Wikipédia dont la qualité peut être haute et la crédibilité basse).

 

En fin de séance, il est demandé aux élèves de construire une formulation (en une ou quelques phrases) qui fasse la synthèse de ce qui est ressorti des échanges et dans laquelle apparaissent les termes importants. Selon les cas : évaluation de l’information, source, qualité de l’information (auteur, objectif d’un site, …), crédibilité, confiance.

 

 

ÉvaluationÉvaluation formative qui porte, pour la partie orale, sur la lecture du graphe, sur la qualité des échanges entre les élèves et sur la qualité de leur argumentation. Comme pour la séquence 1, j’attends par ailleurs des élèves qu’ils formulent une proposition pour définir ce qu’est l’évaluation de l’information, en intégrant les critères de fiabilité, ainsi que les concepts de qualité et de crédibilité de l’information. En terme de niveau, j’attends des élèves qu’ils fassent apparaître la relation entre qualité et crédibilité.

 

Outils didactiques :

 

  • Un graphe sur lequel les élèves situent les pages ou sites web consultés selon la qualité ou la crédibilité de l’information.

 

 

 

  • Termes attendus dans la proposition de formulation : évaluation de l’information, source, qualité de l’information (cf : séquence 1 – outils didactiques par exemple), crédibilité, confiance.

 

 

 

Matériels : Prévoir un PC avec une connexion à Internet par groupe d’élèves.

 

 

Sources :

 

Jean-François Drouet, Jérôme Dinet, André Tricot, Modèle E.S.T (Evaluation-Sélection-Traitement)

 

Alexandre Serres, Dans le labyrinthe. Évaluer l’information sur internet, C&F éditions, 2012, Caen

 

http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=6724

 

Transposer la cartographie des sources à l’évaluation de l’information, niveau de formulation

 

 

Séquence 3 : Question de pertinences.

 

 

Séquence : Dans l’enchaînement des trois séquences je consacre 1 heure à celle-ci. Traitée pour elle-même, je suppose qu’il faudrait y ajouter un minimum de 2 heures pour permettre aux élèves de constituer, ou travailler sur, un corpus de documents, quelle que soit l’énigme historique ou la controverse (temps porté à 3h si un travail d’écriture est envisagé).

 

Il est intéressant de mener cette séquence en lien avec la séquence 2 (ci-dessus) pour aborder l’information par la mise en relation des savoirs relatifs à la qualité, à la crédibilité et à la pertinence.

 

 

Problématique : Si le besoin d’information est à l’origine d’une recherche, la sélection d’une source suppose l’acquisition de savoirs qui se construisent dans la durée. D’un simple retrouvage (recherche auto-terminative) en passant par les étapes de la recherche documentaire, la compréhension et l’application des différents modèles de pertinence doit finalement permettre aux élèves d’opérer un jugement, une validation, raisonné d’une source.

 

 

Progression : Le scénario pédagogique de cette séquence est construit sur la capacité des élèves à distinguer différentes formes de pertinence dans le double contexte d’une recherche (1) menée dans un dispositif socio-technique (2). Elle me semble plutôt adaptée à des élèves de fin de Seconde ou davantage de Première dans la mesure où elle introduit la question de la subjectivité personnelle.

 

 

Niveau concerné : Élèves de Seconde en AP.

 

Objectifs d’apprentissage :

 

 

  • Distinguer les différentes formes de pertinence (système-utilisateur-thème) et leur influence dans la sélection d’une source et d’une information.

  • savoir évaluer la valeur du contenu d’une source selon le thème d’une recherche (objectif du site, auteur,…).

  • Opérer une validation raisonnée d’une source selon le besoin et le contexte d’une recherche.

 

Déroulement :

 

 

1er temps (2 à 3 h selon les cas): Ce temps est consacré au travail sur le corpus de documents (voir supra séquence 1-déroulement-temps 2). L’essentiel est ici de proposer aux élèves une énigme historique ou une controverse pour laquelle il doivent relever des hypothèses contradictoires. Ce point est important car ils vont devoir relever une hypothèse qui répond à leur besoin d’information et dont la source est cependant de valeur faible. Le temps donné aux élèves pour cette partie peut être plus important si un travail d’écriture est envisagé.

