Une invitation au voyage dévoyée

Vous vous souvenez tous du « voyage voyage » de desireless. La chanson a été reprise par une chanteuse belge nommée Kate Ryan. Au niveau audio, la chanson a été réactualisée façon club. Jusque là, rien de choquant.

Mais le clip nous invite à bien d’autres voyages que ceux évoqués dans la version originale. Dans la première version, les voyages invitaient à aller vers l’autre, à la découverte de son prochain, qu’il vive sur le Gange ou sur  l’Amazone. Les mauvaises langues diront que le voyage était quelque peu impulsé par les paradis artificiels. Chez Kate Ryan, on change de dimension, on est emmené dans des lieux qui sont le support de la richesse la plus extravagante, avec voiture de luxe, et piscine. Pour un peu, on se croirait dans la villa d’un grand ponte de la cocaïne.

Ce voyage- si on s’inspire un peu des propos de Séguéla- revient à dire : « si à 30 ans tu peux pas te payer une villa de plusieurs millions avec la voiture et la fille qui va avec, et bien t’as raté ta vie! » La chanteuse n’est pas en reste, puisqu’elle invite également à d’autres voyages moins spirituels à en juger par les tenues sexy qu’elle arbore. Il faut aussi reconnaitre que ce clip n’est pas le seul à véhiculer de tels clichés. Ces images finissent quand même par être intégrées par les jeunes générations.  Ce qui signifie qu’il est grandement temps de développer la formation dans l’étude de l’image et notamment des clips Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage, mais encore faut-il savoir de quel voyage il s’agit. Reste à souhaiter que l’agence de voyage Kate Ryan connaisse la crise.

La reprise de Kate Ryan

La version originale de Désireless (moins coke et bien plus pétard notamment au niveau capillaire)

Je reviendrai peut-être sur d’autres clips de Kate Ryan aux significations bien gênantes et qui devraient faire hurler les féministes qui ne luttent pas assez au machisme latent présent dans ce genre de clips.

  1. mookiefl, THE VOYAGE OF LIFE: YOUTH by Thomas Cole, Juillet 28, 2007, Flickr, http://www.flickr.com/photos/lops/935512626/. (the National Gallery of Art )

Cactus acide a un an

Le projet cactus acide vient de passer sa première année avec quelques réussites et quelques difficultés également.

La réussite vient du nombre  de visites qui  avoisinent les 80 000 visites sur cette première année, ce qui représentent entre 200 et 300 visites par jour.

L’essentiel des visiteurs vient notamment consulter la veille de Christine Griset, qui est de loin la plus active sur le site.

Et c’est là, que j’en arrive aux échecs. Personnellement, je n’ai pas pu vraiment réaliser certains articles que je désirais faire en analyse de médias et de vidéos, en grande partie faute de temps. De même, quelques problèmes techniques, notamment en ce qui concerne le flux rss, ont entravé la bonne marche.

J’espère toujours recruter de nouveaux rédacteurs, jeunes et moins jeunes. Je pense qu’il serait intéressant que certains blogueurs peu visibles puissent trouver ici une tribune intéressante. Je songe notamment aux blogueurs qui préparent ou ont préparé le capes.

En même temps, les plus « vieux » n’ont pas trop montré l’exemple. On n’est pas parvenu à publier beaucoup plus. Finalement, une dizaine de projets d’articles sont restés dans les cartons, notamment faute de temps, du fait d’acteurs déjà bien investis.

De même, sur la semaine de la presse, cactus acide, n’a pas été trop dans le coup, il faut bien le reconnaître.

Je souhaitais cette année m’inscrire dans une stratégie de rédacteur en chef, mais je n’ai pu monter aucune équipe réellement opérationnelle. L’idéal serait de cloner Christine, mais ce n’est pas faisable.

En conclusion, le site a besoin d’un second souffle. Et je suis prêt à laisser l’initiative à de nouvelles personnes, y compris en matière de design.

Le site ne recevant pas de publicités, ni aucun support financier, il n’a rien a gagné, si ce n’est la reconnaissance de ses pairs et le développement de certaines compétences.

L’idéal serait une équipe mixte, mêlants des aguerris et des novices qui sont prêts à prendre des responsabilités.

Pour conclure, Cactus acide a plutôt bien fonctionné, donc il faut tout changer (sauf Christine sans quoi le cactus va vraiment être dans le désert)  et sans doute de « patron » aussi.

Il y a vraiment de quoi faire sur le sujet. Un nouveau site d’ailleurs vient de faire son apparition sur un sujet connexe en matière d’analyse de l’image, ce qui démontre les besoins.

C’est donc parti pour la cactus acide academy où on ne recale personne (ou presque) !

