Appréhender la lecture numérique (2) : la navigation hypertextuelle

Il me semble important de préciser que le découpage de cette série d’articles consacrée à la lecture numérique ne doit pas faire oublier les interactions avec l’écriture numérique d’une part, ainsi que le chevauchement des tâches de navigation et d’annotation d’autre part. Il ne s’agit ici que de dégager des entrées qui constituent, à mon sens, une matière pour concrétiser des séquences pédagogiques. Je vous renvoie, pour qui souhaite aborder cette littératie dans toute sa complexité, aux contributions, limpides, de Pierre Fastrez, que vous préfériez un format vidéo ou texte.

La lecture hypertexte structure le web

En ce qu’elle est une introduction à l’hypertexte, ou hyperlien, la lecture numérique apporte sans doute les conditions de structurer le web dans l’esprit des élèves. D’un point de vue historique, pour commencer, en évoquant, dès le collège, le Memex de Vannevar Bush et l’hypertexte de Ted Nelson pour les aspects techniques, et le cosmopolitisme des savoirs de Paul Otlet pour le relier à la culture humaniste. Ces connaissances peuvent être approfondies au lycée dans une approche spiralaire. Afin d’échapper à une forme d’enseignement frontal que pourrait laisser supposer ce type de contenu, il doit pouvoir être imaginé un corpus de textes complémentaires reliés par des hyperliens, pour mêler théorie et pratique. Il est en tout cas important de donner aux élèves des repères historiques, de sorte qu’ils puissent s’approprier cette technologie au regard de ses évolutions. Il en va à mon sens de même pour l’évolution des supports de lecture qui gagneraient à être abordés avec les élèves.

 

ε-ƒountaın rεsourcε locator Licence Creative Commons photo credit : jef Safi\pictosophizing
ε-ƒountaın rεsourcε locator Licence Creative Commons photo credit : jef Safi\pictosophizing 

 

La notion d’hypertexte porte par ailleurs en elle les conditions d’une « cartographie » du web. Selon le niveau des élèves, dès le collège, les hyperliens renvoient, ou non, à différents « écosystèmes », que l’on prenne le Web 2.0, le web invisible, le web dynamique ou encore le web sémantique. Taxinomie qui peut être prolongée, à une autre échelle, en distinguant les différents types de plateformes, que l’on distingue les sites des forums ou encore des wikis par exemple. Je suppose que ces distinctions gagneraient à être observées très tôt par les élèves qui pourraient davantage se situer sur les sites qu’ils consultent et donc être plus à même d’évaluer les contenus. Elles leur apporteraient en tout cas des connaissances médiatiques et techniques utiles à la résolution, ultérieure, de tâches plus complexes. Je ne sais, en revanche, s’il peut être important d’aborder dans le secondaire la question des URI/URL entre identification et localisation..? Peut être pour certaines séries au lycée.

La lecture hypertexte dé-structure le discours

A un second niveau, la navigation hypertextuelle peut s’avérer structurante intellectuellement pour nos élèves, que l’on se place dans un corpus de documents organisé a priori ou sur le web. Il me semble peut être plus pertinent, sans que cela soit systématique, de travailler sur des corpus assemblés a priori, avec des élèves des premières classes du collège. C’est sans doute se donner les moyens d’éviter quelques aléas de navigation, toujours détestables, mais surtout de commencer à observer avec eux la construction d’un discours formant un tout constitué de parties. L’exemple de Vannevar Bush et du memex pourrait ici donner lieu à un questionnaire relativement simple dont les réponses seraient à retrouver dans différents textes articulés par des hyperliens. La navigation hypertextuelle présente aussi un moyen d’observer les différentes mises en relation envisageables que les documents soient illustrés, sonores ou textuels. Il va de soi que ces types de documents, qui forment des unités discursives, doivent être par ailleurs abordés avec les élèves pour ce qu’ils sont (par exemple des infographies). Ce faisant, une fois en situation sur le web, les élèves seraient en mesure de construire leur navigation au regard des repères qu’ils auront déjà assimilés. Il est ici question d’élaborer un parcours de lecture, ou de recherche, qui n’est à mon avis possible, que dès lors que les élèves sont en possibilité de se représenter l’environnement dans lequel ils évoluent. Sinon, ils se contentent de répondre à une question, ce qui pour le professeur documentaliste ne présente aucun intérêt.

Dans un second temps, je suppose important de distinguer avec les élèves les différentes fonctions que peut avoir un lien, qu’il s’agisse d’apporter une information complémentaire, d’illustrer un propos, de justifier d’un argument, de renvoyer à une source, ou encore de définir un terme. Pour une mise en pratique, il doit pouvoir être envisagé de partir d’un texte et de voir avec les élèves ce qu’ils s’attendent à trouver derrière tel ou tel lien, en confrontant les résultats. Il me semble primordial, pour cela, de partir de sujet que les élèves connaissent. L’idéal étant de pouvoir travailler avec un collègue de discipline sur une partie du programme que les élèves viendraient de voir. C’est, à mon sens, une condition importante pour que les élèves aient les moyens de supposer le type et le contenu du document associé au lien. C’est un préalable pour aborder la complexité, que l’on ait à l’esprit sur ce point les objectifs de la cartographie des sources. Ils doivent, en effet, pouvoir inscrire leur réflexion, ou leurs suppositions, dans un système de références dont l’étendue procède de la culture qu’ils ont d’un sujet. Par ailleurs, dans un contexte de recherche et d’évaluation de l’information, c’est confronter les élèves à la notion de pertinence, en particulier celle du contenu par rapport à ce qui est recherché.

 

Sur la Trace... Licence Creative Commons photo credit : THEfunkyman
Sur la Trace… Licence Creative Commons photo credit : THEfunkyman 

 

Ces préalables ont pour objectif de rendre les élèves conscients de leur parcours d’hyperliens, qui détermine la lecture qu’ils peuvent avoir d’un sujet. Il s’agit de développer leur esprit critique en leur donnant les moyens intellectuels d’opérer une distanciation entre leur parcours de lecture et leur compréhension d’un sujet. C’est par ailleurs se donner la possibilité d’introduire la notion de sérendipité comme une compétence avancée de recherche d’information, dès lors que l’on ne réduit pas le champ des possibles.

[MàJ du 24.02.2013 Appréhender la lecture numérique (3) : mémoire et annotation]

 

Transposer la cartographie des sources à l’évaluation de l’information..?