 

 

2ème temps (quelques minutes): Les élèves, personnellement, placent les sites et pages qu’ils ont choisi dans un graphe (cf : outils didactiques) selon que l’information leur semble pertinente selon leur besoin d’information et selon la valeur du contenu en terme de qualité de l’information. Il est préférable d’envisager cette étape à la fin d’une heure de cours, en prévoyant un temps d’explication pour les deux pertinences vues, afin de pouvoir reporter sur un graphe unique, avant la dernière séance, l’ensemble des graphes rendus par les élèves. En fonction du temps disponible, il peut être demander aux élèves de justifier le positionnement des sites ou pages web sur le graphe.

 

 

3ème temps (1h) : Temps d’échange avec les élèves à partir du graphe unique. Selon ce dernier les commentaires portent en général sur les différences de placement d’un même site web (ou d’une même page) sur le graphe. En la matière, il est intéressant pour l’enseignant de s’arrêter sur les explications apportées par les élèves. Soit qu’elles portent sur des désaccords en terme de jugement sur le placement des sites (ou page) web selon le niveau de pertinence accordé, ce qui fait davantage appel à la subjectivité de chacun. Soit qu’elles soulignent une contradiction, dans le cas d’une source dont la pertinence est haute en terme de besoin et faible en terme de valeur du contenu. Ce qui est le cas pour un certain nombre de source (théorie du complot,…) au sujet d’énigmes historiques. Ces cas sont intéressants car ils font apparaître ce qui peut déterminer en priorité le choix d’une source, le besoin d’information. Il ne doit pas être question ici de hiérarchiser ces deux types de pertinence, mais de faire prendre conscience aux élèves de ce qui peut déterminer hâtivement leur sélection (le besoin) et l’attention qu’il est important d’accorder à la valeur du contenu (selon le thème).

 

En fin de séance, il est demandé aux élèves de construire une formulation (en une ou quelques phrases) qui fasse la synthèse de ce qui est ressorti des échanges et dans laquelle apparaissent les termes importants. Selon les cas : pertinence/pertinences, besoin d’information, valeur du contenu, objectif du site (auteur).

 

 

ÉvaluationÉvaluation formative qui porte, pour la partie orale, sur la lecture du graphe, sur la qualité des échanges entre les élèves et sur la qualité de leur argumentation. Comme pour la séquence 1, j’attends par ailleurs des élèves qu’ils formulent une proposition pour définir ce qu’est l’évaluation de l’information, en intégrant les critères de fiabilité, ainsi que la relation à la pertinence dans le choix des documents.

 

 

Outils didactiques :

 

  • Un graphe sur lequel les élèves situent les pages ou sites web consultés selon la pertinence du document, évaluée en fonction du besoin, et la pertinence du document, évaluée en fonction de la valeur de son contenu.

 

 

 

 

  • Termes attendus dans la proposition de formulation : pertinence/pertinences, besoin d’information, valeur du contenu, objectif du site (auteur).

 

 

Matériels : Prévoir un PC avec une connexion à Internet par groupe d’élèves.

 

 

Sources :

 

Jean-François Drouet, Jérôme Dinet, André Tricot, Modèle E.S.T (Evaluation-Sélection-Traitement)

 

Alexandre Serres, Dans le labyrinthe. Évaluer l’information sur internet, C&F éditions, 2012, Caen

 

http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=7868

 

http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=7948

 

 

 

Transposer la cartographie des sources à l’évaluation de l’information, niveau de formulation

Je me propose d’avancer dans ma réflexion pédagogique sur la cartographie des sources adaptée à l’évaluation de l’information. J’avais émis l’hypothèse de formaliser l’évaluation que pouvait faire les élèves d’une source par une représentation graphique où ils positionneraient la page ou le site consulté selon la qualité et la crédibilité des informations récupérées. Ils ont travaillés cette fois sur la Zone 51, toujours dans le cadre de la séquence « projet historiae » dont les objectifs d’apprentissage visent à développer des savoirs en recherche et évaluation de l’information. Pour ce faire je les ai laissé libres dans le choix des sites qu’ils ont consultés. Afin de suivre la concordance avec le graphique ci-dessous, vous pouvez cliquer sur les liens ci-après en noir, en orange, en vert, en bleu, en mauve et en rose.