1. PhOtOnQuAnTiQuE, PhotonQ-Bon Anniversaire Gisela = ), Mai 25, 2007, Flickr, http://www.flickr.com/photos/photonquantique/512186976/.
1. PhOtOnQuAnTiQuE, PhotonQ-Bon Anniversaire Gisela = ), Mai 25, 2007, Flickr, http://www.flickr.com/photos/photonquantique/512186976/.

Photo de l’édito : Dan Kelliher, Tablesetting by Liz, Juin 5, 2004, Flickr, http://www.flickr.com/photos/deekelly/76427802/.

Compte-rendu du Colloque international « Cinquante ans d’histoire du livre », 11-13 décembre 2008

« Cinquante ans d’Histoire du livre. De l’Apparition du livre (1958) à 2008 : bilan et perspectives d’une discipline scientifique » est un colloque international qui a eu lieu à Lyon-Villeurbanne du 11 au 13 décembre 2008, conjointement organisé par l’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (ENSSIB), la Bibliothèque municipale de Lyon et l’Ecole pratique des hautes études (EPHE). Ce colloque se veut un hommage à Lucien Febvre et à Henri-Jean Martin, créateurs, avec leur ouvrage fondateur L’Apparition du livre en 1958, de l’ « école de l’histoire du livre ».

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La première demi-journée fut placée sous le signe de cet « héritage de 1958 », un retour aux sources pour mieux visualiser le chemin parcouru : l’introduction historique par Dominique Varry (1) et Frédéric Barbier (2) a posé les jalons de l’histoire de cet ouvrage qui parle lui-même de l’histoire du livre. Jean-Dominique Mellot (3) a poursuivi le récit en présentant le « moment historiographique » qui sépare la parution de ce premier ouvrage de H-J Martin et L. Febvre d’un second, tout aussi fondamental, rédigé par H-J Martin trente ans plus tard : Histoire et Pouvoirs de l’écrit, en 1988. Henri-Jean Martin, avec cet ouvrage, passe de l’étude du livre à celle de l’écrit, et en étudie non seulement la matérialité et les usages mais également les effets sur les sociétés, ce qui est nouveau. Valérie Tesnière (4), quant à elle, a présenté une étude débutant « en amont » par le contexte scientifique dans lequel  H-J Martin et Febvre ont évolué dans les années trente (XXe siècle), puis présentant l’apport mutuel, en dialogue, de ces visées novatrices qui ont abouti dans leur collaboration, jusqu’à la rédaction, par Henri-Jean Martin seul, de la dernière partie de l’ouvrage intitulée « le livre, ce ferment », qui dégage la voie à la future ouverture pluridisciplinaire des années 1970. L’intervention d’Elmar Mittler (5) a clôturé en toute logique cette première après-midi par la présentation du CERL (Consortium of European Research Libraries), fondé en 1984 par douze grandes bibliothèques européennes pour lutter contre la dispersion de l’héritage livresque européen et voué aujourd’hui à mutualiser les ressources de la recherche sur le livre.

La deuxième demi-journée a pour titre l’un des chapitres de L’Apparition du livre : « le livre, cette marchandise » : de la commercialisation du livre au XVIIIe siècle, présentée par Sabine Juratic (6) dans un exposé détaillé présentant le basculement d’une phase stable à une phase de développement au tournant de 1760, et ce de par la prolifération des ateliers typographiques, on s’est ensuite penché sur la particularité de l’histoire des techniques, issue de l’histoire de l’imprimé grâce à l’intervention d’Alan Marshall (7) ; la révolution numérique s’inscrit dans une trajectoire technologique, celle de la dématérialisation des techniques et des produits graphiques : elle est un processus global. Il s’agit donc d’approfondir nos connaissances de l’évolution de la dématérialisation, et analyser les rapprochements (jusqu’à l’effacement des frontières) avec les médias numériques. Ce fut au tour de Tanguy Habrand (8) de prendre la parole, tout d’abord pour lire la communication de Pascal Durand (8) intitulée « Apparitions, Disparitions. Esquisse en vue d’une histoire des pratiques d’édition en Belgique » et qui retrace les grandes lignes de l’édition belge, puis la sienne qui poursuit la précédente en présentant « les mutations récentes du champ éditorial belge » : d’une édition belge bégayante, présentée par Pascal Durand comme une succession de naissances et de fins au fil des conjonctures socio-économiques et politiques, et très marquée par un âge d’or de la contrefaçon qui a développé dans les esprits un « habitus techniciste », on peut remarquer une véritable accélération ces trente dernières années et un marché florissant bien qu’encore fragile.