Je prolonge dans cet article mes réflexions sur le Projet historiae dont les objectifs peuvent constituer une matière considérable pour monter des séquences pédagogiques. Il me semble que nous nous situons là dans un domaine qui, pour la partie du travail consacrée à l’évaluation de l’information, est assez proche de l’étude des controverses scientifiques. La rédaction d’un article de journal à partir d’une énigme historique (masque de fer, assassinat de JFK, Anastasia Romanov,…) se prête bien à la confrontation de thèses contradictoires, étayées par des témoignages plus ou moins argumentés. De fait, il s’agit bien de conduire les élèves à se questionner sur l’autorité et la crédibilité d’une ressource, mais encore sur la qualité d’une information. Si, selon l’énigme historique, la cartographie des acteurs/auteurs est parfois compromise,  peut-être est-il possible de transposer cette opération à l’évaluation des sites (ou pages) web consultés par les élèves ? Je pose là l’hypothèse d’une transposition du modèle de la cartographie des sources à celle de l’évaluation de l’information, en réponse à l’importance formulée par Alexandre Serres de distinguer les différentes combinaisons faisant entrer en jeu les notions de crédibilité, de qualité et de pertinence (lien « quelle formation des élèves à l’art du filtrage? » diapo 28).

 

Terra incognita Creative Commons Licence photo credit : pablodf
Terra incognita Creative Commons Licence photo credit : pablodf 

 

Après avoir concrétisé une première piste de progression, j’envisage le dispositif suivant. Je conserve le volume horaire, soit, selon le nombre de semaines entre deux périodes de vacances, 6 à 8 heures. Les élèves ont à mener conjointement deux activités complémentaires dans la réalisation de leur travail. La première tient en la rédaction de l’article dans un style journalistique. Du moins pour le titre et le chapô, selon le sujet de leur article, je leur demande une écriture qui soit évocatrice et accrocheuse. Pour le corps de l’article ils doivent insister sur l’aspect contradictoire des thèses en présence. Je précise que cette partie du travail présente une bonne occasion de solliciter les collègues de lettres, pour le style, et d’histoire, pour les faits.

Par ailleurs, deuxième activité à mener de front, les élèves, au fur et à mesure de leur avancée, doivent conserver les liens des sites qu’ils ont consulté. Au final, ils n’en garderont que deux dont ils devront justifier de leur choix en terme de fiabilité. Les différents critères qu’ils auront retenus, auxquels des compléments peuvent être apportés cas échéant, sont ensuite répartis selon qu’ils tiennent de la qualité de l’information (caractéristiques formelles et contenus) ou de la crédibilité (source, auteur, support, document -diapos 20, 21 et 22 ). Je compte ensuite proposer aux élèves une représentation graphique simple où , par exemple, la qualité est en abscisse  et la crédibilité en ordonnée. Charge à eux, résultat d’une réflexion de groupe, d’estimer les sites qu’ils ont retenus pour les situer sur le graphique de sorte qu’apparaissent, à l’instar des cartes du ciel, des « constellations de site ». Cet échange en groupe est rendu possible parce que l’ensemble des groupes de deux élèves travaillent sur la même énigme, de sorte qu’il est vraisemblable qu’ils aient consulté la plupart des sites qui seront proposés.

 

Cartes du ciel Creative Commons Licence photo credit : Septentria
Cartes du ciel Creative Commons Licence photo credit : Septentria 

 

L’idée est ici d’attirer leur attention sur la qualité et la crédibilité qu’ils peuvent accorder à une ressource, en insistant sur la distinction entre les critères objectifs et la part de subjectivité inhérente à l’opération d’évaluation. Il s’agit, par ailleurs, de leur démontrer ce qui, in fine, gouverne leur choix : la pertinence. Il reste que je m’interroge sur la bien fondé de la représentation graphique (abscisse et ordonnée) qui tient d’un modèle mathématique. Il ne faudrait pas, en l’occurrence, que l’évaluation d’une information, dans l’esprit des élèves, soit « calculable ». Je ne pense donc pas qu’il faille mettre d’indice sur le graphique. Je pense par ailleurs important d’insister sur le sens du mot évaluer.

Je viens de débuter cette séquence avec deux groupes d’AP qui vont travailler sur le triangle des Bermudes et l’énigme du masque de fer. Rendez-vous courant mars pour le compte-rendu

S’informer et informer avec un nouveau genre de document, l’infographie : une situation pédagogique translittératique ?

Pour quelles raisons mettre en place une séquence sur l’infographie en première année de CAP vente ? Il y a eu plusieurs Interrogations pédagogiques de départ :

– comment prendre en compte le développement dans la presse du caractère de plus en plus visuel de l’information ? Et comment l’intégrer dans des situations pédagogiques d’EAM, notamment dans le secteur de la documentation professionnelle de la vente où les infographies se développent ? Avec une évidence : il y a des compétences à acquérir en matière de lecture et d’analyse pour que l’apprenant se trouve en mesure de s’informer avec de tels documents ;

– comment prendre en compte le développement des nouveaux outils de communication en magasin pour les clients via les écrans ? Les élèves, lors d’un salon professionnel ont pu appréhender un phénomène émergent dans leur domaine d’activité : l’importance des écrans dans le monde de la vente, de télévision, d’ordinateur, de tablette, mais aussi et surtout de mobile. Or, quand l’élève est en situation d’informer un client sur un produit, il doit acquérir de nouvelles compétences en matière de lecture/écriture des documents mis à disposition de la clientèle via ces écrans ;

– enfin, suite à des lectures récentes et au séminaire qui s’est déroulé à l’ENS Cachan [1] consacrés aux « Translittératies : enjeux de citoyenneté et de créativité », je me suis demandé comment mettre en place des situations pédagogiques prenant en compte ce nouveau paradigme éducationnel de l’ère cybériste où, entre autres caractéristiques, la culture visuelle est dominante ?

Cette séquence est donc une tentative d’aller vers la translittératie [2], en mettant l’élève en situation de lecteur/producteur d’information, tout en lui faisant prendre conscience de l’évolution actuelle de son environnement médiatique professionnel, et en lui faisant acquérir des compétences informatiques.

Avant de la décrire je voudrais insister sur l’un de mes postulats de départ : écrire et lire sur le web nécessitent des compétences appartenant à des champs différents. Il y a donc eu co-construction entre le professeur documentaliste et le professeur de vente pour faire acquérir aux élèves des compétences documentaires (savoir lire et savoir produire une infographie, produit documentaire répondant à des règles de communication) et des compétences professionnelles (connaître les nouveaux outils et produits de communication à disposition du vendeur). Une collaboration inscrite dans la transversalité pour l’acquisition de savoirs, savoir-faire et savoir-être en matière de lecture/écriture d’un nouveau genre de document sur le web, l’infographie.