Je suppose que la concentration des points dans la partie en haut à droite du graphique, où la qualité et la crédibilité est positive, tient du fait que ce sont les élèves qui ont choisi ces sites. On comprend bien qu’ils puissent avoir du mal à se désavouer. A ce titre, je suppose qu’il pourrait être pertinent de proposer ces mêmes sites à un autre groupe classe, sans que cette fois les élèves n’aient eu la possibilité de choisir. Le jugement qu’ils porteraient alors sur la source pourrait être davantage objectif, l’éventualité d’une implication affective due au choix ayant disparue.

En revanche, je note des différences importantes dans cette partie du graphique, selon les sites qui ont été exploités pendant l’activité. C’est en particulier le cas au sujet de la qualité de l’information dont on peut observer des alignements verticaux (en bleu, mauve et rose). De fait, i y a manifestement des points de convergence au sujet de la crédibilité, mais il faudrait pouvoir disposer de statistiques plus importantes en nombre pour tirer des conclusions davantage systématiques.

Je précise que les élèves m’ont confié ne jamais avoir abordés les savoirs relatifs à la fiabilité ou à l’évaluation de l’information. Par ailleurs, j’ai dû modifier les contenus que je pensais apporter aux élèves à la lecture de la justification suivante dans le choix d’un site :

Nous avons confiance en « Wikipédia car c’est un site très connu. Les informations sont parfois très justes, le site reste très populaire pour chercher des informations sur beaucoup de chose. Peu importe le sujet, « Wikipédia » est là.

Cette formulation est remarquable a plus d’un titre, moins au sujet de Wikipédia dont il ne s’agit pas ici de faire un hypothétique procès, que dans la relation ambigüe d’un « peu importe le sujet » avec « les informations sont parfois très justes ». C’est tout un travail de fond qui est ici à mener, dans la durée. J’avoue, cependant, que dans le temps court de la séance, c’est la notion de « popularité » qui a monopolisée mon attention. J’ai pu mesurer la confusion de sens qu’avaient les élèves des notions de popularité, de notoriété et d’autorité. En l’occurrence, dans l’esprit des élèves, un article populaire est un article crédible en lequel on peut avoir confiance. Ce qui n’est pas nécessairement vrai pour l’encyclopédie Wikipédia dont-on peut débattre de la qualité entre autorité ou popularité. En revanche le problème est posé quand les élèves justifient de la qualité de l’article de Le Point, non pas pour la qualité « réputée » de cet hebdomadaire ou en référence au journaliste Guerric Poncet, mais parce qu’il a été partagé 1000 fois sur Facebook et twitté 100 fois sur Twitter.

Je n’ai pas été en mesure de faire travailler les élèves sur une formulation stabilisée pour qualifier l’autorité, ce qui sera fait la semaine prochaine. Je pense pour cela m’appuyer les travaux d’Olivier Le Deuff et sur le concept d’autorité informationnelle d’Evelyne Broudoux. Ce dernier me semble particulièrement intéressant pour aborder les notions d’auteur, de contenu et de support comme « signes d’autorité » tout en y incluant les idées d’influence et de confiance active. Ce qui pourrait donner, à titre d’exemple, pour un niveau de formulation attendu en seconde :

L’autorité est une forme d’influence admise selon la confiance raisonnée que l’on prête à un auteur, en fonction du support et du contenu d’un document.

Mais cela suppose que les notions d’auteur, de support et de document soient déjà stabilisées chez les élèves, ce qui n’est pas ici le cas. A suivre donc la semaine prochaine…, avec par ailleurs une même captation, sous forme de graphique, de la pertinence que ces élèves prêtent aux sites qu’ils ont consultés. Il sera alors temps de comparer les différents graphiques (crédibilité/qualité de l’information et pertinence) afin de voir si des tendances se dégagent à l’analyse.