La troisième demi-journée était consacré au « livre comme objet matériel » : il s’agissait, tout d’abord, de faire le point sur la science qui l’étudie comme tel, la bibliographie matérielle, et c’est non sans un grand nombre de références, en majeure partie anglo-saxonnes, que Dominique Varry (1) a présenté « la renaissance d[e cette] discipline » née au tournant du XIXe siècle. Tout aussi nombreuses et passionnantes furent les références bibliographiques choisies par Laurent Pinon (9) pour parler de « la difficile mise en livre des textes scientifiques » : l’exemple de Tycho Brahé est tout à fait significatif dans la mesure où cet astronome avait décidé de se retirer sur l’île d’Uraniborg pour s’autoéditer…opération qui a démontré les grandes difficultés que pose l’édition d’ouvrage à contenu scientifique (résolues par le numérique ?) : budget, mise à jour constante, illustrations, typographies, format, mise en page…le livre ne se réduit pas à un texte et c’est pourquoi Michel Melot (10) a consacré son intervention à « l’histoire du livre et l’histoire de l’image » : autrefois perçue comme un corps étranger au livre, l’image fut sortie de son carcan par Henri-Jean Martin. Désormais, le texte est vu comme une image. L’image est codée, tout comme le texte. En d’autres termes, la lettre est un code de transcription ; la lettre est elle-même une image ; l’image elle aussi est un code. Tout est lié. La table-ronde qui a suivi réunissait trois penseurs du « document à l’ère du numérique » : Jean-Michel Salaün (11), Yannick Maignien (12) et Alain Pierrot (13). Rebaptisée « la redocumentarisation », cette communication à trois voix présentait en premier lieu (JMS) une définition de ce terme, notamment par le passage d’une première documentarisation = classification / indexation / langage documentaire à la redocumentarisation = web / web sémantique / ontologies ; cette redocumentarisation, qui passe par la numérisation, n’est pas sans soulever de nombreuses questions : pour A. Pierrot, dès qu’on change de lecteur / média / support, on est face à un nouveau document. Y. Maignien va jusqu’à invoquer la dédocumentarisation pour parler de la forte intrusion du numérique. Il s’agit de redocumenter pour rendre lisibles à nouveau ces données. Le numérique est une force de dispersion qu’il faut savoir retourner pour au contraire la faire converger : en réponse à la dédocumentarisation, la mutualisation.

La quatrième demi-journée, dont le thème général était « le livre, ce ferment », fut une invitation au voyage, et surtout à la mutualisation de la recherche scientifique : concernant « le livre dans l’antiquité gréco-romaine », Christian Jacob (14) a présenté les étapes successives de la notion de livre dans l’antiquité, et ce, par des modes de production/réception/circulation multiples. En quelques siècles on assiste à la naissance et au développement d’une culture, où l’écrit prend une place prépondérante jusqu’à la création de la bibliothèque d’Alexandrie. Ce fut au tour de Ludovica Braida (15) de nous présenter une « histoire des genres de large circulation et une histoire de la lecture en Italie ». Il est à noter que contrairement à la France, l’Italie ne suit pas une orientation méthodologique propre en matière d’histoire du livre ; trois spécialistes sont à connaître dans le domaine : Luigi Bassamo, Marino Berengo, et Armando Petrucci. Istvan Monok (16) a donné un aperçu de la recherche sur les « bibliothèques privées et la lecture à l’époque moderne » en Europe depuis la création du livre. Il existe des phénomènes de culture émettrice (qui diffuse des livres) et de culture réceptrice (qui en acquiert) : l’histoire des bibliothèques privées en Hongrie est marquée par la culture réceptrice, contrairement à l’Europe occidentale. Il s’agit donc de reconsidérer, au vu des résultats de la recherche, la notion d’ « espace culturel ». Frédéric Barbier (2) a, lui, démontré dans son exposé (« Du XVe au XXIe siècle : le monde du virtuel ») que le livre, dès l’invention de l’imprimé (à distinguer de l’invention de l’imprimerie), est un ferment, porteur de ces éléments novateurs tels que les étiquettes, les métadonnées, créées pour appréhender la masse d’information dès lors imprimée, et permettre l’interactivité du lecteur avec son support. On note donc que le rôle décisif du médium est repéré dès l’invention de l’imprimerie. La science du livre est la science des sciences, puisqu’elle permet de systématiser l’accès aux connaissances. Avec les « nouveaux médias », le caractère virtuel s’est généralisé…ce qui n’est pas sans dangers.