* Séance 1 : L’infographie : une nouvelle forme de document ?

o Deux heures classe entière (18 élèves)

o Objectif professeur : établir un diagnostic pour percevoir les acquis en matière de lecture de ce dispositif de communication avec ces codes propres.

o Objectifs élève : prendre conscience d’un environnement médiatique qui évolue avec l’émergence d’une forme nouvelle d’information, très visuelle.

o Description succincte de la séance :

– réflexion collective sur les façons de s’informer dans leur domaine professionnel par l’observation de la presse papier [3] : ils reconnaissent des images vues sur le web (nuages de mots clés et infographies qu’ils appellent des « décorations »). Les élèves ont tous émis une préférence pour cette forme de présentation de l’information qu’ils trouvent « belle » et « plus facile à comprendre parce qu’il y a des dessins ». Je leur pose alors la question de la raison de ce goût pour l’image ? Hypothèse d’un élève : ils préfèrent l’image qui est partout (bande dessinée, jeu vidéo, etc.) car elle est plus facile à comprendre. Interrogation sur les services du web qu’ils utilisent le plus : You tube dans leur grande majorité. Cela conforte l’intuition de départ sur leur goût pour l’image, fixe ou animée. Je propose alors un exercice : lire une infographie pour en extraire les informations principales et voir comment elles sont présentées.

– Les infographies proposées, choisies en lien avec le cours d’économie, sont accessibles via un scoopit construit à cette occasion. La lecture analytique demandée est d’abord individuelle. Puis il y a confrontation de l’analyse avec un autre élève. Enfin il y a mise en commun au sein du binôme avec la rédaction d’un résumé sur le scoopit qui doit comporter les informations principales et décrire comment l’auteur les a mises en scène (pour reprendre l’idée d’un élève d’une « décoration »).

Pourquoi avoir choisi cet outil du Web 2.0 pour constituer la collection d’infographies ? Tout d’abord pour renforcer le côté visuel de cette séquence et ensuite pour co-construire une collection de documents éditorialisés, la co-construction de connaissances, la participation et la contribution de chacun dans un projet commun étant certaines des conditions essentielles de la translittératie évoquées lors du séminaire de Cachan. Par ailleurs, les élèves ont pris conscience de la publication en ligne via un outil web 2.0. Cela les a motivé.

– Devant les formes hétérogènes des résumés, nous avons élaboré un protocole commun de rédaction en déterminant les éléments à faire apparaître impérativement : fonds et forme de l’infographie, nouvelle forme de document sur le web. * Le résultat visible ici :

* Séance 2 : Définition d’une infographie, un produit de communication répondant à des règles de réalisation.

o Séance d’une heure classe entière

o Objectif professeur : parvenir à un niveau d’abstraction, dans la définition de l’infographie, qui intègre les éléments du concept de document selon Pedauque : forme, signe, medium.

o Objectif élève : définir cette nouvelle forme de document comme un produit de communication ayant des règles de réalisation.

o Description succincte de la séance :

A partir de leur travail et de la collection ainsi constituée, a débuté alors un travail de réflexion sur la nature de l’infographie replacée dans un contexte plus général de la communication. Cette séance est donc une étape de construction théorique à partir de leurs connaissances sur la théorie de la communication et de leur expérience de lecture analytique.

Au tableau, nous avons élaboré un schéma de communication très simple : l’infographie est un message émis par un auteur (émetteur) pour un lecteur (destinataire) qui passe par un canal (lecture via un écran). Il y a élaboration d’une stratégie de communication par l’émetteur pour atteindre son objectif de communication auprès du récepteur. Le document est créé ainsi pour être lu dans un but précis et pour un public particulier.

A partir de ce schéma, les élèves ont dû conduire une réflexion individuelle sur l’infographie en s’appuyant sur le schéma construit ensemble et en répondant à cette question simple : quelle est la stratégie de communication pour un émetteur qui réalise une infographie ? Quels sont les éléments à prendre en compte pour atteindre l’objectif visé?

La mise en commun a été très riche. Le schéma en appui a facilité la réflexion qui a conduit à une conceptualisation de l’infographie comme document numérique visuel. Je reproduis ici leurs phrases de synthèse :

Une infographie c’est :

* un message visuel à transmettre. Il faut indiquer les informations principales avec un fil conducteur (marqué par le titre) ;

* un message à mettre en forme et à structurer grâce aux moyens mis à disposition par le logiciel. D’où l’importance du choix des éléments à utiliser pour présenter les informations de façon la plus symbolique possible pour une compréhension rapide au premier coup d’œil via un écran : un graphique, une couleur, un dessin doivent être choisis pour leur valeur symbolique auprès du lecteur.

* Un message qui a des effets attendus : faire réagir, faire joli, faire comprendre

Tous ces points évoqués constituent des éléments de la définition d’une infographie et montrent aussi que les élèves ont saisi la dimension sociale du document : il est produit pour un public cible, dans un contexte singulier, pour un usage déterminé.

The picture that supports the texte Creative Commons Licence photo credit : National Library NZ on The CommonsThe picture that supports the texte Creative Commons Licence photo credit : National Library NZ on The Commons

* Séance 3 : Production d’une infographie selon les règles établies

* Séance de deux heures, classe entière (18 élèves)

* Objectif professeur : faire prendre conscience de l’influence de l’outil sur le sens et la forme du message. La maitrise de l’outil peut renforcer le pouvoir de celui qui construit le document : sa stratégie de communication sera d’autant plus efficace.

* Objectif élève : en posture de scripteur, prendre conscience des codes sémiotiques de l’infographie.

* Description succincte de la séance :

* A partir d’un texte court avec des données chiffrées (tirées de l’INSEE sur les usages d’internet, la vente en ligne, etc.), produire une infographie pour rendre compte des informations principales en tenant compte des caractéristiques observées lors de la première séance dans la production du document : structure, composition, couleurs, formes, dessins, fil conducteur, etc. Choix du service en ligne « infogr.am ».

* Rappel : l’infographie est une écriture à part entière du document. Si on calque un modèle existant, on perd les caractéristiques propres de ce document : les dessins, couleurs, tableaux, ne sont pas là pour illustrer les informations, mais constituent les informations elles-mêmes. Elaborer avant tout une stratégie de communication.

* En conclusion : peu d’infographies achevées du fait d’une difficile prise en main de l’outil. Très vite les élèves ont été confrontés à des difficultés liées.

o A des compétences computationnelles non maitrisées : le tableur intégré pour la composition de graphiques par exemple.

o A la difficulté de ne pas « décorer » leur document. Je reprends là leur expression car, pour eux, elle a été le déclencheur de la compréhension de ce qu’est l’infographie : non pas une façon d’illustrer les informations, mais une façon d’écrire des informations, de façon visuelle, en utilisant des codes sémiotiques qui ne sont pas encore maitrisés.

Conclusion de la séquence : deux questions posées aux élèves.

Tout d’abord, trouvent-ils toujours qu’un document visuel est plus facile à comprendre qu’un document où le texte est plus présent ? Les avis ont été divergents. Je note que les élèves qui ont éprouvé le moins de difficulté à comprendre les infographies et à en produire, sont ceux qui éprouvent le moins de difficultés à comprendre un document où le texte est très présent. Cela venant confirmer le triste adage « les riches s’enrichissent » très utilisé lors du séminaire sur les Transittératies de Cachan.

