« Didactiser » la notion de Média : contextes

Dans le prolongement des articles que j’ai écrit l’année scolaire dernière sur la lecture et l’écriture numérique, je souhaite m’arrêter sur la notion de « média(s) » dont j’observe que les mutations, dans le contexte médiatique du web, complexifie son enseignement auprès des élèves. Cela me semble d’autant plus vrai qu’un flou subsiste sur l’acception du terme « médias », traditionnellement associée à la presse, du moins dans l’approche qu’en fait le Clemi dont il ne s’agit pas ici de faire la critique. J’y vois plutôt un nouvel âge qui ne doit surtout pas être une rupture, mais faire l’objet d’un (re)questionnement, ce que ne manque pas de faire le Clemi, à l’occasion de son trentième anniversaire.

La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République impose d’ailleurs que dorénavant « au collège, l’éducation aux médias, notamment numérique, initie les élèves à l’usage raisonné des différents types de médias et les sensibilise aux enjeux sociétaux et de connaissance qui sont liés à cet usage. » Le législateur reprend en cela les préconisations de l’UNESCO dont on consultera avec intérêt « L’Education au médias et à l’information : Programme de formation pour les enseignants » (2012). Ce document me semble d’autant plus souhaitable à lire par les professeurs documentalistes qu’en matière d’EMI, dans le référentiel de compétences professionnelles, un rôle spécifique leur est reconnu pour dispenser un enseignement et servir l’acquisition de savoirs par les élèves.

J’attire par ailleurs votre attention sur la publication récente des « Compétences en éducation aux médias : un enjeu éducatif majeur« , manifestement inspirée de la matrice conceptuelle en littératie médiatique de Thierry De Smedt et Pierre Fastrez, d’ailleurs membres du groupe de travail qui a œuvré à la réalisation de ce document. L’on y trouve une définition de ce qu’est un « média », à savoir « un objet [qui] doit disposer d’une couche symbolique, lui permettant d’évoquer un concept […] par l’intermédiaire de codes […] partagés au moins partiellement avec autrui [et] il doit être constitué d’une couche technique, d’un matériau plus ou moins complexe, configuré de telle sorte qu’il porte la couche symbolique […] là où le média doit parvenir« . Il me semble que cette définition est intéressante en ce qu’elle permet d’éviter toute confusion avec les « médias », qui sont en fait le « média source », envisagés trop exclusivement sous l’angle de la presse et de l’information journalistique. On y retrouve en tout cas les caractéristiques du « document » (information et support) auxquelles viennent s’ajouter, pour le média, les principes de création (ou expression) et de transmission intentionnelle (ou communication).

Pour avancer plus avant dans la délimitation du cadre théorique dans lequel j’entends situer la série de billets à venir, je souhaite mettre l’accent sur l’approche non anxiogène dans ce travail du CSEM. Il était plus qu’urgent de sortir des antiennes du « risque » et des « dangers » d’internet. Il me semble que la crédibilité du discours enseignant peut souffrir de ce genre de propos, en rupture avec la culture médiatique des élèves. Je trouve par ailleurs particulièrement opératoire la double entrée qui distingue les médias en tant qu’objet informationnel (forme et signification), technique (processus de production et fonctionnement) et social (communication) d’une part, et les tâches de la littératie médiatique : lecture, écriture, navigation et organisation.

En revanche, j’émets une réserve, toute relative puisque ce n’est pas l’objet de cette matrice, sur ce que recouvre l’entrée dans les savoirs par les compétences. Manifestement, celle-ci inclut des savoirs déclaratifs, ce qui est une bonne chose, mais sans toutefois aller dans le détail. Il y a quelque chose de frustrant derrière la formulation « le lecteur compétent« , « l’auteur compétent« , « le navigateur compétent » et « l’organisateur compétent […] est capable de« . La tâche est de toute évidence considérable, mais un travail de didactisation reste à accomplir pour déterminer les contenus. Sur ce point, je renvoie le lecteur au « Dictionnaire des savoirs info-documentaires » ou au Wiki InfoDoc qui sont à même d’apporter des éléments de réponse pour qui souhaiterait formaliser une séquence ou une séance pédagogique.

Pour ma part, j’entends m’appuyer sur la matrice conceptuelle de la littératie médiatique afin de vous proposer des séquences ou pistes de réflexion qui participent de la mise en œuvre de l’éducation aux médias et à l’information (en attendant mieux qu’une « éducation à »). Je vous proposerai donc, sous réserve d’une modification de ce plan, car j’ai déjà abordé en partie certains de ces points, quatre articles qui aborderont la lecture, l’écriture, la navigation et l’organisation selon les trois axes informationnel, technique et social. Je pense, par ailleurs, consacrer un billet aux médias, cette fois sous l’angle de la presse et de l’information journalistique.

Dont acte .

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