La cinquième et dernière demi-journée avait pour thème : « Nouvelles approches, nouveaux problèmes ». Que deviennent notamment la figure de l’auteur, la bibliothèque face aux évolutions ? A travers une « Anthropologie de l’auteur de la première modernité », Raphaële Mouren (17) s’est demandé pourquoi on écrit un livre à l’époque moderne et a fait émerger les notions de désauctorialisation, de co-auctorialité, et de décontextualisation de la textualité. Robert Damien (18) a évoqué l’œuvre de Gabriel Naudé, Bibliographie politique (1639), pour présenter les rapports entre la philosophie et les bibliothèques de la sphère politique. L’« Institution de la bibliothèque » possède donc un véritable rôle constitutif dans la raison d’Etat. Et dans son « Anthopologie de la bibliothèque », Anne-Marie Bertrand (19) a rappelé qu’il faut distinguer histoire du livre et histoire des bibliothèques, dans la mesure où l’histoire du livre est un segment scientifique et l’histoire des bibliothèques un objet de recherche scientifique. Anne-Marie Bertrand a également rappelé que de nos jours un certain nombre de questions se posent autours de la médiation en bibliothèque, de l’émergence d’un certain individualisme (l’usager, un client), et de la notion d’artefact (concevoir le texte comme un processus).

Le colloque s’est terminé par les conclusions de Roger Chartier (20), qui a proposé une synthèse des grandes réflexions qu’ont fait émerger les différents intervenants :

  • Situer l’histoire du livre dans l’ensemble des pratiques, de la production d’une culture écrite :

– Importance maintenue de la production manuscrite à l’âge de l’imprimé

– Imprimer sans rendre public / rendre public sans publier

– Effets du développement de l’imprimerie : développement de l’écriture manuscrite (invitation à l’interactivité dans les livres)

– Autre rapport entre culture écrite et publication de livres : le livre imprimé norme l’écriture manuscrite

– Dans des projets nouveaux, la catégorie de la culture écrite est plus importante que la notion-même d’histoire du livre.

  • De la circulation des textes imprimés :

Rassemblement : processus de réunion de textes dans une œuvre incarnée, un corpus. L’imprimé renforce l’idée de la matérialité d’un objet, son contenu, son nom propre (définition de Kant sur ce qu’est un livre).

– Fragmentation : à des fins didactique/pédagogique (du genre des « morceaux choisis » du XVIIIe siècle) ; mais aussi dans une volonté de conservation, crainte de l’excès, et crainte de la perte. On rêve du livre unique, le livre de tous les livres.

  • Matérialité et Mobilité des textes :

– Mobilité des textes : fixité/standardisation de l’imprimé. Tout accueil fait à une œuvre suppose des rééditions, des variations entre les exemplaires d’une même collection. Il s’agit de suivre l’appropriation d’une œuvre par des lecteurs différents.

– Matérialité des textes : se pose alors la question de l’articulation parole vive/écrit imprimé, suscitant des appropriations différentes. La matérialité du texte est l’attention portée aux modalités d’inscription sur la page, étudiée avec tant de soin par la bibliographie matérielle. Pour McKenzie par exemple, les sens dépendent des formes.

  • Evolution de l’histoire du livre :

– Intervention des « premiers lecteurs » : censeur, éditeur-libraire, correcteur, compositeur. Ces acteurs vont jouer un rôle primordial dans le façonnage du livre. Notion de dessein éditorial.

– Une certaine « frenchness » dans l’histoire du livre sur le plan socio-culturel où l’on établit une parenté entre histoire du livre et histoire des sciences (notamment avec le rapport texte-image, mais au-delà).

– Réflexion sur les nouveaux supports : constat d’une très longue durée de mutation (technique, morphologique, intellectuelle et culturelle), prise de conscience de lien entre ces types de mutation.

En guise de conclusion plus personnelle, il me semble que le colloque « Document numérique et société » (CNAM, 17-18 novembre 2008) complète parfaitement les questions qui ont été soulevées quant à l’avenir du document numérique.

 

Notes :

1. Dominique Varry : Enssib – Villeurbanne
2. Frédéric Barbier : Ecole pratique des hautes études IVe section – Paris
3. Jean-Dominique Mellot : Bibliothèque nationale de France – Paris
4. Valérie Tesnière : Inspection générale des bibliothèques – Paris
5. Elmar Mittler : Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek
6. Sabine Juratic : Institut d’histoire moderne et contemporaine (CNRS/ENS) – Paris
7. Alan Marshall : Directeur du Musée de l’imprimerie – Lyon
8. Tanguy Habrand et Pascal Durand : Université de Liège
9. Laurent Pinon : ENS – Paris
10. Michel Melot : Conservateur général honoraire des bibliothèques
11. Jean-Michel Salaün : EBSI Université de Montréal
12. Yannick Maignien : TGE ADONIS CNRS – Paris
13. Alain Pierrot : I2S – Pessac
14. Christian Jacob : Centre Louis Gernet/INHA – Paris
15. Ludovica Braida : Université de Milan
16. Istvan Monok : Directeur général de la Bibliothèque nationale de Hongrie – Budapest
17. Raphaële Mouren : Enssib
18. Robert Damien : Université de Paris X – Nanterre
19. Anne-Marie Bertrand : Directrice de l’Enssib
20. Roger Chartier : Collège de France – Paris

source image édito :
  1. Riccardo Cuppini, Cursed Book, Janvier 27, 2008, Flickr, http://www.flickr.com/photos/cuppini/2223744169/.