Pourquoi, d’après eux, on retrouve cette forme de document dans la presse papier (nuages de mots clés par exemple) ? Réponse unanime : pour « faire moderne », pour « faire comme Internet », pour « attirer les lecteurs du web sur leurs journaux papier », pour « attirer des jeunes qui ne lisent que sur Internet ».

Pour terminer sur ce constat au sujet de notre environnement informationnel : si au début d’internet, le document en ligne prenait son modèle dans les formes connues tirées du support papier, désormais, Internet crée ses propres modèles de documents qui a leur tour influencent les documents sur support papier.

 En guise de conclusion j’aimerais préciser encore quelques points.

Pour cette séquence, j’ai essayé de mettre en lien des travaux en didactique et des travaux de recherche en Sciences de l’information et de la communication.

* penser la tâche et l’intention didactique pour élaborer cette séquence (P. Duplessis).

* utiliser la taxonomie de Bloom pour déterminer les tâches et les consignes.

* intégrer les éléments de définition du document numérique selon Pedauque pour aborder la notion d’infographie (forme, signe, medium).

* équilibrer temps de prescription et temps de médiation dans la situation pédagogique, ne pas faire comme si les élèves ne savaient rien, ne pas freiner leur créativité et le caractère nécessairement exploratoire de certaines tâches (A. Cordier).

* tenter d’intégrer des éléments de la translittératie : déterminer la part des champs translittératiques à explorer pour mieux les prendre en compte et favoriser l’acquisition de nouvelles compétences en matière de lecture/écriture numérique.

A l’issue de cette expérimentation je garde :

Une conviction :

* le travail par projet est nécessaire, car ces situations pédagogiques nécessitent un temps long.

* Il faut une collaboration authentique pour donner du sens, certes ; pour mettre en réalité le participatif si revendiqué du monde digital certes encore ; mais surtout parce que ces situations nécessitent des compétences diverses et complémentaires de tous les enseignants.

* Pour cela, il faut bien circonscrire les champs d’action de chacun. Pour ma part : faire prendre conscience d’une mutation de l’environnement médiatique personnel et professionnel avec une forme de document qui se développe avec ses caractéristiques propres, en partie dues aux moyens techniques de sa réalisation et de sa diffusion.

Un doute :

Connaître les travaux en SIC et en Sciences de l’Education pertinents et savoir les intégrer dans une pratique professionnelle en constante évolution.

Des attentes :

Des avis ! Des échanges !

Notes :

[1] Organisé par l’ENS Cachan et Crew, les 7, 8 et 9 novembre 2012 avec la présence notamment de A. Liu et Sue Thomas.

[2] Selon la définition désormais entendue de S. Thomas la translittératie peut se définir ainsi : « l’habileté à lire, écrire et interagir par le biais d’une variété de plateformes, d’outils et de moyens de communication, de l’iconographie à l’oralité en passant par l’écriture manuscrite, l’édition, la télé, la radio et le cinéma, jusqu’aux réseaux sociaux ».

[3] Par exemple le HS n° 94 d’Alternatives Economiques, 4e trimestre 2012, p. 8 « Les chiffres clés : les chiffres de l’économie 2013 ». Ou encore, Terra Eco, n°42, décembre 2012, p.52 : « Critique n° 5 : ça vient de loin, le bio, et ça ne crée pas de vrais emplois ».

La fin du monde prévue pour 2012 ?

D’après les mayas, la fin du monde serait pour le 21 décembre 2012. À l’origine, cette date marque la fin des 5 125 années du calendrier maya, interprétée par certains comme la fin définitive de ce calendrier. Suite à cette nouvelle beaucoup de littérature, d’émissions télévisées, d’hypothèses sensationnelles sont émises à l’approche de cette date . Alors, info ou intox ? Faut-il vraiment croire à la fin du monde en 2012 ?

Plusieurs hypothèses sont émises. Certains pensent que cette date marquera le début d’une nouvelle ère au cours de laquelle la Terre et ses habitants connaîtront une transformation spirituelle ou physique radicale. Les plus catastrophistes envisagent une collision de la Terre avec un astéroïde de grande taille ou bien un trou noir. D’autres encore pensent à une guerre Mondiale de type chimique ou nucléaire. Certains envisagent des hypothèses moins apocalyptique comme un tremblement de terre, un tsunami ou bien des irruptions volcaniques et des ouragans.

En France, selon les croyants de la fin du monde, le pic de Bugarach, un petit village de l’Aude sera le seul endroit épargné par l’Apocalypse. Le maire de Bugarach s’attend à un dispositif spécial de sécurité dans sa commune le 21 décembre jour de la fin du monde annoncée par la fin du calendrier maya. Ce village va être le mieux protégé de France !

Bugarach Village 1 Creative Commons Licence photo credit : marcovdz
Bugarach Village 1 Creative Commons Licence photo credit : marcovdz

D’après les scientifiques qui ont étudiés le phénomène, il ne se passera strictement rien le 21 Décembre 2012.. Les « mayanistes » professionnels avancent que l’idée de la « fin » du compte long du calendrier maya en 2012 serait une mauvaises interprétation de l’histoire et de la culture maya. Les astronomes qualifient ces prédictions de pseudo-science et font remarquer qu’elles sont contredites par de simples observation astronomiques. Mais les médias continuent de diffuser la rumeur de la fin du monde !

La NASA est formelle : la fin du monde n’est pas pour 2012.. Notre planète s’en sort très bien depuis plus de 4 milliards d’années, et aucun scientifique crédible dans le monde entier n’est au courant d’une menace associé à 2012.

Par Audrey et Céline

Le secret des alignements de menhirs de Carnac

Dans le village de Carnac, se trouve un site qui renferme de nombreuses légendes. Plusieurs questions se posent sur ces alignements de 4000 Menhirs sur plus de 4 kilomètre. À quoi servent-ils ?

Culte religieux, site astronomique ou prison de pierre ? Pourquoi tous ces menhirs dressés, méticuleusement alignées et par ordre décroissant ? De nombreuses légendes essayent de résoudre le mystère des alignements de Carnac, la plupart associant les menhirs à la pureté. La plus célèbre est la légende de saint Cornély, pape à Rome de 251 à 253, qui d’un signe de croix aurait transformé des soldats romains en menhirs pour leur échapper. Ces pierres disposées en colonne peuvent en effet évoquer une armée en ordre de marche.

Carnac Creative Commons Licence photo credit : Kebnekaise
Carnac Creative Commons Licence photo credit : Kebnekaise

Deux théories rationnelles s’opposent pour expliquer les alignements de Carnac.

Au début du XXe siècle, James Miln et Zacharie Le Rouzic entreprennent des fouilles archéologiques sur le site. Ils veulent démontrer que les alignements sont liés à des cultes sacrés. Ils établissent ainsi les origines des alignements; dressés entre le Ve et le IIe millénaire av. J.-C. par des tribus installées dans la région. Ils constitueraient un culte voué aux morts et seraient en réalité un gigantesque tombeau collectif. Les files de menhirs indiqueraient le chemin vers un espace sacré : les enceintes.