 

Transposer la cartographie des sources, le doute levier de progression…

Je me propose ici d’analyser une séquence pédagogique pour laquelle j’ai transposé la cartographie des sources au Projet historiae. Pour ce faire, j’ai travaillé, dans le cadre de l’AP, avec deux groupes de 16 élèves qui ont choisi pour sujet d’article, le « triangle des Bermudes » pour le premier, et « l’énigme du masque de fer » pour le second. Compte tenu du nombre relativement faible d’élèves, je pense me limiter à dégager des tendances qui demanderaient à être approfondies.

La première d’entre elles est une confirmation. J’ai une nouvelle fois pu observer, chez les élèves, une méconnaissance des critères d’évaluation de l’information. Il me semble que l’une des explications pourraient tenir de « mésusages scolaires ». En l’occurrence la réalisation des objectifs disciplinaires se fait aux dépends des objectifs info-documentaires. Ou, pour le dire autrement, l’exigence porte quasi excusivement sur le « trouver » quand le « chercher » est devenu tout aussi essentiel. Afin de palier à cette difficulté, j’ai proposé aux élèves une carte heuristique sur laquelle il se sont appuyés pour cette partie du travail. J’en profite pour remercier Odile Godefroy qui m’a autorisée à reproduire cette carte qu’elle propose, dans l’enseignement agricole, à des élèves de 1ère Bac pro.

Odile Godefroy Validité de l'information site internet
Odile Godefroy Validité de l’information site internet

Dans la mesure où l’essentiel des élèves se sont appuyés sur les mêmes sites, ce qui était l’objectif du choix d’un sujet d’article identique pour tous, le temps d’échange entre et avec les élèves s’est avéré très constructif. Je pars ici du principe que l’étape de verbalisation est un moment essentiel de l’aquisition des savoirs. Il a été aussi pour moi un temps d’évaluation au cours duquel j’ai en particulier noté, chez les élèves, une confusion entre crédibilité d’un site et crédibilité de son contenu. Ce qui est sans doute normal dans la mesure où, depuis le début du secondaire, il est (quasi) exclusivement demandé aux élèves de se concentrer sur la réponse à apporter sans devoir inclure ce travail dans une démarche pensée et comprise.

 La dernière phase de cette séquence s’est révélée, sur ces bases, structurante et déconcertante pour les élèves. L’étape de réflexion sur la crédibilité des sites et pages web qu’ils avaient consultés terminée, je leur ai demandé de placer leurs sources dans un graphe où la qualité de l’information était en abscisse et la crédibilité en ordonnée. J’ai pu observer les désaccords quant à l’emplacement des pages et sites web sur le graphe, certains pouvant se trouver dans des situations opposés selon l’avis des élèves. Pour l’aspect structurant, des cas ont pu être tranchés au regard des critères d’évaluation. Mais d’autres ont dû être laissés en suspend, au regard de la part de subjectivité qui entrait en jeu. De fait certains élèves ont été déconcertés par cette part de doute qui pouvait subsister. Je trouve cela extrêmement positif pour des élèves de seconde qui, en première, dans le cadre des TPE, vont devoir travailler sur une problématique. Je pense, par ailleurs, qu’il serait intéressant de prendre le temps de mettre en oeuvre, selon des modalités à définir, cette séquence en collège et en lycée professionnel.

Anne Cordier, dans un article récent, pose l’éventualité d’enseigner l’incertitude. Au regard de ce que j’ai pu observé lors de cette séquence, cela me semble constituer une perspective à explorer.

[MàJ 28.12.2013] Pour aller plus loin au sujet de cette séquence sur la transposition de la cartographie des sources, voir ces deux billets qui abordent le niveau de formulation et la question de pertinences.

Transposer la cartographie des sources à l’évaluation de l’information..?