Le blogueur au cœur de l’histoire

Parfois, il est tentant d’effectuer des projections historiques voire anachroniques. Un peu à l’instar de la célèbre interrogation de Pascal sur la longueur de l’appendice nasale de la reine Cléopâtre, nous pourrions nous demander ce qui serait advenu si le blog avait existé quelques années voire quelques décennies plus tôt.

Entreprise assurément vaine puisque nous ne pouvons pas refaire le passé, mais tellement motivante si nous sommes un tantinet amateur de politique fiction voire des styles d’utopie à rebours. Imaginons-nous donc en train de bloguer quelques années en arrière…en 1995 à une époque où l’Internet et le web existe déjà mais ne touchent encore qu’une infime partie de la population. Imaginons-donc que non seulement le blog existe à cette époque et que l’ensemble des moyens actuels sont à notre disposition pour s’informer, informer et débattre.

La question est dès lors la suivante : le conflit yougoslave aurai-il pu se produire de la même manière ?

Si nous posons la question, c’est évidemment que nous sommes convaincus du contraire. A l’inaction des gouvernements européens de l’époque face à des conflits pourtant frontaliers, nous aurions pu imaginer une réaction en chaine sur le web, dénonçant les méfaits des Vladic et Karadzic et exhortant nos dirigeants à réagir au plus vite. Si nous écrivons ces lignes, c’est qu’à l’époque nous avions ressenti un fort désir d’expression non assouvie si ce n’est par quelques lettres notamment à Amnesty International. Avec le blog, la manifestation de son ressenti ait plus aisée et surtout elle permet plus facilement de s’inscrire dans une chaine de réaction commune, un processus commun qui alerte. Le blog peut être un instrument politique et nous en sommes convaincus. Il constitue un prolongement du dispositif de veille au sens à la fois informationnel puisqu’il s’agit de véhiculer l’information et de la commenter mais également au sens de prendre soin et notamment de l’autre, de celui qui est en difficulté. Il permet de casser l’isolement et forge ainsi un dispositif, à condition que le blog ne soit pas autarcique, de responsabilité individuelle et collective qui permet de réagit face aux abus de pouvoir. Nous pouvons rappeler ici, l’affaire Garfield, l’histoire de ce principal démis de ses fonctions pour des raisons abusives liées à son blog et qui a reçu le soutien de milliers de blogueurs ce qui a permis une reconsidération de la sanction.

S’interroger sur l’existence d’un dispositif technologique actuel en d’autres temps n’aurait pas de sens si nous nous en arrêtions là. Nous pourrions remonter ainsi le cours de l’histoire pour s’interroger sur les pires moments de l’humanité. La question est donc désormais : et maintenant ?

Il ne saurait être utile de vouloir s’inscrire dans une révolte permanente et au final inefficace. Le blog n’est pas le rocher de Sisyphe, ce n’est pas un fardeau mais une inscription au sein d’un processus qui permet d’assumer sa part de veille. C’est un peu participer non pas à une opinion irréfléchie mais à une démarche constructive. Il ne s’agit pas de faire du blogueur un Zola accusateur, tous n’en ont pas le talent et la légitimité mais d’en faire un citoyen pouvant faire état de sa capacité à veiller sur les autres. Le blogueur n’est pas un journaliste, il est plutôt éditorialiste ce qui lui permet de transmettre sa propre analyse d’un phénomène, il n’a pas devoir d’informer même s’il peut le faire, il a principalement le devoir d’alerter. Néanmoins, le blogueur n’a pas l’assurance d’être écouté. Il n’est qu’un prophète parmi d’autres et seule sa capacité à convaincre et à voir relayer ses propos lui permettra d’obtenir un écho favorable. L’acte de bloguer est donc éminemment social et les réseaux sociaux peuvent faciliter ce travail car il ne suffit pas au blogueur d’espérer un jugement favorable au tribunal de l’histoire, il doit s’inscrire dans la continuité du présent.

lee. (2006). not afraid. Retrouvé Septembre 13, 2008, de http://www.flickr.com/photos/leecullivan/151076654/.

Diary of the dead : Et in Arcadia Ego

Le dernier film de Romero, Diary of the dead, n’est pas un simple film d’horreur ou une série B que les adolescents aiment voir en groupe pour se faire peur.

Non, ce film aurait pu s’intituler Et in Arcadia Ego tant il recouvre parfaitement le concept d’Arcadie dont j’avais parlé il y a près d’un an.