Par ailleurs, des chercheurs supposent que ces alignements pourraient former un observatoire astronomique, certains menhirs, comme le Géant du Manio, permettant à de calculer la position des astres.

Par Pierre-Adrien et Clément

Peut-on copier en toute L-égalité ? Retour d’expérience

Ce vendredi 7 décembre s’est déroulé au lycée ce qui restera comme étant la première copy party organisée dans un établissement scolaire. Au-delà du caractère sympathique de cette manifestation originale, je me propose de revenir sur ce qui a retenu mon attention, en complément de ces premiers éléments.

Creative Commons Licence : L&S Lycée RabelaisCreative Commons Licence : L&S Lycée Rabelais

Pour présenter quelques données statistiques, 88 élèves (dont 21 « tuteurs ») et 5 enseignants ont été concernés par cette journée banalisée. Les rotations sur les quatre ateliers, voir présentation ici, répartis sur le CDI et 2 salles attenantes ont permis de limiter la concentration des élèves sur un même lieu. Disposition d’autant plus importante pour l’atelier réflexif où les élèves ont pu « se poser » lors de ce temps d’échange. Pour l’essentiel cette copy party s’est donc déroulée agréablement, les élèves « tuteurs » prenant de l’assurance au fur et à mesure des rotations. Il reste que pour être critique, quelques aspects peuvent être améliorés.

Creative Commons Licence : L&S Lycée Rabelais
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Des infographies… pas tout à fait

Nous avions demandé aux élèves de réaliser une infographie sur le sujet qui était le leur. L’idée était ici de sortir du traditionnel panneau d’exposé tout en évitant un recours trop systématique au copier-coller pour la réalisation de documents que nous espérions pouvoir publier à titre d’exemple pour le « kit pédagogique de la copy party ». La comparaison des deux infographies ci-dessous révèle une difficulté que nous avons manifestement sous estimée. Les élèves, peu familiarisés avec ce type de production, ont eu de réelles difficultés pour les réaliser. La rhétorique structurelle de ce type de document ne semble pas leur être spontanément accessible. Ce qui se conçoit pour des élèves auxquels il a été régulièrement demandé de travailler sur la réalisation de panneaux d’exposé. Ce que l’on observe avec l’infographie sur la copy party (ci-dessous) qui n’en est pas vraiment une mais davantage le type de panneau qu’ils ont eu l’habitude de réaliser jusqu’à présent.

Creative Commons Licence : L&S Lycée Rabelais
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Cette autre infographie est davantage aboutie, en particulier dans sa partie supérieure. Mais il n’en reste pas moins que l’élaboration de ce type de document n’est pas spontanée pour les élèves et qu’ils ont eu des problèmes pour se dégager des textes qu’ils ont consulté et qu’il leur a fallu condenser pour arriver à ce résultat. Sans doute l’approche des cartes ou schémas conceptuels est intéressante pour aborder les différentes formes rhétorique du document. Cela préparerait les élèves à penser la structure formelle des infographies, qui devraient être étudiées pour elle-même, en ce qu’elles constituent un document à part entière, avec ses propres caractéristiques .
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Creative Commons Licence : L&S Lycée Rabelais
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Stabiliser les savoirs dans la durée

Le temps d’échange, fondé sur les représentations des élèves, dans une démarche bottom-up, a laissé apparaître de grandes disparités au niveau des connaissances qu’ils peuvent avoir du numérique. Sans doute cela provient-il, pour les tablettes et les liseuses du moins, de la faiblesse du taux d’équipement pour ce type de matériel qui peut rester inaccessible financièrement. Mais, plus globalement, j’y vois la conséquence d’apprentissages trop éparses pour être tout à fait stabilisés. Aussi il me semble, mais je sais la réflexion en cours, qu’il pourrait être pertinent de systématiser un temps régulier d’enseignement-apprentissage qui s’inscrive dans la durée. Du moins, au fil des séances, j’ai apprécié l’avancée des travaux des élèves lorsqu’ils ont été en mesure de situer leur sujet (plagiat, lecture numérique, droit d’auteur,…) dans un contexte plus global.

Un projet à mener avec des élèves de 1ère ?

Il reste que ce projet est sans doute davantage à mener avec des élèves de première, plus en capacité d’évaluer la complexité des enjeux et les controverses qu’ils peuvent susciter. D’autant que si les élèves qui ont pris part à l’élaboration du projet arrivent avec des références, ceux qui participent aux ateliers sont souvent démunis. Il me semble donc que ce projet pourrait être mené dans le cadre de l’Accompagnement personnalisé, en première, dans une approche de la complexité qui privilégie l’argumentation et la progression dans le raisonnement, en écho à la méthodologie de la problématique travaillé en TPE.

Je souhaite, pour terminer, que ce projet soit repris par d’autres établissements. A cet effet, pour celles et ceux qui seraient intéressés, vous pouvez consulter ce kit pédagogique de la copy party. Par ailleurs, Anne Sophie Domenc et moi-même nous tenons disponibles si vous voulez en savoir davantage.

Peut-on copier en toute L-égalité ?

A l’instar de ce qui va suivre je dois le titre de cet article à ma collègue Anne Sophie Domenc qui a assuré l’essentiel de la préparation et du suivi de la copy party qui va, comme je vous l’avais annoncé il y a quelques mois, se dérouler au lycée, ce vendredi. J’en profite, par ailleurs, pour remercier, en notre nom, Olivier Ertzscheid, Lionel Maurel et Silvère Mercier pour la disponibilité et l’attention dont ils nous ont fait la sympathie. Nous savons l’intérêt qu’ils portent à cet événement qui constitue tout de même une première et, au delà du clin d’oeil, pour sa dimension pédagogique dans le contexte spécifique d’un lycée. Point sur lequel je vais concentrer l’essentiel de mon propos.

Creative Commons Licence photo credit : Geoffrey Dorne
Creative Commons Licence photo credit : Geoffrey Dorne

Nous avons mis en oeuvre ce projet dans le cadre de l’option littérature et société de seconde avec un groupe de 22 élèves, à raison de 2 heures par semaine sur une séquence de 9 séances. Nous avons choisi pour domaine d’exploration le livre et la littérature numérique que nous avons souhaité aborder sous l’angle des normes appliquées au regard du Code de la propriété intellectuelle. Avec un intérêt particulier pour la loi sur la copie privée, modifiée en décembre 2011 avec notamment l’article L 122-5 qui est à l’origine de la copy party. Par ailleurs, afin de travailler sur le domaine d’exploration « Images et langages », nous avons opté pour des visuels sous forme d’infographie, type de document particulièrement adapté à la lecture numérique. L’idée générale, peut être ambitieuse pour des élèves de seconde, j’en reparlerai dans un compte rendu à venir, étant de partir des usages des élèves pour les inclure dans une série d’enjeux, en particulier sociaux, politiques et sociocognitifs, qui les conduise à des pratiques distanciées dans leur relation au numérique en tant qu’objet médiatique.