Je prolonge dans cet article mes réflexions sur le Projet historiae dont les objectifs peuvent constituer une matière considérable pour monter des séquences pédagogiques. Il me semble que nous nous situons là dans un domaine qui, pour la partie du travail consacrée à l’évaluation de l’information, est assez proche de l’étude des controverses scientifiques. La rédaction d’un article de journal à partir d’une énigme historique (masque de fer, assassinat de JFK, Anastasia Romanov,…) se prête bien à la confrontation de thèses contradictoires, étayées par des témoignages plus ou moins argumentés. De fait, il s’agit bien de conduire les élèves à se questionner sur l’autorité et la crédibilité d’une ressource, mais encore sur la qualité d’une information. Si, selon l’énigme historique, la cartographie des acteurs/auteurs est parfois compromise,  peut-être est-il possible de transposer cette opération à l’évaluation des sites (ou pages) web consultés par les élèves ? Je pose là l’hypothèse d’une transposition du modèle de la cartographie des sources à celle de l’évaluation de l’information, en réponse à l’importance formulée par Alexandre Serres de distinguer les différentes combinaisons faisant entrer en jeu les notions de crédibilité, de qualité et de pertinence (lien « quelle formation des élèves à l’art du filtrage? » diapo 28).

 

Terra incognita Creative Commons Licence photo credit : pablodf
Terra incognita Creative Commons Licence photo credit : pablodf 

 

Après avoir concrétisé une première piste de progression, j’envisage le dispositif suivant. Je conserve le volume horaire, soit, selon le nombre de semaines entre deux périodes de vacances, 6 à 8 heures. Les élèves ont à mener conjointement deux activités complémentaires dans la réalisation de leur travail. La première tient en la rédaction de l’article dans un style journalistique. Du moins pour le titre et le chapô, selon le sujet de leur article, je leur demande une écriture qui soit évocatrice et accrocheuse. Pour le corps de l’article ils doivent insister sur l’aspect contradictoire des thèses en présence. Je précise que cette partie du travail présente une bonne occasion de solliciter les collègues de lettres, pour le style, et d’histoire, pour les faits.

Par ailleurs, deuxième activité à mener de front, les élèves, au fur et à mesure de leur avancée, doivent conserver les liens des sites qu’ils ont consulté. Au final, ils n’en garderont que deux dont ils devront justifier de leur choix en terme de fiabilité. Les différents critères qu’ils auront retenus, auxquels des compléments peuvent être apportés cas échéant, sont ensuite répartis selon qu’ils tiennent de la qualité de l’information (caractéristiques formelles et contenus) ou de la crédibilité (source, auteur, support, document -diapos 20, 21 et 22 ). Je compte ensuite proposer aux élèves une représentation graphique simple où , par exemple, la qualité est en abscisse  et la crédibilité en ordonnée. Charge à eux, résultat d’une réflexion de groupe, d’estimer les sites qu’ils ont retenus pour les situer sur le graphique de sorte qu’apparaissent, à l’instar des cartes du ciel, des « constellations de site ». Cet échange en groupe est rendu possible parce que l’ensemble des groupes de deux élèves travaillent sur la même énigme, de sorte qu’il est vraisemblable qu’ils aient consulté la plupart des sites qui seront proposés.

 

Cartes du ciel Creative Commons Licence photo credit : Septentria
Cartes du ciel Creative Commons Licence photo credit : Septentria 

 

L’idée est ici d’attirer leur attention sur la qualité et la crédibilité qu’ils peuvent accorder à une ressource, en insistant sur la distinction entre les critères objectifs et la part de subjectivité inhérente à l’opération d’évaluation. Il s’agit, par ailleurs, de leur démontrer ce qui, in fine, gouverne leur choix : la pertinence. Il reste que je m’interroge sur la bien fondé de la représentation graphique (abscisse et ordonnée) qui tient d’un modèle mathématique. Il ne faudrait pas, en l’occurrence, que l’évaluation d’une information, dans l’esprit des élèves, soit « calculable ». Je ne pense donc pas qu’il faille mettre d’indice sur le graphique. Je pense par ailleurs important d’insister sur le sens du mot évaluer.

Je viens de débuter cette séquence avec deux groupes d’AP qui vont travailler sur le triangle des Bermudes et l’énigme du masque de fer. Rendez-vous courant mars pour le compte-rendu