Car les morts-vivants, c’est nous et Romero se plait à jouer sur l’ambiguïté du mot shoot (qui signifie à la fois tirer mais aussi filmer) Finalement avec l’invasion technologique et la surabondance d’informations générées par la mise en ligne des films amateurs, il devient impossible de distinguer la vérité qu’elle émane des autorités ou des amateurs.

La seule certitude c’est que nous pouvons être atteint de manière virale par la maladie, un buzz auquel il est difficile d’échapper. Au sein de cette Arcadie, nous sommes tous filmés inexorablement, dépourvus de notre substance vitale, de notre capacité à réflèchir et à s’affirmer en tant qu’individu. Nous sommes en passe de devenir ainsi des morts-vivants.

Les morts vivants avancent sans réelle réflexion, ils ont perdu leur âme. Nous pouvons y retrouver la croyance de certaines ethnies qui refusaient la photographie. Les morts-vivants ont surtout perdu leur esprit critique et le personnage qui souhaite tout filmer, le fait dans un but de dévoilement de vérité mais cette quête semble vaine tant l’âge de la vitesse finit par l’emporter. Au final, il ne devient plus qu’un instrument de l’Arcadie.

Le film de Romero n’est donc ni une simple critique des médias traditionnels ni une critique des vidéos amateurs mais une interrogation sur notre capacité à se détacher et à voir de nos propres yeux.

Quelques éléments de réflexion également sur le site des inrocks.

Source de l’image :

Cullman, R. (2007). George A. Romero. Retrouvé Juin 30, 2008, de http://www.flickr.com/photos/wordfreak/1246599283/.

Christine Griset veille pour vous !

Vous l’avez sans doute remarqué, Christine Griset vient de rejoindre l’équipe de cactus acide pour vous proposer une veille diverse et variée sur des sujets qui peuvent intéresser les différents lecteurs de cactus acide.

Christine Griset est professeur documentaliste en établissement et vous avez déjà rencontré son nom sur les listes de diffusion. Désormais son travail figurera sur le site.

Cette synthèse sera régulièrement disponible sur cactus acide et permettra aux lecteurs de repérer une information qui auraient pu leur échapper.

Un peu de culture, un peu d’information, un peu de culture de l’information, voilà un bon cocktail pour une veille à consommer sans modération. Voilà qui confirme bien, que veiller c’est aussi prendre soin.

N’hésitez pas à faire part de vos commentaires et vos suggestions. Cactus acide accueille toujours vos propositions d’articles. Il y a encore de la place dans l’équipe des rédacteurs.

source photo :

R1CARD0. (2008). E550 with telescope finder. Retrouvé Mai 21, 2008, de http://www.flickr.com/photos/bemvindo/2244184579/.

Intérêt pour le professeur documentaliste de la carte conceptuelle lors de la veille – I. en tant que documentaliste

La veille suscite l’intérêt pour la veille.

Tout est parti de La Bibliothèque numérique de l’Enssib, qui propose le flux rss de ses nouvelles acquisitions, et parmi les plus récentes, un chapitre du prochain ouvrage collectif (prévu pour septembre 2008 aux éditions Hermès) coordonné par Jérôme Dinet, intitulé « Usages, usagers et compétences informationnelles au XXIème siècle ». Ce chapitre, qui nous est offert en avant-première par l’Enssib, s’intitule « Veille et nouveaux outils d’information » et a été écrit par Elisabeth Noël. Ainsi c’est à la lecture de ce document que j’ai réalisé l’intérêt véritable de la carte conceptuelle dans la démarche de veille.

Elisabeth Noël est l’auteur d’articles fort intéressants sur le web et l’information literacy, comme par exemple Les outils de traitement et d’exploitation de l’information : un préambule, qui est également consultable sur le site de la Bibliothèque numérique de l’Enssib. Dans « Veille et nouveaux outils d’information », elle évoque justement le Mind Mapping : les cartes heuristiques sont décrites comme des outils très utiles, dans la mesure où elles « permettent de noter des relations, d’associer des concepts ». Leur utilité est présentée comme particulièrement grande dans la première phase du cycle de la veille, la « phase amont », également appelée phase de ciblage , correspondant à une « définition précise du sujet de la veille : après avoir défini le domaine et les axes de recherche sur lesquels la veille doit être menée (aspects financiers, juridiques, techniques…) ; il s’agit de choisir les mots-clés pertinents qui en permettront la surveillance, mais aussi les sources à observer […], tout cela en fonction des objectifs précis associés à la veille ».

Il me semble alors tout à fait intéressant d’imaginer une démarche semblable en tant que professeur-documentaliste, tant pour le travail de « professeur » que celui de « documentaliste ».

Nous allons voir son intérêt pour le « documentaliste », et celui pour le « professeur » sera abordé dans le prochain article.