Afin de remplir nos objectifs notionnels nous avons, dans un premier temps (6 séances), réparti les thématiques par groupe de deux à trois élèves qui ont travaillé sur le livre numérique, la lecture numérique, la copie privée, le plagiat, Hadopi, la copy party, les licences créatives commons, l’exception pédagogique et les Digital Rights Management (DRM).  Outre la réalisation des infographies, qui constituait l’un de nos objectifs d’apprentissage, une partie des séances était consacrée à un moment de mutualisation de sorte que l’ensemble des élèves conserve une vue d’ensemble sur l’avancée du projet. Dans un second temps (3 séances), nous avons travaillé avec les élèves sur les documents qui seront distribués lors de la copy party : un rappel du texte législatif en vigueur accompagné d’un engagement formel à ne pas s’y soustraire ; un mémo sur l’utilisation technique des appareils (privé) de copie, ce qui constitue notre deuxième objectif d’apprentissage ; un questionnaire à remplir lors des différents ateliers qui seront proposés, et à partir duquel nous évaluerons les élèves.

Sans compter ceux qui, au cours de la journée, peuvent venir sur leur temps libre, environ 90 élèves sont attendus sur un créneau banalisé d’1h30. Ce faisant il nous a semblé préférable de répartir les élèves dans quatre ateliers avec des rotations tous les quarts d’heure. Le premier atelier est l’exposition elle-même, constituée par l’ensemble des infographies réalisées par les élèves ainsi que le texte de présentation ci-dessus. Nous avons par ailleurs souhaité un atelier spécifique pour les Licences Créatives Commons. Pour avoir noté les difficultés que pouvaient avoir nos élèves à comprendre ce qu’elles sont, il nous a semblé pertinent de déléguer quelques élèves « tuteurs » pour en expliquer le principe ainsi que les différentes combinaisons, qu’ils pourront expérimenter en ligne. Un troisième atelier, plus technique, va permettre aux élèves de manipuler une tablette ainsi qu’un graveur de DVD, ou encore de retravailler une photo à partir d’un logiciel d’OCR. C’est aussi lors de cet atelier que les élèves seront invités à signer un document récapitulant les conditions de copie inhérente à la copy party. Le quatrième et dernier atelier, plus réflexif, sera l’occasion d’un échange sur les pratiques des élèves ainsi qu’un espace de débat sur deux questions plus complexes : à propos de l’utilisation pédagogique des smartphones ; et sur le modèle économique de la copie privée, qui pour la culture a généré 191 millions d’euros en 2011, dont un quart finance des actions collectives.

Nous supposons ces quatre ateliers complémentaires dans la répartition des contenus et l’approche pédagogique des savoirs, qu’il s’agisse des notions abordées ou des manipulations proposées aux élèves, mais encore dans l’approche des modèles sociétaux sous-jacents sur lesquels les élèves vont pouvoir commencer à réfléchir. Dans un article à venir la semaine prochaine je vous proposerai une analyse de l’ensemble du dispositif, avec un renvoi vers les documents supports, dont les infographies réalisées par les élèves, ainsi qu’un retour sur le déroulement de cette journée. Mais d’ici là vous pouvez nous suivre vendredi avec le hashtag #copyparty. Nous mettrons pour cela à contribution nos élèves de BTS CGO qui dans le cadre de leur enseignement ont un module « paroles, échanges, conversation et révolution numérique ».

MàJ : Pour un compte-rendu de cette copy party sur Bibliobsession. Puis un retour d’expérience sur Cactus acide. Ou une brève de Docs pour Docs consacrée à ce projet.

Appréhender la lecture numérique (1) : petit inventaire des savoirs associés

Je prolonge ici les conclusions de ma série d’articles sur la notion de document abordée par le mind mapping. Le schéma heuristique que j’en ai extrait a placé la lecture numérique en situation de concept nodal, auquel je souhaite désormais me consacrer, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité. Il me semble, en effet, que c’est là un objet d’étude trop récent pour qu’il soit tout à fait stabilisé, du moins selon une approche info-documentaire. Aussi, puisqu’il ne constitue pas (encore ?) une entrée du Dictionnaire des concepts info-documentaires, dont je me suis servi pour la notion de « document », je me propose de prendre appui sur celui de l’association Ars industrialis dont je vais m’inspirer.

Il me semble, pour commencer, que la lecture numérique, au même titre que la lecture « classique », suppose que soit défini un projet de lecture. Celui-ci influence le parcours de lecture, qui dépend en grande partie de la culture que nous avons du domaine que nous explorons. C’est là une constante qu’il faut sans doute rappeler si l’on veut considérer l’importance de la validation des contenus, qui guide notre progression, y compris par sérendipité. C’est ouvrir, par ailleurs, tout un champ de notions info-documentaires déclinées autour de celles de pertinence et de fiabilité. Je vous renvoie, sur ce point, à cet autre schéma heuristique, afin d’en explorer l’étendue. Cela me semble d’autant plus fondamental que le contrôle des contenus, dans l’environnement numérique, hors contexte scolaire où cela peut être envisagé, se fait largement a posteriori. De sorte que la lecture numérique convoque des compétences informationnelles, selon l’acception de Philippe Perrenoud (voir le schéma), au-delà d’une stricte approche méthodologique.

Lettres montage Licence Creatives common photo credit : aloupicturesLettres montage Creative Commons Licence photo credit : maloupictures
Lettres montage Creative Commons Licence photo credit : maloupictures

Concrètement, ce projet de lecture, caractérisé par l’intention du lecteur, se manifeste lors de la navigation hypertexte. L’enjeu éducatif, pour nos élèves, consiste, il me semble, à orienter leur parcours de sorte qu’il conserve du sens, selon l’intention, et qu’il fasse sens, selon les objectifs visés. Je ne m’attarderai pas sur ce second point qui mériterait d’être abordé seul en ce qu’il engage un questionnement pédagogique et politique sur les finalités de l’École. En revanche, dans un contexte numérique caractérisé par des données informationnelles pléthoriques et une attention potentiellement distraite, apprendre aux élèves à conserver le fil de leur lecture est fondamental. Aussi me semble-t-il, sur ce point, qu’il pourrait être pertinent d’élaborer une cartographie sémantique de l’hypertexte qui donne du sens au « champ des possibles » que constitue la navigation des élèves. Il me semble par ailleurs important d’apprendre aux élèves à baliser leur progression de sorte qu’ils en conservent la mémoire. Je pense bien sûr aux sitographies, mais encore aux différentes formes  d’annotation et de marquage pour lesquelles je vous renvoie, par exemple, à la récente publication d’Olivier Le Deuff qui introduit, en outre, la notion de publication, afférente à la lecture numérique et sur laquelle je reviendrai dans une autre série d’articles. Il apparait en tout cas ici que la lecture numérique suppose l’acquisition de compétences documentaires.

Ferrocloutivipathie Creative Commons Licence photo credit : Gongashan
Ferrocloutivipathie Creative Commons Licence photo credit : Gongashan

La lecture numérique renvoie aussi à la notion d’architexte (Emmanuel Souchier), ce qui mêle cette fois compétences documentaires et informatiques, tant au niveau des équipements et de leur modèle sous-jacent (propriétaire/libre par exemple), qu’à celui du design ou encore des dispositifs.  Il me semble capital, au delà de la seule lecture du texte, d’aborder l’influence des environnements, en ce qui les caractérise, que l’on se situe du côté des matériels ou des plateformes. A cet égard, je suppose pertinente une approche selon les médias, que le rendu soit textuel, illustré ou sonore (pour ne rester qu’aux formes élémentaires). Ce qui implique des logiciels et des formats variables dont il est sans doute essentiel de connaitre les principales caractéristiques afin de pouvoir anticiper une production (en particulier pour le transmédia, structure documentaire émergente). Mais encore une connaissance de plateformes plurielles afin de ne pas rester sous la dépendance d’un dispositif unique. Je suppose capital, sur ce point, que soient appréhendés différents modèles dans une logique de comparaison. Ce serait là apporter une réponse aux enjeux sociocognitifs et politiques posés par le numérique.

Au moment de conclure je m’aperçois avoir pris pour trame, à dessein peut être, par conviction certainement, le tryptique culture des médias, documentaire et informatique de la culture informationnelle. Sur ces bases, dans une série d’articles à venir, je m’emploierai à proposer des séquences pédagogiques construites à partir de ce petit inventaire des savoirs info-documentaires associés à la lecture numérique.

N’étions-nous que des primitifs du numérique ?

Je profite de l’accalmie médiatique sur « la refondation de l’école » pour me consacrer à une lecture du rapport qui en a été publié. Particulièrement au sujet du volet qui concerne le numérique. Il ne s’agit pas tant ici de s’intéresser à ce qui y est écrit, et qui a largement été commenté, mais plutôt de s’arrêter sur une antienne jusqu’à présent tenace qui n’apparait plus : les « dangers d’internet ». Tout au plus est-il question, une seule fois (p.50), « des risques », au sujet de la fracture numérique en terme d’équipement. Dans ce contexte, mon approche de la relation entre l’École et le numérique se veut moins critique qu’anthropologique, avec pour fil conducteur la cindynique…, approche originale s’il en est, mais pas tout à fait dénuée d’intérêt, je l’espère.

La relation au danger des sociétés réputées primitives fait de l’aléa, ou matérialisation du danger, un événement empreint de fatalité. C’est un temps qualifié par des archaïsmes[1] où religion et pratiques magiques font office de régulateurs. Du moins tant que ces sociétés ne développent pas une mémoire du risque et ne concrétisent pas de volonté d’agir pour se préserver du danger. Nous sommes là, sous réserve d’éviter les amalgames sur les termes « primitif » et « archaïsme », assez proches du concept de « société froide », « ahistorique », développé par Claude Lévi-Strauss [2], où la tradition a une empreinte forte. Or, pour iconoclaste que cela soit, je suppose pertinent de transposer ce modèle à la relation qu’entreti(e)nt l’École avec le numérique. Ce qui s’est traduit, jusqu’à peu, par une non implication, voire une forme d’externalisation des responsabilités. Le concept de « digital natives », pour exsangue qu’il soit désormais (parti pris), eut sans doute ici une fonction d’alibi. Admettons d’ailleurs que cela ait pu avoir une conséquence opportune en donnant à l’École le temps long de la réflexion (qui est le sien) afin de situer sa responsabilité dans ce nouveau système en construction. Il reste que cette période de latence, caractérisée par une résilience faible, au sens géographique du terme, face à un danger perçu, assimile l’École aux sociétés primitives dépeintes ci-dessus. Cette période semble aujourd’hui révolue. En tout cas, les propositions du rapport sur la refondation vont dans ce sens.

Ce dont on ne peut que se féliciter si l’on veut bien considérer de même la relation qu’entretiennent parfois nos élèves avec le numérique, le « web » ayant les caractéristiques d’un objet totem, emprunt de magie, sous les traits de la Pythie. Il semble bien que nous retrouvions ici les conditions entretenues par les sociétés primitives dans leur rapport au danger, par méconnaissance des causes rationnelles qui régissent leur environnement. C’est adopter là le mode de fonctionnement des « sociétés fermées », selon l’acception de Karl Popper qui les assimile à des sociétés magiques. Je ne remets pas ici en cause les savoir-faire des élèves et je prends pour vrai cette conclusion du rapport selon lequel « on voit bien pourtant tout le profit que l’institution scolaire pourrait tirer à s’appuyer sur les nouvelles pratiques des jeunes » (p.20).  Or je suppose fécond le dialogue intergénérationnel. Il me semble en revanche important de déconstruire, dans le temps, cette relation à l’objet numérique pour qu’ils atteignent la majorité, au sens où l’entendait Simondon [3], dans leur approche de cet écosystème. Souhaitons donc que la proposition d’inscription dans la loi de l’Éducation aux médias (EAM) et de l’Éducation à l’information (EAI) soit adoptée selon des termes ambitieux. Encore qu’il faille identifier avec précision les enjeux

…afin d’éviter quelques écueils, en particulier, pour revenir à la tentation d’externaliser la responsabilité, par le recours à des entreprises dont le discours parfois anxiogène joue sur notre système de rétention

…; ce qui suppose une réflexion primordiale sur les contenus, le récent colloque « Translittératies : enjeux de citoyenneté et de créativité » et celui à venir sur « Les métamorphoses numériques du livre et de la lecture III« , constituants manifestement des pistes à explorer. Je souhaite en tout cas pouvoir y consacrer, en toute modestie, quelques articles à venir, dans une approche où je m’efforcerai de proposer des séquences à aborder avec les élèves.

[1] A Giddens, Les conséquences de la modernité, L’Harmattan, Paris, 1994

[2] Claude Lévy-Strauss, Tristes tropiques, 1955

[3] Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Aubier, Paris, 1969

[MàJ : 17.12.2013] Peut-être le sommes-nous encore…

Je découvre avec perplexité la création d’un permis internet à destination des élèves de CM2, dont la Gendarmerie nationale et Axa prévention sont à l’origine. Je ne crois pas qu’il faille s’étonner d’une entrée dans le web et les réseaux sociaux numériques qui se fasse par les risques. C’est là la raison d’être des assurances, ce qui justifie sans doute la présence des représentants de cette association loi 1901, qui reste tout de même affiliée à Axa, lors de la cérémonie de remise des permis. Nous avons à faire là, le secteur assurantiel, à des métiers d’argent et « prévention » ne veut pas dire philanthropie, ce qui donne sans doute un tout autre sens à la présence des parents.