FlickR - by k0a1a.net

En tant que « documentaliste », c’est-à-dire en tant que gestionnaire d’un centre de ressources à adapter au public qui le fréquente, aux programmes et thème de recherche de l’année, mais aussi à renouveler en fonction de l’actualité : la veille basée sur le Mind Mapping (de nombreux logiciels, dont certains sont utilisables directement en ligne, ne nécessitant aucun téléchargement, sont disponibles sur internet) permet la constitution d’un document, d’une carte réunissant et classant les thématiques de veille et affinant les domaines de veille au fil des ramifications ; cette « mise à plat » permet une bonne visualisation générale, et pour favoriser cette clarté et cette visibilité des idées, les logiciels proposent généralement le choix des couleurs pour chaque ramification, l’ajout d’icônes, l’insertion de liens hypertextes voire d’éléments multimédias.

Ce travail de veille peut donc s’avérer très utile pour la gestion du cdi, et le professeur-documentaliste peut également proposer à ses collègues de mettre ses compétences à leur service en leur proposant un outil de veille sur leur discipline. La constitution d’une carte conceptuelle en ligne permettant de cibler les besoins peut alors être envisagée de manière collaborative.

Suite de l’article : « Intérêt pour le professeur documentaliste de la carte conceptuelle lors de la veille – II : en tant que professeur » à paraître…

[illustration : image publique FlickR – auteur : k0a1a.net]

Le moulin à paroles de Christian Jacomino

A ma demande, Christian Jacomino a eu la gentillesse de nous présenter son projet « moulin à paroles » et de nous donner quelques explications et pistes quant à son utilisation.

Bonjour,

Je m’appelle Christian Jacomino, je suis le directeur des ateliers Voix haute de lecture et de pédagogie du français. Et, pour répondre à l’invitation d’Olivier, je me propose de vous dire quelques mots concernant le Moulin à paroles, qui est un jeu de lecture et de mémorisation de textes littéraires que j’ai conçu pour nos ateliers.

Il y a bien longtemps que je travaillais à ce concept et ces derniers jours seulement je suis parvenu à une forme assez simple et assez pure pour que l’envie me vienne de télécharger quelques prototypes sur Internet.

Le nom tout d’abord.

On sait que l’expression ‘Moulin à paroles’ désigne chez nous une personne bavarde, une pipelette. Et nous avons ici un jeu de lecture, où la lecture se fait à mi-voix, si l’on est seul devant l’écran de son ordinateur, ou à voix haute et claire si l’on est devant un grand écran de vidéoprojection ou devant un Tableau Blanc Interactif.

Mais nous ne sommes pas très loin non plus du Moulin à prières, c’est-à-dire du petit instrument ayant la forme d’un cylindre creux, qui tourne sur un axe et qui renferme des bandelettes de papier ou de tissu sur lesquelles sont inscrites les prières du bouddhisme.

Un Moulin à paroles porte sur un texte du patrimoine littéraire. Ce week-end j’ai réalisé et téléchargé les Moulins à paroles du Clair de Lune de Paul Verlaine, des Saltimbanques de Guillaume Apollinaire et de Demain, dès l’aube de Victor Hugo…

Beaucoup d’autres suivront. Vous les trouverez en liens sur notre site, à l’adresse voixhaute.com.

Voilà, j’attends vos remarques et vos suggestions. Et surtout, le Moulin à paroles est fait pour être pratiqué, seul ou comme un jeu de société. Il n’y a pas de contre-indication. N’hésitez pas à en usez et à en abuser.

Carto 2.0, la cartographie en colloque.

Signalés via liste de diffusion par Richard Peirano, les actes du colloque Carto 2.0, journée dédiée à la cartographie de l’information et au Mindmapping qui a eu lieu le 3 avril 2008, sont en ligne !
Face à la quantité d’information sans cesse croissante que les organisations sont contraintes de gérer, leur mise en scène au travers de représentations graphiques permet de mieux les appréhender et les valoriser. Intelligence économique, gestion des connaissances, apprentissage, réseaux sociaux, aide à la décision sont autant de domaines où la cartographie de l’information est de plus en plus populaire car elle permet en amont d’organiser et d’appréhender des données, puis en aval d’évaluer et de communiquer les résultats obtenus. Cette journée fut donc l’occasion de mettre en valeur le rôle majeur que peux jouer la cartographie (cartographie heuristique, cartographie mentale, cartographie conceptuelle, cartographie des connaissances etc.) dans nos sociétés dites de l’information…mais nous allons voir que ces constructions cartographiques ne résultent pas d’une invention récente.
Je vous invite par là-même à visiter Serial Mapper, le blog de Claude Aschenbrenner, membre du Conseil scientifique et pédagogique du MS. ISTE (Mastère en Intelligence Scientifique, Technique et Economique) et architecte en système d’information. J’ai particulièrement apprécié son intervention lors du colloque (« Cartographie de l’information : les meilleurs pratiques du XIIeme siècle au Web 2.0 », page 148), en ce sens qu’elle démontre que le Mindmapping, sous ses abords techno-modernistes liés à l’informatique et au Web 2.0, repose sur une conception mentale bien évidemment plus ancienne. La preuve par l’image : Claude Aschenbrenner met en regard, par exemple, la Carte des communautés en ligne, une cartographie fort récente donc…avec la Carte de Tendre, cartographie du parcours de l’Amant du XVIIe, réalisée en 1654 !