Je ne pense pas non plus qu’il faille s’étonner de l’absence des représentants de l’École, du moins dans la liste communiquée sur la page web de Axa prévention consacrée à cette opération. La stratégie de ce groupe pourrait être assez clair dans sa volonté d’occuper un espace sur lequel l’École se fait attendre. La complémentarité entre Axa Prévention, pour le volet prévention, et Axa, pour le volet réparation, pourrait à terme fonctionner pleinement. De fait, ne pas mentionner les représentants de l’École marque un peu plus son absence de prise de responsabilité quand il s’agit justement de constituer une « chaîne unie pour accompagner les enfants dans un usage sûr et responsable d’Internet ».

En revanche, je dois admettre être déconcerté par le soutien que concède l’institution scolaire à cette démarche. Sans doute faut-il du temps à l’École pour qu’elle se donne les moyens de relever les enjeux posés par le « numérique ». La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République en a posé les premiers jalons dont les mises en œuvre concrètes sont attendues avec impatience. Considérer l’Internet et les réseaux sociaux numériques sous l’angle unique des dangers et des risques est une lecture partielle et partiale, insuffisante pour développer chez les élèves, dès leur plus jeune âge, des savoirs et des compétences qui, à terme, doivent leur permettre de porter une distanciation critique sur ce que sont ces objets. Sur ce point, les 12 propositions pour l’élaboration d’un curriculum info-documentaire du GRCDI, apportent des éléments de réponse on ne peut plus d’actualité.

Projet « Historiae » : pistes de réflexion

Après avoir envisagé l’éventualité d’une évolution du projet « Historiae », je me propose de développer quelques pistes de réflexion suite à une séquence achevée avec des élèves de seconde. En liminaire je souhaite insister sur le fait qu’il ne s’agira là que d’hypothèses non généralisables, compte-tenu de la seule vingtaine d’élèves concernés. Aussi, si mes observations trouvent quelques échos chez vous ou si, au contraire, elles vous sont lointaines, je vous invite à commenter cet article.

Où l’on reparle du copier-coller

S’il est vrai que l’essentiel des groupes a réalisé un travail satisfaisant je regrette de ne pas pouvoir publier les articles écrits par les élèves. Flagrante ou plus édulcorée, la part de copier-coller y est malheureusement trop systématique pour que cela soit possible. Aussi je reprends l’une des conclusions développées dans un article précédent. Il semble qu’il y ait une difficulté réelle à réécrire, pour certains élèves, avec leurs mots, des contenus. Ce qui peut résulter d’un défaut de compréhension, donc d’appropriation.

Mais il est vrai aussi, et peut être surtout, qu’ils sont peu familiarisés avec cette contrainte d’écriture qu’est le style journalistique. Or si celui-ci a en commun avec le style encyclopédique (rappelons ici le recours méthodologique des élèves à « Wikipédia ») l’importance de la présentation des faits, il n’est en revanche pas neutre. C’est là toute l’influence d’une politique éditoriale selon la source. Il me semble donc, ce que je n’ai manifestement pas suffisamment fait, qu’il serait pertinent d’insister davantage sur la mise en contradiction des différentes thèses défendues. En les cartographiant, par exemple, que les auteurs apportent une explication rationnelle ou irrationnelle aux énigmes historiques traitées par les élèves. Ce faisant, il pourrait ensuite leur être donné pour consigne d’argumenter selon leur propre conscience, de sorte qu’impliqués eux-mêmes, ils soient conduits à se situer dans le débat contradictoire.

Contradiction Creative Commons licence photo credit : topastrodfogna
Contradiction Creative Commons licence photo credit : topastrodfogna

Susciter l’esprit de contradiction…

Au-delà du jeu de mot, il est sans doute important de rappeler que les élèves sont peu familiarisés, avant le lycée, avec les notions d’argumentaire et de contradiction. Ce n’est pas là une critique mais le simple constat d’une progression, cohérente du reste, qui voit nos élèves aborder plus systématiquement ces questions en ECJS pour le débat et en TPE pour la problématique. Il me semble cependant, en toute modestie, que ce modèle pourrait gagner à être réactualisé dans la mesure où il est fondé sur un unique contrôle a priori du savoir, aujourd’hui dépassé. Nous savons qu’internet a modifié ce paradigme en introduisant la nécessité d’un examen a posteriori face à la multiplicité de publications qui concourent à la fragilisation du concept d’ « autorité ». Rapporté au projet Historiae, la compétence des professeurs documentalistes se situe probablement à ce niveau, complémentaire de l’attachement des historiens à la recherche des faits, et des professeurs de lettres à la recherche du style.

Open source water Creative Commons licence photo credit : Schoschie
Open source water Creative Commons licence photo credit : Schoschie

Vous avez dit critères d’évaluation..?

Une seconde partie du travail demandé aux élèves consistait en la détermination, par eux dans un premier temps, puis avec ma remédiation, de critères d’évaluation qui nous permettent de considérer si les sites qu’ils avaient consultés étaient a priori fiables ou non. Singulièrement, et je suis d’autant moins porté à généraliser que ce cas ne s’était jamais produit, les élèves n’ont pas compris, malgré plusieurs explications sur ce terme, ce que j’entendais par « critères d’évaluation ». Si une première explication peut tenir au fait que je me sois sans doute mal exprimé ou que ma consigne n’était pas claire, la raison est peut-être à trouver ailleurs. La non reconnaissance du mot « critère » par les élèves, dans ce contexte particulier, laisse supposer qu’il n’est pas signifiant, pour eux, dans leur évaluation de l’information. En conséquence, il me semblerait opportun, pour préparer au débat et à la problématique sans doute, mais surtout en soi, d’aborder systématiquement, et non occasionnellement, quand c’est encore le cas, cette question de la fiabilité en collège. C’est un  enjeu fondamental.

Les deux groupes qui travaillaient sur l’assassinat de JFK ont été confrontés à une difficulté qu’ils n’ont pas vu. Les élèves se sont appuyés sur un site d’extrême droite pour réaliser leur travail. Il ne s’agit pas ici de blâmer des élèves de seconde qui peuvent ne pas être familiarisés avec la terminologie et la symbolique identitaire. De même que je ne crois pas utile de réagir trop vivement face à un élève qui, piqué au vif dans sa relation quasi matricielle au web, ne voit pas de problème à passer par un site d’extrême droite pour construire son travail. Il en va ici davantage de la responsabilité de l’enseignant à aborder avec les élèves ces infopollutions en les replaçant dans les enjeux politiques et axiologiques qui feront sens progressivement, au collège et au lycée, chez des élèves en quête d’une majorité émancipatrice.

C’est sans doute là faire appel au philosophe, qui recherche la vérité.