map of online communitiescarte

J’ai trouvé par conséquent le point de vue de Claude Aschenbrenner particulièrement intéressant. C’est pour ma part la première fois que je découvre une telle approche, mettant en valeur la relation intrinsèque entre conceptions mentales du passé et d’aujourd’hui.

Pourquoi décrypter l’affiche de film ?

http://cine-l-affiche-en-plein-coeur.over-blog.fr/

Les affiches de films sont des papillons de la nuit du Cinéma : multicolores, éphémères et éternelles à la fois… Invitation, trace, mémoire d’un film ou d’un genre, l’affiche en tant qu’œuvre visuelle ne saurait être démentie, mais comment la déchiffrer, qu’en saisir et que nous dit-elle finalement, à nous, spectateurs ?

L’affiche de cinéma a toujours eu pour fonction principale d’être informative, mais également de frapper l’imagination en proposant une vision suggestive du film dont elle devait faire la promotion. Son design, ses codes graphiques, culturels et intellectuels témoignent par conséquent tout autant de l’évolution du 7ème Art que du spectateur lui-même, témoin visuel impliqué dans un processus de « proto-création » du film finalement imaginé, rêvé, voire mythifié dès l’affiche.

L’affiche est une trace étrange du film : elle le précède, le suit, le résume ad vitam eternam ou disparait au contraire de notre champ visuel, dans un processus publicitaire vorace de lui-même, recyclant sans cesse son imagerie, ses codes et ses référents. C’est dans cet acte de recyclage, inhérent à l’Art de manière générale, et bien sur dans le décryptage des codes et références employées, que « l’analyste décrypteur » peut donc se faire historien, sémiologue et finalement lecteur conscient de l’œuvre.

Pour la première fois, le but de l’étude de ce blog est donc bien, au-delà d’une présentation-catalogue d’affiches affiliées à une thématique précise, de retracer les liens supposés entre designs, codes visuels, références iconiques, stéréotypes et nouveautés, transversalité des genres et des médias (entre Cinéma, Photographie, Bande Dessinée et Jeux vidéo notamment) sur un demi-siècle de créations essentiellement franco-américaines.

L’exploitation pédagogique coule de source : les films sélectionnés dans les opérations Collège et Lycée au Cinéma comportent désormais un dossier complété de l’affiche en grand format, se prêtant donc à une première lecture d’image et à une palette d’activités littéraires et plastiques. Par ailleurs, l’affiche de film peut être rapprochée de la lecture générale d’affiches publicitaires ou de panneaux d’exposition, d’affiches de propagande et de premières de couvertures de livres quels qu’ils soient (comparer les anciens visuels des œuvres adaptées au cinéma et ayant repris l’affiche pour une édition réactualisée).

Toutes les thématiques, toutes analyses des genres, toute approche d’une œuvre de réalisateur ou d’acteur se prêtent également à un décodage des références propres à chacun et induites par les affiches de leurs films respectifs.

Les chapitres proposés (en noir déjà écrits…) dans ce blog aideront à une compréhension générale et thématique :

Introduction : histoire et caractéristiques de l’affiche
La campagne d’affichage
Sexe, mensonge et publicité
Affiches et mythologie publicitaire : 007 ou l’exemple du héros promotionnel
Reprises et détournements, l’affiche mise en abyme
Les genres à l’affiche : stéréotypes et nouveautés
Des noms d’anonymes : les grands créateurs d’affiches de cinéma
Bande dessinée, animation, jeux vidéo : les affiches au delà des médias
Ces affiches qui surprennent : quelques chocs visuels !

Lectures d’affiches…

L’affiche des films d’animation : vendre l’image, promouvoir le dessin

La ville, la machine et les nouvelles technologies : la science à l’affiche

L’Histoire, l’Epique et le Réel : la digression au-delà du mythe.

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Chaque semaine, l’analyse d’une affiche d’un film en salles complétera cette approche et fournira des « dossiers » courts en guise d’exemple pédagogique.

 

source de l’image utilisée dans l’édito :

  1. Susan Hunt, Spurtown, Mars 15, 2004, Flickr, http://www.flickr.com/photos/susanrenee/427172577/.